Du haut de ses 103 printemps, dans les yeux de blanche, c’est toute une vie qui défile, des moments de joie, de vie… mais aussi de guerre. Un portrait tout en douceur pour «En vadrouille».
Assise sur les rebords d’un vieux puits au cœur de Marcy-l’Étoile, Blanche m’attend, coiffée impeccablement, enveloppée de son manteau couleur bleu ciel, c’est tout sourire que la dame nous attend. Manifestement, nous sommes en retard, Blanche n’a pas sa langue dans sa poche : «Je pensais prendre racine !». Un caractère bien trempé, et si c’était ça le secret de la longévité ?
À l’âge de 26 ans, elle est infirmière sur les plages du débarquement, à Ouistreham en Normandie. Blanche a accepté de revivre ce moment avec nous. C’est la Croix Rouge qui, quelques mois avant le D-Day, forme la jeune caissière de boulangerie aux premiers secours.
La mort en face
La veille du débarquement, la nuit du 5 juin, «on entendait des avions passer sans arrêt. Nous avons entendu les bombardements sur la côte vers l’ouest, je n’ai pas beaucoup dormi.» Blanche en parle encore avec beaucoup d’émotion : «même après tant d’années vu mon âge avancé, il y a des souvenirs qui restent ancrés, qui ne pourront jamais s’envoler».
«Le 6 juin, soudain, je vois une fusée verte sur le port. Alors commence un bruit infernal. La marine anglaise tire des obus sur le port et notre maison tremble».
Elle se réfugie sous l’escalier avec ses parents et attend-là, dans un vacarme assourdissant. «Après un moment de répit, mes parents et moi avons couru à la ferme de L’Abbaye où il y avait une tranchée. Elle était pleine, les gens priaient. Quatre bombardements avant le Débarquement avaient fait un grand nombre de victimes. Notre poste de secours était sous l’école, il a été bombardé dès le 2e raid. Il était ensuite situé dans une maison proche de la mairie. Rien que sur le port, on a compté 23 morts et 17 grands blessés. Des gens que je connaissais…»
Charles Lefauconnier, le maire, leur annonce : «Le Débarquement est en cours. La mer est noire de bateaux». Des blessés commencent à arriver, des civils, mais aussi des militaires anglais, américains et des Français du commando Kieffer.
Sous la direction du docteur Charles Poulain, 73 ans, elle surmonte sa peur et comme un automate, panse les plaies sous le bruit infernal de l’artillerie. “Un soir après le décès d’un grand blessé, une violente crise de larmes a calmé un peu ma tension. Les copains me disaient : «Ne pleure pas Blanchette…». Le docteur leur a dit : «Laissez-la, elle en a bien besoin».
Le bruit de la guerre
Dans les souvenir de ce petit bout de femme, c’est le son qui a marqué Blanche Boulet. Sans doute pour oublier l’horreur de la guerre, la centenaire semble avoir oublié les images et vécu le débarquement par l’oreille.
Le bruit, le bruit… le bruit, c’est le bruit qui m’a marquée
Blanche Boulet, 103 ans
Après 63 jours de bombardements, le 19 juillet, elle ne réalise pas tout de suite qu’elle est libérée, «trop de malheur autour de nous».
Une vie plus paisible à Marcy-l'Etoile
En 1947, Blanche quitte Ouistreham pour Lyon. Elle s'installe à Marcy-L’étoile autour de 1957, où elle réside toujours. Voilà 65 ans que Blanche vit à Marcy-L’étoile, «là, aussi, je commence à prendre racine» nous confie-t-elle avec son regard malicieux et vif. Ses premiers souvenirs ici, sont autour des vendanges : «c’était la campagne à 15 km de Lyon. À l’époque on comptait à 17 fermes et 400 habitants, ça a bien changé !»
Installée comme commerçante, elle voit les Lyonnais venir le dimanche après-midi dans son quartier de Bois L’étoile «pour aller guincher aux guinguettes d’à côté !” D’ailleurs, c’est ici à Marcy-l’Étoile, qu’elle recevra la légion d’honneur à l’âge de 100 ans pour avoir secouru les blessés du débarquement en Normandie. Blanche Boulet distinguée pour sa bravoure, déclare humblement, ce jour-là : «Je n’ai jamais rien demandé, mais j’ai toujours reçu avec la même émotion les insignes officielles».
Du haut de ses 103 printemps, Blanche est la mémoire vivante de Marcy-l’Étoile. On pourrait rester des heures à écouter la vieille dame, nous conter sa vie. Blanche aime transmettre, mais sans nostalgie. Alors vous imaginez bien que l’on n’a pas pu s’empêcher de lui poser la fameuse question… : «Blanche, c’est quoi ton secret pour souffler tes 103 bougies ?». et elle de répondre, toujours avec malice et simplicité «Il n’y a pas de secret, mais pour ma part, je dirais… ne jamais s’arrêter d’être passionnée».
Alors laissons la passion nous animer… jusqu’à 120 ans et bien plus, chère Blanche !
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