Téléconsultation et déremboursement de certains arrêts-maladies : « Le cœur du problème est le manque de médecins » affirme une députée

Lundi 26 septembre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été dévoilé. Il prévoit notamment de ne plus rembourser les arrêts de travail délivrés en téléconsultation lorsqu'il ne s'agit pas du médecin traitant. Une mesure qui ne fait pas l’unanimité, notamment dans le Puy-de-Dôme.

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Le gouvernement veut dérembourser les arrêts de travail délivrés en téléconsultation lorsque ceux-ci ne sont pas délivrés par le médecin traitant, a annoncé le ministre de l'Action et des Comptes publics Gabriel Attal dans un entretien au Journal du Dimanche, dimanche 25 septembre. Gabriel Attal motive ce déremboursement "afin d'éviter que certains enchaînent les consultations en ligne jusqu'à trouver celui qui voudra bien leur délivrer un arrêt-maladie". "On a constaté une explosion des arrêts-maladies donnés, en téléconsultation, par un professionnel qui n'est pas le médecin traitant. Ce sont près de 100 millions d'euros l'an dernier", selon le locataire de Bercy. Cette mesure ne fait pas l'unanimité dans le Puy-de-Dôme. 

"Des arrêts de complaisance"

Elle satisfait la représentante dans le Puy-de-Dôme, du syndicat de médecins majoritaire, MG France. Sandrine Tautou, déléguée régionale de MG France Auvergne-Rhône-Alpes, explique : « Les arrêts faits par un médecin traitant sont réalisés après un examen médical approfondi et pour le bien du patient, puisqu’on connaît la maladie. On a vu se développer la téléconsultation lors de la phase COVID, puis c’est retombé mais les sites existent toujours et malheureusement on a eu une promotion de l’arrêt-maladie en ligne. Sur certains sites, on a une hausse des arrêts de convenance, de courtoisie, qui ne sont pas liés à une pathologie. Le projet du gouvernement permettrait de lutter contre les arrêts de complaisance ».

"La France est un désert médical"

Elle poursuit : « Il y a 10% en France de personnes qui n’ont pas de médecin traitant déclaré. Parmi ce chiffre, 5% n’ont pas retrouvé de médecin après un départ en retraite et 5% parce qu’ils ne veulent pas de médecin traitant. Malheureusement la répartition est inégale sur tout le territoire français. La France est un désert médical. Les personnes qui n’ont pas de médecin traitant ne sont pas forcément celles qui sont les plus demandeuses d’arrêts de travail ».

La Caisse primaire d’assurance maladie du Puy-de-Dôme indique que le nombre d’assurés sans médecin dans le département est actuellement d’un pourcentage de 5,6 % parmi l’ensemble des assurés sociaux de plus de 16 ans. En 2021, elle a payé 4 millions d’indemnités journalières, pour un montant total de 129 500 000 euros. La CPAM précise : « En 2022, la tendance observée sur les 7 premiers mois de l’année est une augmentation de 20% en montant, par rapport aux 7 premiers mois de l’année 2021. Néanmoins, du fait de la forte saisonnalité des arrêts de travail, liée notamment au Covid 19, le résultat sur l’ensemble de l’année 2022 ne peut pas faire l’objet de prévisions fiables à ce stade ». 

Sophie Tautou rappelle qu’il existe des garde-fous pour lutter contre la fraude : « S’il y a un arrêt-maladie de complaisance de la part d’un médecin traitant, la caisse veille et le médecin se fait taper sur les doigts ». Sophie Tautou insiste : « La téléconsultation d’un médecin ne devrait pas dépasser 20 % de son activité totale. Nos jeunes médecins qui arrivent trouvent qu’être médecin traitant n’est pas assez rémunéré et ils vont faire de la téléconsultation sur des plateformes, car c’est à fort rendement ».

