Après avoir échappé deux fois à la maladie, Marie-Thérèse est de retour dans un monde idéal

Jusqu'au 21 octobre, Marie-Thérèse Porchet est l'héroïne de la pièce "Un monde idéal", sur la scène du théâtre Tête d'Or à Lyon. Derrière cette femme très populaire en Suisse, se cache depuis 30 ans un comédien aux multiples talents. Joseph Gordoni est aussi un survivant. Rencontre sur le plateau de "Vous êtes formidables" sur France 3

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« Oui, c’est moi, avec une robe et des cheveux ! » confirme celui qui interprète ce rôle… de femme depuis pas moins de 30 ans. Une institution en Suisse. « Là-bas, elle est très populaire. Il y a un même un square Marie-Thérèse Porchet à Gland ! Quand j’étais à Paris en 1998, on me demandait toujours d’où venait Marie-Thérèse. Et elle répondait : j’habite Gland. Du coup ils nous ont appelés pour lancer cette idée. J’ai cru à un gag… Mais, finalement, il a réellement été inauguré », explique le comédien

Il est venu à Lyon en voisin. Joseph Gorgoni habite tout près de la frontière, du côté Suisse, près de Saint-Julien-en Genevois. Il s’est installé pour plusieurs semaines dans le 3ème arrondissement pour permettre à Marie-Thérèse Porchet de (re)prendre vie, chaque soir ou presque, sur les planches du Théâtre de la Tête d’Or. La pièce s’appelle « Un monde idéal ».

Un personnage inspiré... de sa grand-mère

Après toutes ces années, Marie-Thérèse et Joseph ne font plus qu’un. « Je pense qu’elle se suffit à elle-même. Les gens ne la voient pas comme un travesti, en fait. C’est vraiment un personnage qui existe, avec son histoire. » En effet, cette femme à la forte personnalité et au débit impressionnant efface totalement son interprète du début à la fin de la pièce. Elle débute d’ailleurs… au beau milieu du public. « Marie-Thérèse, c’est pas une star. Elle vient des gens, j’aime ça » confirme-t-il.

Dans « Un monde idéal », de Sébastien Blanc et Nicolas Poiré (le fils de Jean) elle est le maire d’un village où elle est censée célébrer l’union de… sa propre fille. Mais, comme souvent dans ce genre de comédie, rien ne se passe comme prévu. « Au moment d’échanger les consentements, avant de dire oui, le genre pose une question : si tu pouvais vivre dans un monde idéal, tu préférerais sauver Hitler ou Pasteur ? »

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avec Joseph Gordoni et Yannick Kusy dans "Vous êtes formidables" ©france tv

Ce qui rend presque hystérique notre élue populaire, interprétée avec toujours autant de délectation par Joseph, qui s’est notamment inspiré… de sa grand-mère. « Lorsque j’ai débuté en tant que danseur, il y a très longtemps, j’ai dû travailler en Suisse dans une papeterie. Ma chef de bureau Madeleine m’a aussi beaucoup inspiré ce personnage. Et puis j’ai passé beaucoup d’après-midi dans des tea-rooms, pour écouter… »   

Ce personnage n’a jamais été vu comme un travesti

Pendant des heures, lors de ses spectacles, elle donne… de la voix. « C’est une voix que je fais depuis toujours. J’ai toujours imité ma grand-mère que j’aimais beaucoup. Je faisais aussi cette voix pour faire rire mes copines danseuses, à mes débuts, pendant les répétitions. Et Pierre Naftule, qui a été mon complice pendant 30 ans, a eu l’idée d’en faire un sketch. A l’époque, c’était à propos des renseignements téléphoniques, en 1993. Le personnage a tout de suite été adopté par le public. C’était incroyable. J’ai été un peu dépassé par tout ça. Je ne me destinais pas du tout à ça. J’étais danseur et je voulais chanter. Je ne savais pas que je pouvais faire rire. »

Très vite, Marie-Thérèse devient une personnalité populaire en Suisse. « Il y avait une sorte de mystère. Moi, je ne me mettais surtout pas en avant. Ce personnage n’a jamais été vu comme un travesti. Et, depuis le temps que je fais ça, quand je me balade dans la rue, tout le monde me reconnait. Et les gens m’appellent Marie-Thérèse, ce qui ne me gêne pas du tout. Il y a un truc qui me dépasse un peu, je crois. »

tout un public, à priori plutôt contre le fait de s’ouvrir à l’homosexualité, adore Marie-Thérèse

Marie-Thérèse a donc survécu. Elle a traversé son époque. « Dès le départ, elle a tout de suite été vue comme quelqu’un. Pas comme un homme qui se déguise en femme. Quand on l’a créée en 1993, c’était différent. Il y avait une ouverture d’esprit moins grande. Et pourtant, tout un public, à priori plutôt contre le fait de s’ouvrir à l’homosexualité, adore Marie-Thérèse. Un public un peu âgé, un peu réac… Je ne sais pas pourquoi. »

Elle fait rire. « Mais elle n’est pas gentille, Marie-Thérèse. Elle condamne tout. Elle met du temps, puis elle comprend. Dans son premier spectacle, elle découvrait que son fils est gay. C’est le plus grand drame de son existence. Et, à la fin, elle devient la reine de de la banquise et elle se met à condamner les gens qui sont contre elle. C’est pour cela que ça fonctionne. »

Joseph Gorgoni reconnaît volontiers que jouer cette femme forte est plutôt physique, notamment dans les spectacles où elle évolue seule en scène. Mais il ne s’en plaint pas. « D’abord, j’ai un passé de danseur. Et puis, après tout ce qui m’est arrivé, je crois vraiment que c’est elle qui m’a sauvé. »

Il échappe deux fois à la mort

« J’ai de la chance » reconnaît en toute simplicité le comédien, qui est un réel survivant, ayant échappé deux fois à un destin tragique. Il y a quelques années, Joseph a contracté une fibrose pulmonaire idiopathique. « C’est un truc qu’on attrape sans savoir pourquoi. J’ai dû me faire changer les poumons assez rapidement. Et j’ai eu la chance d’en trouver. Et de ne pas les rejeter. L’opération s’est très bien passée. C’était quand même très intrusif et très violent », se souvient-il après s’en être sorti totalement… jusqu’à l’arrivée du Covid.

