Des chercheurs lyonnais contribuent à la découverte d’un astre mystérieux pesant environ 2,6 fois la masse du Soleil

Il y a environ 800 millions d’années, cet astre a fusionné avec un trou noir de 23 masses solaires et cet événement a produit une onde gravitationnelle puissante. L’Institut de Physique des 2 Infinis de Lyon l'a analysé. Alex Andrix, artiste lyonnais, l'a illustré. Explications. 

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Jérome Degallaix, chercheur CNRS à l’Institut de Physique des 2 infinis de Lyon (IP2I Lyon, CNRS / Université Claude Bernard), décrypte pour nous la particularité de cette découverte.

Pouvez-vous nous résumer ce que vous avez observé ?

Il existe, sur terre, un certain nombre de détecteurs gravitationnels, qui ont été construits il y a une vingtaine d’années. Ces outils scientifiques enregistrent les signaux de l’espace, qui peuvent venir de très loin et, particulièrement, les signaux de l’espace-temps. Ce type de signaux se manifeste lorsque des « objets » très massifs se déplacent très vite -10% de la vitesse de la lumière, c’est phénoménal- et se rencontrent. Les trous noirs sont typiquement le type d’objets lourds que l’on entend. Il s’agit en tout cas d’astres très denses, dont la masse, qui fait plusieurs fois la masse du soleil, est concentrée sur une surface très petite, équivalente à la Ville de Lyon, par exemple. On parle d’astre "compact". Généralement, ils ne se trouvent pas dans notre système solaire, ni même dans nos galaxies. Ils sont aux confins de l’univers. Il arrive que ces astres capturent un objet avec lequel ils fusionnent.  Au moment de cette fusion se produit une émission d’ondes gravitationnelles. C’est ce type d’événement que l’on a détecté.

Quel a été le rôle des lyonnais dans cette découverte ?

L’institut des 2 infinis de Lyon participe aux collaborations franco-italiennes Virgo et américaine Ligo. Ces deux regroupements ont travaillé conjointement sur cette découverte. A Lyon, un groupe d’une vingtaine de chercheurs a fait une analyse de données, après avoir récupéré les signaux issus des détecteurs gravitationnels... Nous apportons aussi une contribution très importante au niveau expérimental. Nous fournissons des capteurs uniques au monde. Il faut savoir qu’au cœur de ces fameux détecteurs, installé dans le monde entier, se trouvent des miroirs « parfaits » conçus à Lyon sur le campus de la Doua.
 

On hésite entre une très grosse étoile compacte, qui serait la plus grosse étoile à neutrons jamais vue, et un trou noir, mais qui serait le plus petit jamais détecté

Jérome Dagallaix

La fusion que vous avez découverte a été détectée en août 2019. Quelle est sa particularité ?

Cet événement s’est en effet produit il y a environ 9 mois, mais il faut ensuite 6 mois pour analyser un tel signal. Ce genre de fusion est courant. Avec les moyens de détection dont on dispose aujourd’hui, on constate à peu près une fusion par semaine. La plupart du temps, elles rassemblent deux trous noirs. Mais là, c’est un peu original : un trou noir a fusionné avec un objet dont on ne connaît pas la nature. A partir de sa masse, on hésite entre une très grosse étoile compacte, qui serait la plus grosse étoile à neutrons jamais vue, et un trou noir, mais qui serait le plus petit jamais détecté. On ne parvient donc pas à distinguer la nature de cet objet. A vrai dire, on pensait qu’il n’y avait pas d’objet de cette masse-là dans l’univers. Et cela nous interroge. Est-ce une très grosse étoile compacte ? Ou bien juste un trou noir super léger ?

En quoi cette découverte peut-elle être utile ?

On nous pose souvent cette question. Je pourrais vous dire « A quoi cela sert-il de comprendre une éclipse de soleil ? » En résumé, cela nous instruit sur notre environnement. En particularité, ce type d’événement nous permet de tester la relativité générale d’Einstein, dans des régimes inédits. C’est le meilleur moyen de tester cette théorie à l’échelle de l’univers. Et puis, cela nous renseigne aussi sur toute l’évolution des trous noirs, dont on peut suivre la généalogie. Et on peut mieux comprendre l’univers lointain. Dans l’univers, les conditions sont extrêmes. Et ce genre d’événement nous permet de les tester. Pour le moment, ce que l’on observe confirme tout ce que l’on connaît, mais peut-être qu'un jour la théorie ne fonctionnera plus, et on trouvera des événements totalement atypiques.


Cette découverte a fait l'objet de plusieurs illustrations, créées par un artiste lyonnais : Alex Andrix.

En lien étroit avec la recherche scientifique, cet artiste numérique a tenté de restituer la fusion. "Une vision sensible, incomplète et subjective" précise-t-il. "Je crée des voyages en réalité virtuelle. Dans le cadre d'une création précédente, j'ai été amené à faire un voyage inspiré d'une résidence dans trois laboratoires de recherche lyonnais différents. C'est là que j'ai rencontré Jérome Degallaix. Au moment où il a commencé à travailler sur la détection de ces émissions, il y a plusieurs mois, il m'a proposé d'en faire une interprétation."
 

Ma pratique consiste à mettre des particules virtuelles en mouvement dans l'espace

Alex Andrix



Ce n'est donc pas une première pour cet artiste : "Ma pratique consiste à mettre des particules virtuelles en mouvement dans l'espace, de contrôler ces mouvements de particules par des équations mathématiques. Ce qui me permet, d'une certaine manière, de créer des chorégraphies avec des objets scientifiques". Ces oeuvres, destinées au grand public peuvent être diffusées par des festivals d'art numérique, ou des manifestations comme la "Fête de la Science". Dans ce cas précis, Alex Andrix a été attiré par l'aspect mystérieux de l'un des deux astres impliqués dans la fusion. "C'était assez nouveau, pour moi. Cela consistait à représenter la fusion d'un trou noir et d'un objet-mystère, qui est tout l'intérêt de cette découverte. On m'a transmis, de façon confidentielle, les détails sur la recherche avant leur publication. J'ai essayé de créer une représentation la plus précise possible, scientifiquement".




 

 

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