C’est la recette du moment : le clafoutis aux cerises, que l’on appelle aussi millard en Auvergne. Daniel Brugès, auteur et illustrateur du Cantal, nous livre tous ses secrets.
Vous avez acheté de belles cerises et ne savez pas quoi en faire ? Et si vous prépariez un clafoutis, ou plutôt un millard, comme disent les Auvergnats ? Daniel Brugès est auteur et illustrateur. Il a notamment écrit les « Recettes d’Auvergne » avec Christiane Valat, aux éditions De Borée.
L'importance des cerises noires
Il explique « La recette traditionnelle se prépare avec de la farine, du sucre en poudre, du lait, des œufs, du beurre mou, une pincée de sel et des cerises bien noires. Le millard traditionnel se faisait avec des cerises très noires, même si maintenant on prend d’autres cerises ». Mais alors qu’est-ce qui différencie le clafoutis du millard ? Daniel Brugès nous éclaire : « Le millard est vraiment le terme auvergnat mais généralement on utilise plutôt le terme de clafoutis. Mais le clafoutis peut aller pour d’autres fruits comme les poires et les pommes, alors que le millard, ce serait une hérésie si on ne le faisait pas avec des cerises ».
Entre Pentecôte et la Saint Jean
L’auteur rappelle qu'on le confectionnait sur une période bien précise : « Le millard était bien sûr réalisé à la période de production des cerises. On avait l’habitude de dire que c’était surtout entre la Pentecôte et la Saint Jean, entre mai et le 24 juin. C’était la période de la cueillette aussi bien des herbes médicinales que de ces fruits de printemps ».
Des origines limousines
D’après l’auteur, le clafoutis serait d’origine limousine. Daniel Brugès indique : « On l’aurait volé à nos voisins du Limousin, de la Corrèze et de ces coins. Le mot clafoutis vient du patois occitan « clafir », qui signifie « parsemer, remplir » : cela veut dire que l’on remplit le plat de cerises. Le linguiste Alain Rey rajoute une autre explication et fait remonter ce plat au latin « clavo figere », qui signifie « fixer avec un clou ». Quand on regarde un clafoutis, on voit les cerises qui apparaissent au milieu de la pâte et cela fait penser à des têtes de clous. Dans le Limousin, on retrouve ce dessert au XIXe siècle, vers 1864, pour la première fois dans un texte. Les cerisiers sont arrivés assez tardivement chez nous, même si on trouve trace de plantations de cerisiers dès le Moyen-Age. C’est un plat plutôt récent ».
L'importance des noyaux
L’auteur cantalien rappelle qu’il faut bien sûr utiliser des cerises non dénoyautées. Il affirme : « Pour les puristes, retirer les noyaux enlève du goût mais surtout le jus de la cerise s’éparpille dans la pâte et on n’a plus ce fondant en bouche quand on garde la cerise et le noyau. Avec le noyau, le jus de la cerise éclate en bouche ». Les connaisseurs savent l’importance du récipient choisi pour la cuisson du clafoutis. L’auteur insiste : « On le fait cuire une quarantaine de minutes et cela donne l’aspect d’un flan bien cuit. Il faut que ça soit bien compact. Plus le millard est épais, meilleur il est. Il ne faut pas hésiter à reprendre un récipient plus petit, pour une bonne couche, plutôt que quelque chose plus grand où la couche sera plus fine ». Daniel Brugès souligne que le dessert à base de fruits était le plat du dimanche pour les anciens. Il précise : « En semaine on se limitait surtout à un plat unique, une potée ou un chou farci. Le dessert était plus répandu dans les familles bourgeoises ».
D'autres desserts traditionnels
D’autres desserts à base de fruits étaient confectionnés par les anciens. « Parmi les recettes traditionnelles, on faisait aussi beaucoup de tartes à la rhubarbe. Tous les jardins avaient des rhubarbes. On passait aussi les dernières pommes que l’on avait pu conserver dans des pâtés aux pommes. Avec les fraises, on faisait des confitures et des tartes. La confiture de cerises est beaucoup plus récente, vers les années 40-50 » confie Daniel Brugès. Afin de souligner l’importance du millard dans la culture auvergnate, il conclut qu’un proverbe du Cantal l’évoque : « Un millard dans ta maison c’est toujours la fête. Une belle-mère dans ta maison c’est toujours la peste ». A vous de juger !
Le millard, une recette du secteur de Neuvéglise (Cantal)
Pour 4 personnes
-500 à 600 g de cerises bien noires
-125 g de farine
-75 g de sucre en poudre
-2 oeufs
-75 g de beurre
-25 cl de lait
Laver rapidement les cerises sous l'eau fraîche puis les équeuter. Surtout, ne pas dénoyauter les fruits !
Tamiser la farine, ajouer le sucre en poudre,les oeufs battus en omelette et le beurre fondu.
Bien mélanger.
Verser le lait et mélanger à nouveau pour obtenir une patte bien lisse.
Disposer les cerises dans un plat beurré allant au four.
Verser la préparation sur les ceriseset enfourner pendant environ 30 mn à 180°C (Thermostat 6).
Eventuellement, à la sortie du four, on peut saupoudrer le millard avec du sucre.