« J’ai attrapé le virus, qui m’a plongé dans le coma pendant 42 jours. Un truc de dingue. Je ne suis pas croyant mais c’est assez miraculeux. Il y a un truc qui fait que je m’en suis sorti. Ça m’a tenu, quand j’étais à l’hôpital. Quand on est aussi longtemps dans le coma, on se dit qu’on ne pourra plus parler, ni rien faire. Et puis, tout ce qui arrivait était tellement incroyable, que je me disais qu’il fallait que je tienne pour raconter ça. »

Et Joseph s’en sort. Dans la foulée, Pascal Héritier et Bruno Davanzo, propriétaires du théâtre Tête d’Or à Lyon, lui font cette proposition de pièce. Un malheur n’arrivant jamais seul, son alter-ego de scène, le producteur et metteur en scène Pierre Naftule décède de la Maladie de Charcot. La carrière de Joseph est une épopée. « Ce qui m’a sauvé, c’est vraiment l’envie de revenir sur scène et de continuer à faire des conneries. »

En 2023, Joseph Gorgoni remontera sur scène pour raconter ses périples de santé, entre autres, dans une nouvelle pièce au titre explicite : « Trans plantée ». « Je vais raconter tout ce qui m’est arrivé car c’est vraiment extraordinaire dans le sens positif du mot. Je vais essayer de faire rire les gens avec ça. L’humour, c’est aussi ce qui m’a sauvé. Je commence en mars. Plein de dates sont prévues et certaines sont déjà complètes. Je suis stressé…»

Il débute dans un concours de travestis amateurs

A 56 ans, Joseph Gorgoni peut assurément se retourner sans rougir sur ses 35 années de scène. « J’ai commencé tôt, dans les cabaret un peu interlopes. J’avais 15 ans et je jouais à « la Garçonnière », un cabaret de Genève. « A l’époque, il y avait des concours de travestis amateurs. Je me transformais en Klaus Nomi ou Nina Hagen. Je gagnais tous les concours mais je n’osais pas le dire à mes parents. Cela m’a permis tout de même de faire un peu mes classes. »

Adolescent, Joseph voulait devenir danseur. Mais cela ne fut pas si évident. « Mon père était originaire d’Italie du sud. Il estimait que la danse était réservée aux filles. Et que je ne suivrai des cours de danse que lorsque je pourrai les payer moi-même. » Il stoppe ses études à 15 ans et début un stage en papeterie. « Mon père avait quitté sa région d’origine dans les années 60. Il a raconté ma maman qui était suissesse. Elle ne travaillait pas, et on était une famille moyenne. »

Moi je n’ai jamais caché qui je suis. Je suis gay et c’est comme ça

Témoin d’une forme de xénophobie vécue par son père immigré, Joseph doit aussi affronter sa propre différence. « Moi je n’ai jamais caché qui je suis. Je suis gay et c’est comme ça. A quinze ans, je me souviens qu’avec mon père, ce n’étais pas simple. Il ne comprenait pas bien. Le jour où il m’a vu, en 1998, chez Michel Drucker, il s’est demandé comment j’avais pu faire. Cet homme venu du sud de l’Italie avait une sorte de fierté un peu discrète. C’était une autre époque. »

En 1989, il est embauché pour tenir un rôle principal dans la comédie musicale « Cats ». Il joue Edgar, un chat un peu espiègle. « C’est tout ce que j’aime faire. J’ai vu une affiche dans une école de danse à Genève. Une copine m’a poussée à aller participer à l’audition publique. Par je ne sais quelle magie, j’ai été engagé. Je crois que j’étais un bon danseur, un bon chanteur et je correspondais physiquement à ce qu’ils cherchaient. Ca a changé ma vie. »

Dans l'émission "Vous êtes formidables" sur France 3 ©france tv

Il participe ensuite au Rocky Horror Show au Casino de Paris. Puis il rentre en Suisse où il postule à la « Revue de Genève », que dirigeait Pierre Naftule. « J’étais engagé comme danseur, mais Pierre savait que je chantais. Il m’a fait jouer le rôle du pape. Les gens riaient tellement dans la salle que j’ai eu une sorte de déclic. J’ai compris que c’est ce que je devais faire » confie celui qui ne s’était jamais destiné à l’humour.

Après de nombreuses années de co-écriture, Joseph a dû apprendre à travailler seul, après la disparition de son ami Pierre Naftule. « Il reste autour de moi une équipe qui me suit depuis le début. Mais c’est vrai que, lorsqu’on a su qu’il n’y avait pas d’issue positive à sa maladie, je me suis demandé comment j’allais m’y prendre. Il faisait tout ce que je ne savais pas faire. Mais voilà. Rien n’est jamais définitif. »

REPLAY : Voir ou revoir l'intégralité de l'émission avec Joseph Gordoni

PODCAST : Ecouter l'entretien en intégralité

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