L'entreprise lyonnaise Navya, fabricant de véhicules autonomes, est en grande difficulté. Elle s'est déclarée en cessation de paiements mercredi 25 janvier. Le véhicule autonome, qui ressemblait à un futur enchanté, n'a plus vraiment la cote.
Créée en 2014 et souvent vue comme une "pépite" de la technologie française, l'entreprise Navya a annoncé être en cessation de paiements auprès du Tribunal de commerce de Lyon mercredi 25 janvier.
C'est une grosse désillusion pour cette société basée à Villeurbanne, qui compte 280 salariés. Alors que le marché du véhicule autonome apparaissait encore comme un formidable eldorado il y a quelques années, le marché s'est révélé, de manière générale, moins prometteur qu'attendu. "Il y a 4 ou 5 ans, je ne pouvais pas faire une conférence sans parler de véhicule autonome. Aujourd'hui, ce n'est plus du tout le cas", rigole Emmanuel Ravalet, associé-fondateur de BMH, un bureau de conseil dans le domaine des mobilités.
"Des véhicules autonomes ont été déployés dans de nombreuses villes ces dernières années, en Suisse par exemple, mais ce moyen de transport s'avère finalement décevant en termes de capacité de passagers et de vitesse de déplacement", nous explique Alexandre Rigal, chercheur spécialiste des mobilités à l'Ecole urbaine de Lyon. "Surtout, c'est dans les zones rurales que les véhicules autonomes auraient la plus grande utilité, mais c'est aussi sur ces territoires qu'ils sont les plus chers à développer", poursuit Alexandre Rigal.
De manière générale, "il y a toujours une fascination pour ce type de véhicule, mais on est toujours sur un coût très important avec un gain marginal pour l'utilisateur", analyse Emmanuel Ravalet.
Trop lent, trop petit
L'entreprise Navya avait lancé son véhicule autonome dans le quartier de La Confluence à Lyon en 2016. Cette petite navette, qui roulait sans chauffeur à 10 km/h transportait des passagers sur de petits trajets.
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En 2018, l'introduction en bourse de l'entreprise laissait entrevoir un boom. Surtout qu'un an plus tard, en 2019, Navya lançait ses premiers véhicules sur des routes ouvertes à la circulation à Tokyo et Décines, où des navettes emmenaient des spectateurs au Groupama Stadium les soirs de match de l'Olympique lyonnais.
Mais l'entreprise a finalement peiné à trouver des marchés réceptifs à ses navettes technologiques. "L'un des problèmes du véhicule autonome, c'est qu'il ne permet pas de remplacer la voiture en ville", juge le chercheur Alexandre Rigal. Pourtant, à Lyon comme de nombreuses autres métropoles des pays développés, la tendance est à privilégier les mobilités douces aux véhicules en centre-ville.
"L'un des problèmes du véhicule autonome, c'est qu'il ne permet pas de remplacer la voiture en ville"
Alexandre Rigalchercheur à l'Ecole urbaine de Lyon
Pour être plus rentable pour les collectivités, il faudrait que les véhicules autonomes puissent déposer des passagers sur des trajets plus individualisés : du domicile d'une personne âgée à un centre de soins par exemple. Mais les autorités n'autorisent, à l'heure actuelle, pas les véhicules autonomes de niveau 4 ou 5, qui pourraient remplir ce type de tâche.
Les véhicules autonomes de niveau 2 ou 3, comme la navette Navya à Confluence, ne suivent que des trajets prédéfinis à l'avance. "Avec ce type de véhicule, on a toutes les chances d'augmenter le nombre de véhicules sur la route avec des véhicules qui tournent à vide", note Emmanuel Ravalet
Une décision le 31 janvier sur l'avenir de Navya
Face à de lourdes pertes financières depuis deux ans, Navya n'a pas réussi à trouver de nouveaux investisseurs. "Par ailleurs, toutes les tentatives d'adossements auprès d'investisseurs ont échoué", a expliqué la société dans un communiqué, en reconnaissant ne pas disposer "de ressources disponibles suffisantes pour (...) faire face" à son passif.
Pour l'avenir de Navya, les prochains jours seront en tout cas décisifs. Le tribunal de commerce de Lyon se prononcera sur la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire lors d'une audience qui se tiendra le 31 janvier.
"L'objectif de cette procédure de redressement judiciaire est d'évaluer toutes les solutions permettant de pérenniser l'activité, maintenir les emplois ainsi que rechercher des investisseurs dans le cadre d'un plan de redressement, par voie de continuation ou d'un plan de cession", a détaillé Navya.