C'est l'un des fleurons de la restauration rapide et du fait-maison à Lyon. Né il y a 14 ans, Le Moulin compte 80 salariés et pourrait malheureusement cesser son activité. L'un de ses gérants alerte sur les freins qui empêchent d'accéder rapidement aux aides d'Etat, notamment les banques.

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C'est l'histoire d'une entreprise lyonnaise "citoyenne", construite autour de valeurs. Salades, quiches, plats cuisinés, pause apéro. Depuis 14 ans, le Moulin fait partie de la vie quotidienne de nombreux salariés lyonnais. En particulier parce que cette entreprise a innové, en 2014, en créant un système de livraisons de produits frais grâce à des tricycles à assistance électrique, au pied des immeubles dans toute la ville et la périphérie de Lyon. Des offres bio, du fait-maison, sans congélation, et une exigence sur les valeurs, en se revendiquant "une entreprise citoyenne, qui  ne met de côté aucun des enjeux de notre société". Une réussite dans le domaine du bien manger local, attestée par les labels "entreprise soldiaire" et "Lyon ville équitable et durable". 

La success-story d'un lyonnais innovant

C'est l'un des trois gérants associés actuels, Tom Thiellet, qui a lancé cette aventure. "Je l’ai montée il y a 14 ans, après une rencontre avec deux frères , qui possèdaient « Le moulin d’Arche », dans le Nord Isère – un ancien moulin à céréales- dans lequel ils ont installé une auberge paysanne. Je les ai rencontrés quand je bossais sur un marché de Noel avec mon père." A cette époque, Tom suivait une formation professionnelle d’acteur, et il a pu travailler avec eux une saison comme aide-cuisinier et plongeur. Un jour, il leur fait part de ses réflexions sur le management et sa vision du développement. Intrigués, ils lui proposent de la mettre en oeuvre " Le deuxième été où on a bossé ensemble, ils m’ont offert de porter le projet. Entre temps, j’étais devenu responsable de cuisine. Et c’est comme ça que le Moulin est né, à Lyon, en 2006. J’avais alors 21 ans. Je pense que je ne réalisais pas exactement ce que j’étais en train de faire." raconte-t-il.

Les premiers "bars à salades" lyonnais

Le Moulin est né et lance le premier concept de « bar à salades » de Lyon. Cela fait maintenant 14 ans que ça dure. Le 1er avril 2014, l'entreprise crée un concept de livraisons en points de retrait –dans la rue- qui s’appelle « les charettes ». Les livraisons se font sur des gros tricycles verts à assistance électrique. "Nos clients passent leurs commandes sur un site, choisissent leur formule et viennent retirer leur commande sur les différents points de retrait proposés. Il en existe environ une quarantaine dans la ville. A l’époque où on a lancé cette organisation, on était une équipe de neuf personnes. Aujourd’hui on est 80 collaborateurs." se souvient Tom.

Mais pas question pour autant de laisser tomber ses principes. Le développement du Moulin se fait en s'appuyant sur des valeurs. "Pour moi, l’idée c’était de faire des choses simples, de fabriquer tout ce que l’on vend et de recréer du lien sur toute la chaine de valeurs, de la transformation du produit brut jusqu’au client final. Pour créer de vrais emplois à temps plein… Chez nous tout le monde est salarié en CDI, qu’on soit livreur ou sur une fonction-support." Plutôt inédite à l'époque, cette rencontre entre la restauration rapide et les produits frais non-congelés est dans l'air du temps et connaît un franc succès. De nombreux emplois sont créés : "C’est un métier très gourmand en main d’œuvre, ce qui explique que l'on est très nombreux dans notre équipe. Concrêtement, les tâches vont de l’épluchage, la découpe de légumes, l’assemblage… jusqu’à la cuisson, l’élaboration de plats, en passant par la vente et la livraison. Tout le monde participe à ce que le client trouve dans son assiette, et chacun a un contact avec ce client au final." Progressivement l'entreprise se développe et consolide son organisation, avec la création  de fonctions supports. Des emplois de responsables pour les deux sites de production dans les 8ème et 9ème arrondissements, sont créés. Le Moulin tourne rond.

Le mauvais vent du confinement

En se développant, l’entreprise "Le Moulin" a choisit d'assurer la distribution de sa production de plusieurs façons. Le confinement va mettre à l'arrêt chacune d'elles, implacablement. D'abord, en stoppant l'activité de ses lieux de vente. Des boutiques dans le 9ème arrondissement, dans lesquelles les clients viennent commander sur place. Il s'agit de vente à emporter - le fameux click'n collect- mais l’une de ces boutiques propose aussi une terrasse avec places assises. "Sur Vaise, on a également développé une activité apéro afterwork le soir, depuis deux ans". Totalement à l’arrêt aujourd’hui.

