Alors que le prix des carburants à la pompe augmente ces derniers mois, celui que propose les stations-service du Puy-de-Dôme accuse une différence allant jusqu'à plus de 20 centimes. Cela est-il dû aux marges des distributeurs ? À l'augmentation des taxes ? Réponses de l'économiste Flavien Neuvy.
Dans le Puy-de-Dôme, le prix des carburants peut être très varié d'une pompe à l'autre. Selon le comparateur mis en ligne par l'État, la différence de prix au litre observé chez les stations-service d'autoroute et celles les moins onéreuses atteint généralement plus de 20 centimes (1,39 et 1,61€ le litre de gazole).
Comment peut-on expliquer un tel écart, alors que les prix des carburants connaissent une nouvelle augmentation cette année? La plupart des stations-service que nous avons contactées expliquent qu'elles ne sont pas décisionnaires, mais que c'est le groupe pétrolier qui les mandate directement ou indirectement (Total, Eni) et qui fixe les prix à la pompe chaque soir.
La marge des distributeurs
Pour l'économiste et maire de Cébazat Flavien Neuvy, la différence de prix au litre réside avant tout dans les marges que souhaitent réaliser les distributeurs pétroliers. "Les distributeurs ne décident pas du cours du prix du baril, ni des taxes que le gouvernement impose sur les produits pétroliers. Leur seule influence sur le prix, c'est leur marge, explique le directeur de l'observatoire Cétélem de l'automobile. Pour les stations de supermarché, le carburant est un produit d'appel pour le consommateur : il leur importe d'avoir une faible marge ou nulle pour toujours rester concurrentielles."
La tendance vérifiée par nos appels. "Nous ne pratiquons pas de marges, confirme un directeur de supermarché de Clermont-Ferrand. Nous sommes obligés de renseigner nos prix et par conséquent nous connaissons tous ceux de nos concurrents. [...] Si nous n'avions pas de supermarché adossé à la station-service, ça serait très difficile de s'en sortir."
La situation est différente sur les autoroutes, où les automobilistes sont "captifs", selon Flavien Neuvy. "Les stations-service ont alors plutôt tendance à exercer de plus fortes marges puisque les clients n'ont pas intérêt, financièrement, à sortir de la section à péage pour trouver moins cher."
Automobilistes par contrainte
Mercredi 9 mai, l'association de défense des consommateurs CLCV "appelle les pouvoirs publics à interrompre leur politique d'augmentation des taxes sur le carburant et les professionnels à modérer leurs marges de distribution". Elle a observé que les prix avaient fortement augmenté, avec une hausse moyenne de près de 10 centimes par litre pour l'essence et de 15 centimes pour le gazole par rapport à l'année 2017.
Le gouvernement justifie l'augmentation des taxes sur les produits pétroliers par la volonté de convaincre les automobilistes de délaisser la voiture pour d'autres transports. Flavien Neuvy n'est pas convaincu. "On observe que la majorité des déplacements en voiture sont réalisés quotidiennement, pour le travail notamment. Que le prix au litre revienne à 1,40 ou 1,60€, l'automobiliste continuera à prendre sa voiture, quitte à faire des sacrifices sur son pouvoir d'achat, tranche-t-il. Les gens qui ont fait le calcul ont déjà choisi les transports en commun : évidemment qu'ils reviennent moins cher que l'automobile!"
La pression fiscale
Pour l'économiste, les personnes qui prennent le volant quotidiennement sont ceux qui "n'ont pas le choix". "[Dans le Puy-de-Dôme], les zones d'habitations sont étalées : les transports en commun ne sont pas omniprésents et prendre le vélo pour aller travailler relève de la science-fiction!"
Si le gouvernement tient sa politique fiscale jusqu'en 2022, les prix de l'essence et du gazole - qui tendent à se rapprocher aujourd'hui - pourraient avoisiner les 2€ au litre. Selon l'économiste, "ça n'est pas tenable". Comme lors de la dernière grande hausse en 2012, il parie sur une baisse de la pression fiscale si les consommateurs, transporteurs routiers et maritimes manifestent leur colère.