Les jeunes sportifs handisport ont rejoint à la nage l’île de Moorea depuis Tahiti. Tel était l’objectif du défi «Tahiti swimming dream» organisé le 28 novembre dernier.
Nager contre les préjugés. Dans les eaux du Pacifique, Elisa, Théo, Paul, Nolan, Selam et Natasha ont excellé par leur détermination lors du défi « Tahiti swimming dream ». En binôme, ces jeunes athlètes handisport ont traversé 18 kilomètres depuis Tahiti pour rejoindre l’île voisine de Moorea. Un exploit sportif réalisé en équipe.
Agés de 14 à 21 ans, ils sont membres de l’académie Philippe Croizon, basée à Vichy. Dans ce centre de haut niveau dédié aux athlètes handicapés, il faut compter deux heures d’entraînement par jour. Ces habitués du sprint en piscine ont appris à ralentir pour aller loin.
«Grâce au handicap, ces jeunes vont faire des choses qu’ils n’auraient certainement jamais faites s’ils n’avaient pas été handicapés. C’est là que c’est extraordinaire et qu’on est dans la dédramatisation [du handicap] complète. On est dans la sublimation» souligne Robert Fassolette, directeur de l’académie Philippe Croizon.
Un exploit collectif
Tous ont été embarqués dans l’aventure par Philippe Croizon. Cet adepte des défis, amputé des quatre membres après une électrocution, sait motiver les troupes. « On est juste des personnes capables autrement. On fait la même chose que vous, différemment, avec des systèmes D. Par exemple, moi je vais avoir des prothèses en carbone avec des palmes. Tous les nageurs qui s’entraînent n’ont rien pour les aider. Vous allez voir des nages impressionnantes » avait-il prévenu la veille du départ.
Parmi ces sportifs, Elisa Martin-Borie, originaire de Caluire-et-Cuire (Rhône). Atteinte d’arthrogrypose des deux membres supérieurs, la jeune fille de 16 ans explique : « si la natation est un sport individuel, quand on fait ce genre de défi on est tout seul dans l’eau mais en même temps on nage pour (…) faire avancer le collectif ».
Visionnez ici le premier épisode réalisé par Yaëlle Marie, Laure Crozat et Alexis Adoniadis.
Objectif Moorea
Avant le départ, la fédération de natation tahitienne sensibilise les participants aux dangers des eaux polynésiennes. Hiro, un « waterman » natif de Moorea, partage sa mésaventure. En juin dernier, le nageur expérimenté a difficilement réalisé la traversée avec ses amis : « on a mis deux heures pour faire les deux derniers kilomètres ».
Dans les 20 kilomètres qui séparent Tahiti de son île sœur Moorea, huit courants s’entremêlent pour former la passe Vaiare. Dans la tradition polynésienne, il est conseillé aux courageux qui s’y aventurent de faire une prière avant de se jeter à l’eau. Les entraînements dans le lagon ont permis de rassurer les jeunes et d’effectuer les derniers ajustements entre binômes.
Visionnez ici le deuxième épisode réalisé par Yaëlle Marie, Laure Crozat et Henri Moutouh.
Une traversée mouvementée
Il est quatre heures du matin ce dimanche 28 novembre, jour de la grande traversée. Une heure plus tard, les athlètes sautent dans l’eau. Sur le bateau, ceux au repos encouragent les binômes en action. Au total, 22 nageurs dont certains membres des clubs de natation tahitiens.
La météo longtemps favorable se dégrade au fil des heures. Face à des creux d’environ deux mètres, le moral est mis à rude épreuve mais les nageurs font preuve de ténacité. Après six heures d’effort, les participants atteignent la plage de Temae. Sous les applaudissements du public, les cris de joie et les éclaboussures, ils sont accueillis par des polynésiens avec des couronnes de fleurs. Le défi est réussi.
Visionnez ici le troisième épisode réalisé par Yaëlle Marie, Laure Crozat et Henri Moutouh.
Visionnez ici le quatrième épisode réalisé par Yaëlle Marie, Laure Crozat et Henri Moutouh.
Une dernière journée plus politique
Après leur traversée, les athlètes se transforment en ambassadeurs du «Tout est possible». Si on peut faire changer les mentalités et faire évoluer la société (…) c’est génial» confie la nageuse Natasha Kuhni reçue à la présidence de la Polynésie française avec ses coéquipiers. Ils ont été félicités par le président Edouard Fritch. Les jeunes sportifs ont aussi participé à la Journée internationale du handicap, déterminés à faire changer les regards.
«Le sport pour nous, c’est un outil de résilience (…), l’outil qui nous a permis de nous reconstruire (…), d’accepter notre handicap» insiste Philippe Croizon devant l’assemblée réunie au palais de la présidence de la Polynésie française.
