Tué "par erreur" par des trafiquants de drogue : le procès hors-norme des assassins d'Houcine Hakkar s'ouvre ce lundi

Du 16 au 20 décembre 2024, la cour d'assises du Doubs jugera à Besançon (Doubs) trois hommes accusés de l'assassinat d'Houcine Hakkar. Le 8 mars 2020, ce mécanicien de 22 ans avait été abattu au volant de sa voiture après une course-poursuite à Besançon. Les tireurs, membres d'un groupe de narcotrafiquants, l'avaient confondu avec un rival.

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Il aura fallu attendre plus de quatre ans. Quatre ans pour qu’ait lieu le procès d’une mort symbolisant à elle seule les ravages et la violence du narco banditisme, dans les villes de tailles moyennes. Du 16 au 20 décembre 2024, la cour d’assises du Doubs, à Besançon, jugera trois individus mis en examen pour assassinat, tentative d’assassinat et complicité de tentative d’assassinat.

Ceux-ci sont soupçonnés d’avoir organisé et d'avoir été membres d’un commando mortel ayant tué de sang-froid un innocent, Houcine Hakkar, qu'ils avaient confondu avec un dealer rival. "On n'avait jamais connu des faits d'une telle gravité et d'une telle sauvagerie ici, à Besançon" déclarera le procureur bisontin Etienne Manteaux après coup. Voilà l'histoire d'une mort "par erreur", devenue une affaire hors norme, cruelle et révélatrice, qui aura profondément choqué la France entière. Et dont l'épilogue sera bientôt connu.

"Putain monsieur, on va mourir" : retour sur les faits

8 mars 2020. À 21h30, le corps d’Houcine Hakkar, 22 ans, est retrouvé par les forces de l'ordre dans une Renault Megane de couleur bleue, avenue Claude Siffert, à Besançon (Doubs). Un corps sans vie. Le véhicule du jeune mécanicien est criblé de 28 impacts de balles. Quatre ont atteint Houcine dont une, mortelle, en pleine tête, presque tirée à bout portant. Le second passager, un ami de la victime, a quant à lui été gravement blessé, mais a réussi à s’enfuir.

Très vite, la justice est certaine d’une chose : cet assassinat est en lien avec le trafic de stupéfiants. Il faut dire que depuis plusieurs mois, novembre 2019 plus précisément, la ville de Besançon a sombré dans un climat de violences lié au trafic de drogues. Deux bandes rivales se disputent le leadership du commerce local de stupéfiants : le clan dit “de la Tour” et la bande “Picardie”. 

En quelques semaines, plusieurs agressions avec utilisation d’armes à feu ont été signalées, causant une dizaine de blessés. Mais pas de cas mortels. Le décès d’Houcine fait ainsi figure de comble de l’horreur et choque particulièrement l’opinion. Il faut dire que petit à petit, l’enquête liée à cet homicide laisse apparaître de sordides détails, comme sortis tout droit d’un film policier.

Le parquet de Besançon, qui s’est saisi du dossier, découvre alors la bande audio de l’appel passé par Houcine et son ami juste avant le drame. Des messages de détresse glaçants : On est en train de se faire tirer dessus !”, “On est en voiture monsieur, dépêchez-vous, ils sont derrière nous, c’est une Mégane 5 rouge”, “Putain, monsieur, on va mourir, bordel, on va mourir, on va mourir monsieur”. 

Des vidéos tournées par des témoins et les images de vidéosurveillance permettent de retracer le mode opératoire des tireurs : on y voit une prise en chasse rapide et intense de la voiture d’Houcine, des premiers tirs pendant la course-poursuite, la voiture de la victime s’encastrer contre un feu de signalisation et enfin, les tireurs s’avancer au niveau de sa fenêtre pour l’abattre froidement.

Pourquoi avoir visé Houcine Hakkar ?

Devant ce déferlement de violence, une question se pose rapidement : pourquoi avoir visé Houcine Hakkar ? En effet, le mécanicien, assure la justice, n’avait jamais été impliqué dans des affaires de stupéfiants. Il s’agit donc d’une victime collatérale et innocente, comme le clame sa famille, qui explique que le jeune homme était juste allé essayer un véhicule amené par un ami. 

