Au cinéma, il interprète notamment le rôle de Kadoc dans la saga Kaamelott. Mais cet acteur, proche du réalisateur Alexandre Astier, a une autre activité : la restauration. A Lyon, il transmet sa passion pour... les barbecues américains, entre deux anecdotes de tournage. Rencontre sur le plateau de "Vous êtes formidables", sur France3
« Hembert ! pas Humbert ! », me corrige d’entrée Brice Fournier, en mimant, hilare, une guillotine. Le ton est donné. « Il déteste qu’on écorche son nom », m’avertit-t-il, à propos de son ami Jean-Christophe Hembert, l’interprète de Karadoc, l’un des chevaliers les plus populaires, cotoyant le roi Arthur à la table ronde, dans Kaamelott.
Celui qui joue Kadoc dans la même série, et le premier opus du film, revendique son amitié avec celui qui l’a introduit dans le monde de la comédie. « JC –pour les intimes- est un très grand metteur en scène de théâtre, ce que les gens ignorent. En 2001, à Lyon, il a monté une énorme pièce de Shakespeare intitulée Timon d’Athènes. On était le 11 septembre 2001 (il lève un sourcil). C’était un peu surréaliste. JC est monté sur scène et a demandé aux gens leur avis et on a fini par jouer. Et, dans le cast, il y avait un rôle pour un comédien qui avait fait la musique. C’était Alexandre Astier… »
Restaur'acteur
Déjà, la future bande de Kaamelott prend forme à cette époque. « C’est un peu ce que dit JC Hembert… Si il fallait refaire sa pièce maintenant, ce serait plus compliqué, quoi. » Et il sourit. « Alex (c’est ainsi qu’il appelle Astier) aime bien prendre des choses autour de lui, sa famille, ses copains… et effectivement, une bonne partie des participants à cette pièce se sont retrouvés dans Kaamelott, ouais. »
Brice est sans doute mordu, et se met donc au théâtre. « J’ai suivi des ateliers. Pendant que je bossais, je faisais des stages le matin. J’ai pas fait une école de théâtre pendant deux ans. J’avais pas le temps…» résume ce "restaur’acteur", comme il se surnomme. Sa vie balance entre deux mondes. La comédie, et la restauration.
Il a trouvé ainsi une forme d’équilibre. Chaque activité nourrit l’autre. « Restaurateur… Je pense que si on fait ça tout le temps, on peut mourir séché derrière le bar. Et acteur c’est pareil. On finit par être dans une bulle. Toujours assisté, accompagné, et vivre dans l’irréel. C’est pas bon. Moi, quand je pars sur un tournage, je suis ravi d’être là. Et puis quand je fais des longs tournages, pour la télé, par exemple, je suis content de revenir au resto, retrouver mes clients. »
Passionné de barbecue américain
Quel que soit le domaine, Brice aime répéter que c’est avant tout l’humain qui l’intéresse. « Complètement. J’ai fait plusieurs restaurants dans ma vie et, chaque fois, je suis inspiré par des projets artistiques, des dessins… Là en ce moment, par exemple, c’est les barbecues américains. J’ai vécu longtemps aux Etats-Unis et une partie de mes enfants sont américains. C’est là-bas que j’ai repéré ce système de viande marinée. » Une recette qu’il a appliquée dans son restaurant lyonnais, dont le nom résume l’esprit : Delicatessen.
Basé à Lyon, le menu propose d’abord de la viande. « Le concept provient du sus des Etats-Unis. C’est un héritage des esclaves ». Il s’explique. « Les esclavagistes mangeaient les parties nobles et donnaient les carcasses aux esclaves. Ces derniers faisaient des trous et y mettaient le feu et faisaient cuire leur nourriture avec des piques. »
Il faut tout de même un peu de préparation. « On marine la viande, soit avec des marinades liquides, soit en les frottant avec des épices. On laisse deux jours au frais et après on cuit, lentement, entre 80 et 120 degrés. Une épaule de porc ça cuit pendant 18 à 20 heures. » Sans négliger la présentation. « On a une grande table avec une vitrine, et on découpe la viande, comme chez un boucher. On découpe la quantité souhaitée et on sert des assortiments de viande sur des plateaux. » Il n’y a pas d’assiette… Chacun mange dans le plateau.
Pour ceux ou celles qui ne sont pas suffisamment rassasiés, Brice Fournier, qui développe déjà une web-série intitulée « Des quiches et des hommes » sur youtube, va encore plus loin. Il prépare actuellement la sortie d’un livre dont le titre est explicite : « de l’art et du cochon ». « C’est un bouquin de recettes de cuisine de mon restaurant. Le projet est né pendant le Covid. C’est en train de devenir une espèce de bouquin d’art, avec de très belles photos, mais aussi des recettes, des anecdotes. Je voulais faire un très beau bouquin qui raconte cet univers.»
