Mars 1998. Un marqueur important de l'histoire régionale: Charles Millon est réelu président de région avec l'apport des voix du Front National. Un séisme politique qui va fracturer la droite. Vingt ans après, retour sur cet épisode controversé avec les acteurs politiques de l'époque.
Nous sommes en mars 1998. Charles Millon (UDF), chantre d'une droite libérale-chrétienne assumée, se représente à tête de la région Rône-Alpes, qu'il dirige depuis déjà 10 ans. Mais l'élection à la présidence s'annonce très disputée entre lui et Jean-Jacques Queyranne, candidat de la gauche plurielle.
C'est bien le cas . Au premier tour de scrutin , égalité parfaite entre la droite et la gauche. 60 voix partout. Chaque camp s'efforce alors de récupérer deux voix dissidentes. Celles du militant de la Ligue Savoisienne Patrice Abeille et du parti des "chasseurs" Alain Roure, Le second tour ne parviendra pas plus à départager Millon et Queyranne. 61 voix chacun, tandis que Bruno Gollnisch recueille logiquement les 35 voix du Front National.
Les tractations vont bon train en coulisses. C'est à la reprise de séance que survient le coup de tonnerre. Bruno Gollnisch retire sa candidature et demande à ses élus de reporter leurs voix sur le candidat de la droite. Du coup, trois des proches de Charles Millon, pressentant la manoeuvre politique, prennent leurs distances. Marie-Thérèse Geoffroy(RPR) Thierry Cornillet et Fabienne Levy (Parti radical) refusent de participer au vote.
En définitive ,Charles Millon remporte l'élection grâce aux voix de l'extrême droite. L'émotion est à son comble dans la salle. Furieuse , la gauche exprime son refus des compromissions et quitte l'hémicycle aux sons de la Marseillaise. La droite sort meurtrie de cet épisode. Charles Millon sera exclu de l'UDF. La colère populaire va s'exprimer par la suite dans des démonstrations de foule dans les rues de Lyon le 28 mars et en octobre 1998 .
L'élection sera invalidée quelques mois plus tard, en décembre 1998 par le conseil d'Etat. Et c'est la centriste Anne Marie-Comparini, proche de Raymond Barre, qui prendra la présidence du conseil régional en janvier 1999, portée au pouvoir par les voix de la gauche.
Quel pacte secret ?
Mais que s'est-il donc passé exactement entre Charles Millon et Bruno Gollnisch , numéro 2 du FN, en mars 1998 ? Ont-ils scellé un pacte secret ?
Y a-t -il même eu compromission ? S'agissait -il d'un ballon d'essai pour évaluer la faisabilité d'une alliance nationale ? Etait - ce un coup de poker de Charles Millon pour rallier des élus à sa cause ?
Vingt ans plus tard , Sylvie Cozzolino et Thierry Swiderski reviennent sur cet épisode controversé, vécu comme un traumatisme collectif . Ils ont cherché à connaître la nature précise du rapprochement entre les deux hommes.
Ils ont interviewé Charles Millon , Bruno Gollnisch et Jean Jacques Queyranne. Et d'autres protagonistes de cette histoire. Voici leurs confidences. Voici les événements tels qu'il les ont vécus à travers une série de quatre reportages qui s'efforcent de faire toute la lumière sur cette époque trouble.