Deux ans après l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, le collège Willy-Mabrut de Bourg-Lastic, dans le Puy-de-Dôme, a été distingué, en arrivant à la deuxième place du concours Samuel Paty. Son travail sur la liberté d’expression au sein d’une web radio a été récompensé.
Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie de 47 ans, a été décapité le 16 octobre 2020 près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine, à l'ouest de Paris, par un jeune radicalisé qui lui reprochait d'avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Deux ans plus tard, la première édition du prix Samuel Paty, créé par des professeurs d’histoire-géographie a récompensé le travail d’élèves de troisième et de quatrième du collège Willy-Mabrut, de Bourg-Lastic, dans le Puy-de-Dôme. Ils ont travaillé sur le sujet « Sommes-nous toujours libres de nous exprimer ? » dans le cadre de Radio M, la web radio de l’établissement qui existe depuis 2016. Jean-Emmanuel Dumoulin, professeur d’histoire-géographie, raconte la genèse du projet : « C’est parti de travaux sur les dessins de presse et les débats en cours d’enseignement moral et civique. En troisième, quand on arrive à la fin du travail sur les valeurs et les principes de la République, on fait un débat consacré à la possibilité ou non de critiquer une religion en France. Pendant ce débat, il y a une élève qui a dit qu’on n’allait pas parler de cela parce qu’on allait se battre. Je leur ai dit qu’on n’allait pas se battre, qu’on allait apprendre à débattre. En faisant mon travail, en leur apportant des connaissances, petit à petit, ils ont fait évoluer leur point de vue sur le sujet. Finalement, j’ai trouvé ça particulièrement intéressant. Cela nous a amenés à traiter la question de l’offense, pour savoir si la liberté d’expression en France pouvait être limitée par la susceptibilité de chacun. Pour le pouvoir politique, économique ou religieux, en France, on peut froisser tous ces gens de pouvoir ».
Différents thèmes abordés
Le professeur détaille comment ont travaillé les élèves : « Les élèves de quatrième en sont aux premières étapes des travaux sur la liberté d’expression. Ils ont traité dans le podcast une définition très classique de la liberté d’expression et de ses limites en France. Les élèves de troisième ont plus travaillé la question de l’offense, et ont abordé les dessins de presse ». Jean-Emmanuel Dumoulin a été surpris des réactions nées de ce travail mené lors de la web radio : « Beaucoup ont dit qu’ils avaient arrêté les réseaux sociaux parce qu’ils se rendaient compte qu’ils passaient leur temps à diffamer et à insulter. Avec ce qu’ils avaient appris, en lien avec la liberté d’expression, ils comprenaient que c’était parfois une perte de temps. Je ne pensais pas qu’ils iraient jusque-là. Je leur ai dit que l’objectif n’était pas d’arrêter les réseaux sociaux, mais qu’il fallait apprendre à les utiliser. Quand on respecte les principes de la liberté d’expression, ils peuvent devenir des outils très intéressants. Ils ont aussi retenu que la liberté d’expression est fondamentale pour notre société. Il y a un cadre légal à cette liberté d’expression, dans lequel on peut s’exprimer. Ils ont commencé à initier des réflexions très intéressantes et qui dépassent le niveau du collège ».
Un travail récompensé
Samedi 15 octobre, une délégation d’élèves de Bourg-Lastic, entourée d’enseignants, est allée chercher à Paris le deuxième prix du concours Samuel Paty.
Jean-Emmanuel Dumoulin souligne : « Ce n’est pas un concours comme un autre. L’association des professeurs d’histoire-géographie (APHG) qui est à l’initiative du Prix Samuel Paty n’a pas organisé ce concours pour pleurer la mémoire de Samuel Paty. Elle voulait faire cela pour éviter l’oubli mais surtout pour qu’on continue à travailler ces questions de liberté d’expression et de laïcité avec nos élèves. L’objectif est atteint. Cette première édition a été un immense bonheur parce que ça nous dépasse. Les lauréats avaient la charge de représenter tous les enseignants, au quotidien, qui enseignent ces questions à leurs élèves ». Il précise les réactions des élèves, en recevant leur prix : « Au début, ils ne savaient pas trop où ils allaient et ils ne se représentaient pas trop l’importance de l’événement. Mais une fois à la Sorbonne avec le ministre, les parents de Samuel Paty, sa sœur qui a fait un discours très poignant, il y a eu beaucoup d’émotion. Ils se sont rendu compte de l’importance de ces questions fondamentales. Ils m’ont scotché car ils ont été interviewés et leurs réponses étaient super. Ils ont intégré plein de choses ». L’enseignant conclut : « Je ressens une grande fierté. En tant qu’enseignant, on plante des petites graines, mais on ne voit jamais ce que ça donne, ou très rarement. Là, pour nous c’était un grand privilège car on voyait cet aboutissement de leur réflexion. Je les ai vus grandir et développer leur réflexion ».