Un programme pilote

Du côté de l’Ordre des médecins du Puy-de-Dôme, on est aussi favorable à la mesure de déremboursement des arrêts-maladies délivrés en télémédecine. Henri Arnaud, président de l’Ordre des médecins du Puy-de-Dôme, souligne : « L’Ordre des médecins ne peut que s’associer aux mesures du gouvernement, qui fait la chasse aux fraudeurs. Délivrer un arrêt de travail à un patient que l’on ne connaît pas, que l’on n’a jamais vu, sauf en téléconsultation, est loin d’être un acte médical ». Interrogé sur les difficultés à venir pour ceux qui n’ont pas de médecin traitant, il botte en touche : « Je n’ai pas la réponse ». Il insiste : « Maintenant, il y a les soins non-programmés : des médecins vont avoir des tranches horaires dans leur planning pour recevoir des personnes qui n’ont pas de médecin traitant ou qui ont besoin d’un acte urgent. Le Puy-de-Dôme va être un département pilote dès 2023 ».

La crainte d'"inégalités"

Christine Pirès Beaune, députée (PS-NUPES) du Puy-de-Dôme, porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, ne partage pas ce point de vue. Elle estime à 4 500 le nombre de patients sans médecin traitant dans l’arrondissement de Riom, où elle est élue. Elle craint que cette mesure n’engendre des disparités : « Selon le ministre, il y a eu beaucoup de fraudes, c’est pourquoi le gouvernement envisage ce dispositif. Je dis attention parce qu’il parle des arrêts-maladies délivrés par télémédecine. Sauf que quand il y a télémédecine, ça pouvait être dans le cadre de la crise sanitaire pour une très bonne raison et la télémédecine s’est beaucoup développée pendant la crise sanitaire. Mais aujourd’hui le dispositif semble perdurer au-delà du raisonnable et il y a eu visiblement de l’abus avec des cabinets de télémédecine. Il faut faire attention aux mesures généralistes de déremboursement car dans les déserts médicaux, la télémédecine peut rester une solution. Quand vous n’avez pas de médecin traitant dans les déserts médicaux, si vous supprimez la télémédecine, vous créez l’inégalité ». La députée socialiste souhaite qu’on s’attaque au nœud du problème : « Pour moi, le cœur du problème est le manque de médecins, ce sont les déserts médicaux. Si on avait des médecins en nombre suffisant, on n’aurait pas besoin de télémédecine, qui est une solution dégradée, mais elle peut quand même rendre service. Entre rien et télémédecine, il vaut parfois mieux la télémédecine. Mais si on dérembourse tous les arrêts de travail des consultations de télémédecine, sous prétexte que celui qui fait l’examen n’est pas votre médecin traitant, c’est la double peine pour les gens qui n’ont pas de médecin traitant ». Elle ajoute : « Pour lutter contre les fraudes, il faut des contrôleurs tout simplement ».

Un problème "structurel"

Même position pour Marianne Maximi, députée (LFI-NUPES) du Puy-de-Dôme : « Ce projet n’est pas du tout une bonne mesure. Le problème structurel que l’on a dans ce pays est le manque d’accès au médecin traitant, en zone rurale comme en zone urbaine, comme c’est le cas à Clermont-Ferrand, et encore plus dans des quartiers populaires ». L’élue tempère cependant : « On peut être critique à l’égard de la téléconsultation car la médecine doit s’exercer de manière humaine, mais cela palliait un manque de médecins. Si l’arrêt-maladie n’est pas remboursé, cela va avoir de graves conséquences sur la santé au travail ». Marianne Maximi se montre prudente avec les chiffres avancés sur le coût de la fraude sociale : « Je discute toujours les chiffres car ne sais pas ce qu’est un arrêt de travail complaisant, réellement. Il y a des enquêtes de la Sécurité sociale mais il y a aussi une pression politique dans le cadre du budget de la Sécurité sociale pour parler beaucoup des fraudes, ce qui va permettre au gouvernement de faire passer ses mesures. Je sais que les arrêts-maladies ont augmenté depuis 2 ans mais parce que nous sommes dans une pandémie. Il y a aussi beaucoup de personnes qui ne prennent pas d’arrêts de travail et qui vont travailler en étant en mauvaise santé. Il faut mettre les fraudes en rapport avec la réalité et le contexte ». La députée LFI conclut : « Il faut un vrai plan de lutte contre les déserts médicaux ».

Le gouvernement a annoncé la mise en place d’un comité indépendant chargé de lutter contre la fraude sociale : il sera présidé par une personnalité indépendante et rassemblera des acteurs de la protection sociale, des experts et des parlementaires.

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