Le Cimetière de la Mouche, cimetière israélite de Lyon, a enfin son premier mémorial de la Shoah. Après une trentaine d'années de travail, de recherches, ont été inscrits les noms de plus de 6 000 Juifs de la région, déportés et assassinés notamment à Auschwitz.
L'instant est empreint d'émotion, les murs blancs sur lesquels figurent tant de noms, c'est parfois tout ce qu'il reste pour se souvenir d'une vie.
Voilà plus de 30 ans qu'une volonté de construire un mémorial des victimes de la Shoah attendait de se concrétiser. Représentant les filles et fils de déportés, Serge Klarsfeld explique que depuis le procès de Klaus Barbie, d'autres projets ont été réalisés, celui ci a mis un peu plus de temps. "Ce mémorial me plaît beaucoup, notamment parce qu’il y a une lecture historique de chaque victime. Il y a des renseignements sur chaque personne, son lieu de naissance, son âge, le lieu où il a été arrêté, et cela change un peu d’autres mémoriaux sur lesquels les victimes sont plus ou moins anonymes car on inscrit leur nom et leur prénom parfois leur âge mais il n’y a pas de lecture véritablement historique."
Selon l'historien, le mémorial est précis et permet une vue d’ensemble sur les évènements qui se sont déroulés dans la région.
"Avec juste le nom, le prénom et l’âge, on n'est pas tout à fait en présence d’une personne. Là, il y a un cadre, on sait quel est le parcours de la personne et le mémorial devient vivant."
C’est une façon de faire échapper les victimes à l’oubli.
Serge KlarsfeldPrésident de l'association "Fils et filles de déportés juifs de France"
Durant des décennies, lui et son épouse Béate ont poursuivi les nazis mais aussi collecté chaque détail, aussi infime soit il, permettant de retrouver, de conserver en mémoire la trace d'une existence foudroyée par les nazis.
"C’est un travail d’une cinquantaine d’années, un travail qui permet de pouvoir faire des mémoriaux sur n’importe quelle région de France."
6078 noms gravés dans la pierre
Parmi ces 6 078 noms, ceux d'Eliette et Lucien-Moise Bloch, les parents de Claude, tous les trois raflés ensemble à Lyon en 1944. Le pas chancelant, Claude, le dernier rescapé d'Auschwitz résidant à Lyon, scrute le monument, appuyé sur sa canne.
D'une main blanche et tremblotante, Claude touche les inscriptions.
Silencieux, il lit et relit le nom de ses parents, des noms aimés, chéris, rappelant ses racines, des parents sans lesquels il a du apprendre à vivre.
Son grand-père est mort sous la torture à Lyon, sa mère déportée à Auschwitz n'en est jamais revenue. "Ça fait un souvenir que j'ai d'eux comme ça", dans sa voix s'entendent les mots d'un enfant inconsolable.
Aujourd’hui on leur donne une sépulture.
Alain SebbanPrésident du consistoire juif régional
Jusqu'alors les 6078 juifs de la région assassinés pendant la deuxième guerre mondiale n’avaient pas de tombe, pas de sépulture. Le cimetière de la mouche est le plus ancien cimetière israélite de Lyon. "On est la seule grande ville de France qui n’avait pas de mémorial pour les juifs assassinés pendant la guerre, dit Alain Sebban, président du consistoire. Mourir et ne pas avoir de tombe, pour les parents, la famille, les amis qui ne peuvent pas se recueillir, c’est quelque chose de terrible."
Un autre mémorial doit être érigé en centre ville de Lyon, place Carnot, à la mémoire des 6 millions de juifs morts durant la seconde guerre mondiale.