Pour lui rendre hommage, une marche blanche sera d’ailleurs organisée le 13 septembre 2020, depuis son domicile. Elle réunira 300 personnes, outrées par cet assassinat et contre le climat de violence dans lequel était plongé le quartier de Planoise.

Houcine, tué “par méprise”

Les investigations se poursuivent et la piste privilégiée par les enquêteurs se confirme en mai 2021 : Houcine Hakkar a été tué “par méprise”. Les tireurs l’ont pris pour un autre. La justice s’en est aperçue grâce au démantèlement du service de communication Sky Ecc, qui permettait aux narcotrafiquants d’avoir des échanges cryptés via des téléphones sécurisés.

Très vite, les enquêteurs trouvent des messages correspondants aux faits recherchés dans les téléphones de membres du clan “Picardie”, dont voici quelques extraits :

  •  14 janvier : On tue deux trois personnes, les gens vont voir qu’on parle pas chinois. Tout Besac va être à nous.
  •  30 janvier - On va leur faire une vraie descente MP5 (ndlr, en référence au modèle d'une arme automatique).
  •  30 janvier - On tue, ça va les calmer.
  •  6 mars - Je viens de me faire allumer, on m’a tiré dix fois dessus. Ils ont failli me tirer deux trois balles dans la tête. Il faut maintenant leur faire une dinguerie. Ils visaient les têtes ces FDP.
  •  6 mars - C’est eux avec la Meghane, ils vont mourir. 
  •  8 mars - On les a tamponnés, re-tamponnés ils ont fait un accident, balle à bout portant dans la tête, dans la cabeza (NDLR : la tête) mon frère”

La justice en vient à une conclusion : le 6 mars 2020, deux jours avant la mort d’Houcine, un membre du clan Picardie est victime de tirs d’intimidations par le clan “de La Tour”, qui roulaient alors en Megane noire. La mort d'Houcine Hakkar serait une réponse à ces intimidations. En voyant une Megane sombre, les assassins se seraient précipités et trompés de cible.

Qui sera jugé du 16 au 20 décembre 2024 ?

Sept personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre dans cette affaire. Ces hommes étaient âgés de 21 à 28 ans au moment de leur arrestation et sont originaires de Besançon. Certains étaient déjà en prison pour d'autres faits ou dans le cadre de la vaste enquête débutée il y a plus d'un an, concernant le trafic de drogue à Planoise. 

Un huitième suspect court toujours, et pas des moindres : il s’agit de Mohamed Mordjane, le leader présumé du clan Picardie, en cavale depuis plusieurs années. Il avait déjà été condamné à 10 ans de prison ferme en mars 2023, lors du procès jugeant la globalité du conflit armé entre narcotrafiquants bisontins.

► À LIRE AUSSI : Comment les enquêteurs de Besançon ont interpellé sept responsables présumés de la guerre de la drogue à Besançon

Mordjane fait justement partie des trois hommes qui seront jugés à partir du 16 décembre pour assassinat, tentative d’assassinat et complicité de tentative d’assassinat. Deux autres hommes comparaîtront devant la cour d’assises et seront, eux, bien présents.

Il s’agit de deux anciens lieutenants de Mordjane. Tout d’abord, Melk Ghezali, arrêté en Espagne en mai 2021, extradé en France dans la foulée et condamné en mars 2023 à 10 ans de prison. Et Elias Basbas, qui avait lui écopé d’une peine de 8 ans de réclusion criminelle en mars 2023.

Tous les deux seront extraits de prisons pour comparaître devant la cour d'assises. Les cinq autres hommes arrêtés en 2021 seront eux jugés en correctionnelle pour “association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes”. 

Un procès hors norme, sous haute surveillance

Vous l’aurez compris, c’est un procès hors norme qui s’apprête à débuter à Besançon. Un procès sous haute surveillance également : un impressionnant dispositif de sécurité sera déployé au vu de la dangerosité des accusés et du retentissement qu’avait pris la mort d’Houcine Hakkar au moment des faits.

Pendant une semaine, la justice reviendra donc en détail sur cet assassinat cruel et méthodique, qui a ôté la vie à un innocent, victime collatérale d’une guerre entre dealers ayant empoisonné la ville de Besançon pendant plusieurs années. Les trois mis en cause, eux, encourent une peine de réclusion à perpétuité.

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