Le « restaur’acteur » lyonnais mène sa double carrière bon train. Personnage récurrent dans Kaamelott, il interprète aussi d’autres rôles dans plusieurs court-métrages, tels que "Black and white", de Chakib Taleb-Bendiab et à la télévision. Sur grand écran, il participe au film de Xavier Gianoli « A l’origine », et se retrouve, en smoking, sur les marches du palais du Festival à Cannes. Rien de moins. « C’est un rêve de gosse. A 20 ans, cela implique des choses, mais à 40 ans, cela en implique d’autres. J’étais un adulte… dans l’Eurodisney des adultes, les fans de cinéma. J’étais très content d’être là. C’était un peu surréaliste… » Et il ajoute « Il y a vraiment deux mondes, je pense. Les gens de Cannes ne savent pas ce que je fais dans Kaamelott, et les fans de Kaamelott, eux, ne sont pas forcément au courant de ce que j’ai fait à Cannes… »
L'humain d'abord
Bien souvent, il bénéficie même quasi automatiquement d’une sorte de label « made in Kaamelott ». Ce qui amuse beaucoup Brice. « Avec un réalisateur, on en a parlé et, après, quand on a tourné, je me suis rendu compte qu’il ne l’avait jamais regardé. Quelqu’un lui avait sans doute glissé cette info dans l’oreille… »
A l’inverse, notre interlocuteur doit aussi, parfois, composer avec quelques idées reçues. « Le fait d’être à la fois restaurateur et acteur… En France, il reste encore quelques blocages. Quand j’ai débuté en tant qu’acteur, j’avais deux restaurants à Paris. Et on me disait : t’es restaurateur mais pas comédien, du coup. Moi, je venais de l’école américaine, où les gens, là-bas, changent d’étiquette facilement. Du coup, je taisais le fait d’être restaurateur et je cloisonnais… Mais je ne trouvais ça pas intéressant. On en revient à l’humain. »
Sur grand écran avec Dujardin
Cela n’empêche pas l’artiste de jouer. On l’a même vu aux côtés de Jean Dujardin dans le dernier OSS117, réalisé par Nicolas Bedos. Un tournage de 10 jours, au Kenya. « J’ai fait un casting. J’avais un peu travaillé le truc, en arrivant avec une veste blanche, et un chapeau. Ce qui ressemble beaucoup au personnage dans le film. C’est juste ce qu’il voulait. Je pense que j’ai ma propre personnalité, et le gens viennent chercher ça…» résume-t-il. Il donne un autre exemple. « Quand je suis sur un plateau, le coiffeur ne veut jamais me voir. De temps en temps, j’ai les cheveux longs… Et, à chaque fois que j’arrive, c’est prêt. Je fais un travail en amont. J’arrive dans la peau du personnage. Le coiffeur, c’est un bon indice… »
Avec un tel parcours, les deux mondes se rejoignent. Il n’est pas rare de voir débarquer au Delicatessen des fans de l’acteur, ou de la série. Ils veulent voir Kadoc. « Au début, ça me gênait, et maintenant plus du tout. L’été, surtout, il y a des gens qui font de véritables « circuits Kaamelott ». Ils vont au château, ils vont voir là où l’épée était plantée dans le rocher… je suis un des rares personnages à être sédentaire. Les gens qui veulent voir quelqu’un de Kaamelott savent où me trouver, et que je suis souvent dans mon restaurant. »
C’est une machine. Il écrit au dernier moment, il donne le texte et, après il est là.
Et ils ont surement un tas de questions… Comment se passent les tournages ? Comment Alexandre Astier présente-t-il toutes ses idées à ses acteurs ? Brice Fournier s’esclaffe. « Alexandre Astier ne présente rien du tout. C’est une machine. Il écrit au dernier moment, il donne le texte et, après il est là. C’est une sorte d’architecte-orfèvre. Il fait ça au millimètre. Et si c’est pas exactement dans le coup, on refait. Il y a zéro impro sur les personnages » Et ça fonctionne ! « Comme il est doué, il met de la fluidité. C’est que de la musique. »
Alexandre Astier est sorti premier du conservatoire en violoncelle. « Le plus souvent, sur le plateau, quand on tourne, il met le casque. Avec lui, c’est que de la musicalité, que du rythme. »
Pour la création de son personnage Kadoc, Brice Fournier s’estime très chanceux. « Comme on est amis et que je joue un des rares personnages fictifs, il a inventé Kadoc pour se marrer. Il est venu me voir un jour et m’a dit : Bon, tu veux faire quoi ? » Et c’est parti… Le personnage qu’Astier lui donc créé est à la fois drôle et dangereux. « Ouais, parce qu’il est fou. D’ailleurs, j’ai compris longtemps après ce que je faisais. A l’époque, je n’étais pas comédien. Ce personnage n’était pas prévu comme ça. J’ai amené un truc qu’Alex a aimé et qu’il a gardé. Kadoc, en gros, c’est quelqu’un qui ne comprend rien. Quand je suis arrivé sur le plateau, je n’avais jamais vu de tournage, ou presque. Et je ne comprenais rien. Et je l’ai fait comme je l’ai ressenti. Il répond toujours à une phrase qu’on lui a posée la veille... Mélangé avec le rythme d’Alexandre Astier, c’est assez drôle. »
Dans la tête d'Astier
Quand on lui demande pourquoi son ami Alex cultive tant le secret autour de ses films, il corrige. « Ce n’est pas du secret, en fait. Tout est dans sa tête. Il n’y a que lui qui a tout. Il partage volontiers, mais, au départ, c’est dans sa tête. » Et il précise avec ironie. « Avec la production, on a développé une manière très simple de ne rien dire. On répond qu’on n’est pas courant. Et ça marche très bien ! »
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PODCAST : Ecouter l'entretien avec Brice Fournier