Le développement soudain du télétravail va gripper le second biais de distribution :  les charettes de livraison : "On livre au pied des bureaux des CSP ou CSP + qui travaillent en périphérie de la ville, dans des zones où on trouve peu de restauration rapide, et auquels on apportait une solution. La majeure partie de ces clients travaille à domicile en ce moment". Comble de malchance, la troisième source de revenus de l'entreprise n'est pas mieux lotie. Le Moulin a développé des prestations de plateaux repas et de traiteur dans l'événementiel. Il répondait à des appels d’offres provenant d'institutions, comme la préfecture, la métropole. Au point mort. 

La banque ne relayerait pas facilement les prêts garantis

La conjoncture apporte très vite de mauvaises nouvelles. "Depuis le premier confinement, on enregistre en moyenne environ 50 000 euros de déficit par mois. Notre trésorerie fond à vue d'oeil et c'est pour ça que nous avons besoin des banques pour "acheter du temps" témoigne Tom Thiellet. L'entreprise a ensuite recours à un premier "PGE", un prêt garanti par l'Etat. "On a aussi pu utiliser le chômage partiel, et le report de dettes, du paiement des cotisations URSSAF. Mais ce ne sont que des reports de paiement." souligne-t-il. 

Le Moulin est donc contraint de faire une deuxième demande de PGE, par l’intermédiaire de son partenaire bancaire historique, en octobre dernier. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. "L’idée était de pouvoir réagir vite mais les choses ont trainé de leur côté. Et surtout, malgré un accord de principe fin octobre, on a finalement reçu une réponse de refus le 1er décembre. Ils savent depuis le début qu’il y a urgence.". Tom ne comprend pas pourquoi la banque n'a pas joué efficacement son rôle, alors que cette aide est un levier soutenu par l'Etat " Nous le refuser a pris deux mois! On l’aurait appris plus rapidement, on aurait pu se retourner. Au final, on a saisi le médiateur des crédits pour nous aider dans cette histoire. On a déjà alerté tous les institutionnels à la CCI, la Métropole, la Région… Je crois qu’on est plutôt solides et bien accompagnés, et pourtant… on essuie un refus, et on ne sait pas vraiment pourquoi"

Depuis le début de cette crise, l'intégralité des rémunérations des salariés a pu être maintenue. Mais à la fin décembre, sans un nouveau prêt, le Moulin ne pourra pas payer l’intégralité de ses collaborateurs et de ses charges. Tom a le sentiment que quelquechose ne fonctionne pas dans le système mis en place par le gouvernement. En particulier, selon lui, pour les entreprises de plus de 50 salariés. "Il semble que ce soit à 90% un handicap, aujourd’hui, pour avoir droit à une aide" commente-t-il. "Le 1er janvier, on ne sera pas en mesure de payer toutes nos dettes. Donc soit on doit trouver des leviers pour négocier avec nos fournisseurs. A nos collaborateurs, on proposera de payer une partie du salaire de décembre dans un premier temps. Si on n’y parvient pas, on partira en liquidation." Le Moulin a solliité en urgence une autre banque, qui semble prête à jouer le jeu. Une réponse est attendue pour la semaine prochaine.

Les conséquences dramatiques de ces freins inexplicables vont commencer à être visible, économiquement et socialement, dans les mois à venir.

Tom ne baisse pas les bras. L'entreprise reste ouverte. ce qui coûte presque aussi cher que de la fermer. Un choix revendiqué par ses gérants "pour maintenir l'actvité de nos clients, pour nos équipes, et pour recourir le moins possible au chômage partiel, qui coûte une fortune à l'ensemble de la population." Les équipes du Moulin ont travaillé dur pour adapter ses services et développer de nouvelles offres, dont notamment le déploiement de points de dépose en entreprise et la refonte des tournées de livraisons en zone urbaine, pour répondre aux demandes des salariés en télétravail.

Et puis Tom Thiellet alerte tous azymuts. Les medias, comme ses clients. "Les institutionnels et politiques que nous contactons tentent de nous aider mais se rendent compte qu’ils ne peuvent rien faire. Ceux qui peuvent agir, ce sont les banques. Elles ont des leviers garantis par l’Etat. Et ils ne jouent pas leur rôle." Et pourtant le moulin, fort de son expérience, et du succès croissant de son développement, estime avoir monté un dossier solide, accompagnés par des experts. "On a l’expérience des dossiers financiers. Je trouve cela hallucinant, et on n’est certainement pas la seule boite dans cette situation. Les conséquences dramatiques de ces freins inexplicables vont commencer à être visible, économiquement et socialement, dans les mois à venir. Il y a vraiment de quoi s’inquiéter ! ", conclue-t-il. Avant de retourner poursuivre sa recherche pour tenter de sauver son Moulin. 

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