"Pour bien gérer, il faut se déplacer, aller à la rencontre des juridictions", selon Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’Etat. Il était à Lyon ce lundi 5 juillet pour un bilan de l’activité des juridictions administratives. Mais quel est au juste le poids de cette institution ?

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Le tribunal administratif de Lyon a enregistré une hausse de 17,5% du nombre de contestations en 2021 par rapport à l'année dernière. Cette hausse des recours déposés devant le tribunal administratif est-elle inquiétante ? Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’Etat depuis mai 2018, y voit plutôt un signe positif.

Cela montre que les Français n'ont plus peur de contester quand ils ne sont pas d'accord. Ils vont devant un juge. Et ils ont confiance dans l'arbitre, dans son indépendance, dans son impartialité, dans sa capacité à dire le droit, et à fournir une solution concrète à celui qui l'a saisi. Et c'est plutôt rassurant.

Bruno Lasserre était lundi 5 juillet 2021 en visite au tribunal administratif et à la cour administrative d'appel de Lyon. Il donne des repères et quatre choses à retenir du rôle de cette institution, la plus haute juridiction administrative, encore largement méconnue. 

1 - "Le juge ultime de l'administration"

Le Conseil d'État possède quatre fonctions et Bruno Lasserre les rappelle. "La première, qui est la plus connue, est d’être le juge ultime, en dernier recours de l'administration". Environ 10 000 requêtes sont jugées par an.

"Deuxièmement, il est le conseiller juridique indépendant, à la fois du gouvernement et du Parlement dans la fabrication de la loi. C'est à dire qu'il donne en toute indépendance un avis sur la conformité des textes au principe supérieur avant leur adoption", résume-t-il.

"Troisièmement, le Conseil d'État gère la juridiction administrative". Cela correspond aux 42 tribunaux administratifs, aux huit cours administratives d'appel et à la Cour nationale du droit d'asile. Enfin, sa quatrième fonction est d’être "un lieu de réflexion, de diagnostic et de proposition sur l'action et les politiques publiques". 

2 - La protection des libertés et des droits 

Le Conseil d'Etat est "le juge du quotidien des Français et la crise sanitaire l'a révélé", résume Bruno Lasserre. Et il revient sur les actions très concrètes de l'institution qui a procédé à des arbitrages durant la crise Covid : "un certain nombre de décisions ont eu un impact concret : nous avons rétabli le droit de manifester, nous avons interdit le survol des drones lors de rassemblements publics, nous avons rouvert les lieux de culte et supprimé la jauge inadaptée pour la participation aux cérémonies religieuses, nous avons autorisé les sorties des résidents des Ehpad…". 

Pour Bruno Lasserre, les exemples ont été légion "tout au long de ces derniers mois très particuliers". Agissant dans des délais très rapides, le souci du Conseil d'Etat a été "d'infléchir la règle pour établir un meilleur équilibre entre la protection de la santé mais aussi les libertés des Français et leurs droits". Les décisions ont souvent été prises en référé, avec des délais allant de 24 heures à une semaine. 

En 2020, le Conseil d'Etat a rendu 1.162 avis et jugé 9.671 affaires, dont 1.208 en urgence, "soit six fois plus que l'année précédente jugées en premier ressort", selon son bilan annuel. La crise sanitaire a donné lieu, à elle seule, à 202 avis sur des projets de texte en lien avec le Covid-19 et 840 décisions en référé.
 

3 Vie quotidienne : un champ d'action quasi illimité

Si le Conseil d'Etat est "le juge du quotidien des Français", ils sont pourtant nombreux à méconnaître son rôle. Outre la crise sanitaire, il est pourtant récemment intervenu dans des dossiers qui touchent le quotidien des Français. Qu'il s'agisse de la réforme de l’assurance chômage, de gestion de la crise sanitaire ou même du réchauffement climatique… Autant de dossiers qui ont fait l’actualité récente. 

Nous ne sommes pas une juridiction en l'air, théorique. Nous sommes là pour fournir des solutions concrètes aux contestations que portent les Français à l'égard des décisions prises par les administrations.

Impôts, permis de construire, environnement, droit de séjour des étrangers, accès aux allocations sociales, fonction publique, marchés publics ou encore commande publique… "Tous les sujets que traite le Conseil d'Etat sont en rapport avec le quotidien des Français," martèle Bruno Lasserre. 

4 - Indépendance et impartialité de rigueur... malgré la pression

Les décisions ne procèdent pas d'un jugement politique. Comment la justice administrative peut elle arbitrer sereinement ?

Nos décisions ne procèdent pas d'un jugement politique. Nous n'avons pas à prendre parti. Nos décisions sont fondées exclusivement sur le Droit. Elles sont prises par des juges à la fois indépendants et impartiaux (...) Nous sommes les protecteurs du Droit.

Mais lorsqu'une décision concerne un fait d’actualité, la pression est-elle plus forte ? "Ce qui change, c'est lorsqu'un juge prend une décision en 48 heures. Il est dans le temps de l'action, la résonance médiatique est donc beaucoup plus forte. Il arrive donc que la décision prise soit surinterprétée et placée sur le terrain politique. Mais en aucune manière, nos décisions sont guidées par un souci politique". 

Justice administrative à Lyon : les chiffres à retenir

Le tribunal administratif de Lyon est composé de 38 magistrats, 51 agents de greffe et 6 assistants de justice, répartis dans neuf chambres. Le ressort du tribunal administratif de Lyon couvre les départements de l'Ain, de l'Ardèche, de la Loire et du Rhône. Au cours de l’année 2020, le tribunal administratif de Lyon a enregistré 9 460 affaires, et en a jugé 10 051, soit des baisses de 3,5 % et 4 % en comparaison avec 2019. Le tribunal a ainsi jugé plus d’affaires qu’il n’en a enregistré et ce, pour la cinquième année consécutive. Le contentieux des étrangers représente 42,4 % des affaires enregistrées en 2020, devant les contentieux de la fonction publique (8,9 %), sociaux (8,8 %)et de l’urbanisme (7,9%). Les procédures de référés urgents ont connu une hausse de plus de 20 % en 2020 et représentent près de 10 % des affaires jugées.

Le délai prévisible moyen de jugement toutes affaires confondues s’est ainsi établi au terme de l’année 2020 à 7 mois et 4 jours. Le délai moyen de jugement constaté pour les affaires ordinaires (hors procédure d’urgence et affaires enserrées dans des délais particuliers) est de 1 an et 22 jours sur cette même période, représentant une baisse de 43,7% depuis 2010.

Depuis le début de l’année 2021, le contentieux a retrouvé un rythme très actif à Lyon.

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