La polémique ne désenfle pas entre les habitants de la commune du sud-ouest lyonnais et la Métropole de Lyon qui entend y aménager un troisième cimetière communautaire.
A Lyon, où les morts sont à l'étroit, l'emplacement du futur cimetière continue de fâcher. "Personne ne veut voir un cimetière sous ses fenêtres": la métropole de Lyon cherche un terrain pour enterrer les morts, ses deux cimetières frôlant la saturation, mais se heurte à l'opposition des riverains concernés. "Non au cimetière", proclament des banderoles sur le bord d'une route à Charly, une commune rurale de 4 500 habitants, au sud de Lyon. Certains ont même planté des croix devant leur maison.
Pourtant, construire un nouveau cimetière est "très très urgent : si rien n'est fait, dans sept ou huit ans il faudrait aller dire aux familles d'aller dans l'Isère ou ailleurs" pour enterrer leurs proches, avertit la vice-présidente EELV de la Métropole, Zémorda Khelifi, en charge du dossier. D'autant que les communes sont tenues légalement de prévoir un terrain cinq fois plus étendu que l'espace nécessaire pour accueillir le nombre présumé de morts attendus chaque année.
Le constat d'une saturation des deux cimetières de la métropole, situés à Bron et à Rillieux-la-Pape, a été dressé il y a une dizaine d'années. Depuis, la population a cru de 10% en dix ans pour atteindre près de 1,4 million d'habitants, ce qui représente environ 10 000 décès par an, selon les chiffres les plus récents de l'INSEE. Quatre sites, au sud du territoire, ont été identifiés. Mais "personne ne veut voir un cimetière sous ses fenêtres", comme le dit l'élue écologiste.
Le site "qui ressort le mieux", car il remplit des critères comme la desserte en transports en commun ou la qualité des sols, est celui de Charly. Mais le maire de cette commune qui surplombe le Rhône est vent debout contre l'idée de "sacrifier 140 000 m2 de terrains agricoles". Pour Olivier Araujo, il s'agit d'une "décision unilatérale et non concertée." Afin de calmer les esprits, le président EELV de la métropole Bruno Bernard a rencontré l'élu mi-octobre et "des études complémentaires" ont été promises. "Ils ont convenu de remettre le dossier à plat, de relancer les études sur des possibilités d'autres sites et sur Charly, avant de prendre une décision", indique-t-on à la Métropole.
Pourquoi pas des cercueils en carton ?
Ce dossier a fait émerger un besoin de concertation, il faut aller discuter avec les habitants, avec la vingtaine de propriétaires des terrains", reconnaît la vice-présidente de la Métropole. Pour mieux convaincre, cette dernière assure que seuls "six hectares seront occupés" dans un premier temps, les huit autres préemptés "pourront continuer à accueillir des activités agricoles" pendant trente ans. Autre argument : on évoque un modèle de cimetière "plus vertueux", faisant la part belle à la "végétalisation", avec une "large biodiversité" grâce à l'aménagement d'une mare et d'un sous-bois. Les élus écologistes aimeraient aussi aller vers des cercueils en carton, qui se dégradent plus facilement mais aussi vers de "nouvelles modalités d'inhumation" comme la crémation.
La saturation des cimetières n'est pas liée à la pandémie de Covid-19 et touche d'autres villes en France, quelle que soit leur taille, comme le souligne François Roy, porte-parole du Groupe Elabor, une société privée qui assure la gestion de plusieurs cimetières. Le problème est ancien à Paris. Ses 14 cimetières intra-muros sont pleins et les Parisiens doivent se faire enterrer en banlieue. De façon générale, selon M. Roy, la création d'un nouveau cimetière est la solution la plus coûteuse pour les collectivités - entre 8 et 8,5 millions d'euros pour la métropole de Lyon - et donc "la dernière solution préconisée".
Libérer des emplacements : sujet très sensible
L'autre solution ? Libérer des emplacements et d'engager des procédures de "reprise de concessions" quand les tombes ne sont pas entretenues ou quand les familles ne renouvellent pas leur contrat. Mais le processus est "long et coûteux", trois ans minimum pour les concessions perpétuelles, que nombre de communes ont donc renoncé à proposer, soulignent les professionnels du secteur. Selon eux, la question des morts est un "sujet politique" que chaque municipalité aborde à sa façon. "Dans les mairies, la gestion du cimetière est souvent le parent pauvre" soit par manque de personnel soit parce que c'est un "sujet sensible", estime SamiraAmmouri, une juriste spécialisée. Si le cimetière ne fait pas gagner des voix, "il peut en faire perdre", fait valoir M. Roy.