Jennifer Simoes est journaliste à Médiacités, la Guillotière elle en a fait son sujet d'enquête. En immersion, elle est allée à la rencontre des habitants, des vendeurs à la sauvette, des différents acteurs sociaux. Elle nous livre sa vision du quartier devenu en quelques semaines un enjeu politique.
Pendant plusieurs semaines, Jennifer Simoes s'est fondue dans la vie de quartier de la Guillotière, elle a rencontré à peu près tous les acteurs, élus, travailleurs sociaux vendeurs à la Sauvette, commerçants, pour rendre compte d'une réalité vécue sur le terrain.
Le quartier de la Guillotière est un "Ellis Island lyonnais", le quartier de toutes les migrations. De nouvelles populations viennent s'installer, quelles en sont les conséquences?
Je ne sais pas si l'on peut dire qu’il y a une nouvelle population, ce qui est sûr c’est que les personnes qui arrivent aujourd’hui, ont des conditions de départ et des conditions d’arrivée différente (par rapport à d'autres vagues migratoires). Pour ceux et celles que j’ai rencontré, ce sont des migrants assez jeunes, de jeunes hommes qui viennent du Maghreb, beaucoup d’Algérie.
Ils quittent l’Algérie par désespoir. Avant on voyait des gens quitter l’Algérie à cause de la guerre civile. Là, ils arrivent à Lyon et n’ont plus forcément les réseaux de solidarité ni les liens avec les anciennes familles algériennes, arrivées précédemment. Ils se retrouvent sans réseau, obligés de vendre des cigarettes ou de sous-louer des comptes Uber pour survivre. Il arrive aussi qu'ils travaillent au marché des États-Unis ou de Vaulx-en-Velin.
Ce sont eux qu'on appelle les "Harraga" ?
Oui, "Harraga" ça veut dire qu’ils brûlent leurs papiers. C’est difficile de savoir parfois d'où ils viennent.
La métropole et la préfecture se livrent une bataille de chiffre sur les mineurs isolés. Selon la préfecture, parmi les personnes interpellées, 40 % serait des mineurs isolés. Un chiffre que conteste la métropole (en charge de ces mineurs isolés).
C’est difficile de répondre car souvent ils n'ont pas de papiers donc comment connaître leur âge? Ce qui est sûr c’est qu’ils sont très jeunes et dans une grande précarité. Finalement, 17 ans ou 19 ans peu importe.
Si ce marché n'était pas là, que feraient ces mineurs?
Je continue d’y aller pour poursuivre mon travail, ça a été très compliqué car pendant une ou deux semaines. Je ne les trouvais plus et je les ai retrouvé dans les rues adjacentes. Ils continuent à vendre des cigarettes.
Et les habitants? Quels étaient leurs témoignages?
Il y a une contradiction, les habitants aiment ce quartier, aiment qu’il soit multiculturel... mais pas trop, ils aiment que ce soit animé...mais pas trop. Peut-être que des gens sont venus vivre ici et ne reconnaissent pas le quartier, ou ils l'ont peut-être fantasmé aussi.
Ce quartier constitue un enjeu politique, entre la mairie écologiste, des députés républicains, un ministre de l’intérieur de La Rem... vous sentez cette tension politique?
La tension, je l’ai senti au cours des ateliers auxquels j’ai participé. J’ai vu des gens qui ricanaient dès que des élus prenaient la parole et cherchaient plus à hystériser les choses. Ils ne venaient pas pour parler de leurs propres problèmes ni pour parler de la place. Ce sont des personnes qu’on a retrouvé lors de la manifestation des commerçants du 21 octobre.
Selon vous entre l'urbanisation, le travail social ou encore la sécurité, quelle est la solution pour apaiser la Guillotière?
C’est le travail social qui permettra d'améliorer la situation à la Guillotière car ce sont surtout des gens qui sont précarisés, donc même si on change l’aménagement urbain, on va éclater ce quartier et les gens vont partir ailleurs.