Florence Bonnard et Isabelle Barbut descendent le fleuve Rhône en kayak biplace. Parties il y a quelques jours du lac Léman, elles doivent rallier Martigues, en Camargue. C'est leur troisième "défi" de ce type en dix ans. Objectif : sensibiliser au don de moelle osseuse et évoquer le manque de donneurs nécessaires pour sauver des vies.
Chaque soir, c'est le même accueil. Les deux kayakistes, Florence Bonnard et Isabelle Barbut, accostent sous les applaudissements du public venu les soutenir lors de leurs différentes étapes.
Au total, pas moins de dix-huit arrêts jusqu'à leur arrivée en Camargue le 26 mai prochain. Mais en attendant, elles naviguent sur la partie supérieure du Rhône pour rejoindre Lyon en début de semaine. Quelques dizaines de kilomètres avant de tirer droit devant pour enfiler le corridor qui les mènera vers le sud.
Le 9 mai dernier, elles ont mis leur embarcation à l'eau à la frontière franco-suisse, à Saint-Gingolph, sur le lac Léman. Depuis, elles pagaient sans relâche pour grignoter les kilomètres à raison d'une quarantaine par jour.
Dans toutes les conditions, sous le soleil ou la pluie quand ce ne sont pas les deux. Ce dimanche 14 mai, elles longent les rives du Rhône à hauteur de la centrale de Bugey, entre Malville et Loyettes où elles se reposeront en soirée. Lundi, elles arriveront à Lyon. Entre les deux, le temps d'une fin de journée, elles vont rencontrer autant de gens que possible pour les sensibiliser au don de moelle osseuse.
"La plupart du temps, on se rend compte que les personnes confondent ce don avec la moelle épinière. Cela n'a rien à voir, le don de moelle osseuse consiste à donner son sang, mais après avoir stimulé, grâce à un petit traitement, la fabrication de sang", constatent Florence et Isabelle.
Cela se fait sous le contrôle de l'Agence de la Biomédecine, en lien avec les centres de don du sang de l'EFS. A chaque étape, elles expliquent les différentes méthodes appliquées pour le don et tentent d'obtenir des inscriptions en ligne pour le registre des donneurs volontaires (DVMO).
Pour nos deux sportives quinqua et sexagénaire, ce défi a un goût bien particulier. La décision a été prise après le décès, en 2016, de la soeur de Florence, atteinte d'une leucémie aigüe qui ne pouvait être sauvable que grâce à un don de moelle osseuse compatible. Mais à cette époque, Florence suit un traitement qui interdit tout don à sa propre soeur. Et aucun autre donneur n'a été identifié pour éviter le pire. "Alors on s'est dit qu'il fallait en parler, lancer le défi de faire connaître ce don et lutter contre les préjugés."
Notre binôme a pris naissance en 2013, quand nous avons décidé de préparer notre premier défi, le tour de la Corse
Isabelle et Florence
Déjà à deux reprises, les deux amies, qui se sont rencontrées dans la fanfare de Cannes où elles jouaient toutes les deux du saxo dans les années 2010, ont lancé des défis. Le premier en 2014 en effectuant le tour de Corse pour soutenir la recherche sur la polyarthrite, via l'association ANDAR. Puis trois ans plus tard elles décident de descendre la Loire jusqu'à son embouchure sur l'Atlantique, déjà pour promouvoir le don de moelle osseuse.
Pagayer, mais pas seulement...
A chaque jour suffit sa peine. Ainsi, une fois passées Genève, les deux kayakistes entament la partie française de leur périple. La veille, à Challex dans l'Ain, elles ont dormi dans un gîte prêté par la mairie, comme c'est souvent le cas, quand ce ne sont pas les correspondants des Lions Clubs qui les accueillent chaleureusement chez eux.
Dans leur journal de bord, elles relatent leur journée : "Notre mise à l'eau s'effectue dans un méandre perdu. Nous cheminons à pied à travers les champs sous la surveillance des ânes. A 10 heures, le kayak vogue dans les remous en direction du barrage de Chancy-Pougny. L'esquif est indomptable, vent, courants et tourbillons nous malmènent. Fonçant comme un bolide, le stress monte à l'approche imminente du barrage."
Elles poursuivent, toujours dans leur journal de bord : "Mais où est donc cette fichue rampe de sortie, pour nous éviter d'être broyées dans les mâchoires de la centrale hydro-électrique ? En sous-bois, nous débarquons le kayak. Le chemin est sans issue. Dépitées, nous devons remettre le kayak à l'eau et s'approcher dangereusement du monstre pour trouver cette issue qui nous permettra de le contourner. Ça y est. On l'a. Nous voilà tractant le kayak jusqu'à la rampe de mise à l'eau. Les flots sont tumultueux mais nous gardons le cap jusqu'au seuil de Chancy, grosse turbulence impossible à traverser. Nouveau portage et remise à l'eau, twist again... Il nous reste plus que 24 km. Vent, pluie, soleil, froid, chaud, re-vent re-pluie re-chaud pour arriver épuisées à Valserhône accueillies sous une pluie battante par un journaliste à qui nous répondons la bouche pleine faute d'avoir pu manger avant. Pas le temps de souffler. Nous courrons faire la promotion du don de Moelle osseuse à 15 heures puis dans la foulée au centre Marinet à 17 heures. Ce soir là, nous avons recruté 7 promesses d'inscriptions et quelques dons."
Ces derniers seront reversés dans le cadre d'un appel à projets mené par la Société francophone de greffe de moelle et thérapie cellulaire. En 2017, la descente de la Loire de Florence et Isabelle avait permis de collecter pas loin de 6 000 euros.