ce vendredi 15 janvier, 5 frères comparaissent devant le tribunal correctionnel de Lyon pour commerce illicite de cigarettes. 60.000 cartouches auraient été écoulées, par la même famille, en l'espace d'1 an. L'affaire est révélatrice d'un trafic de plus en plus structuré, selon les cigarettiers.

Daniel Bruquel était présent à l'audience de ce 15 janvier 2021, au Tribunal de Grande Instance de Lyon. Il est le chef du service de prévention du commerce illicite de Philip Morris France, et à ce titre à un oeil très acéré sur le développement du trafic de cigarettes de contrebande. Notamment sur la région lyonnaise.

L'affaire pour laquelle le cigarettier et l'État se sont constitués parties civiles, est révélatrice de pratiques criminelles désormais bien organisées, avec des groupes de vente qui occupent le terrain des réseaux sociaux. Sur le banc des prévenus : 6 personnes, cinq frères et un complice. Elles sont soupçonnées d'avoir, entre mai 2019 et février 2020, écoulées près de 60.000 cartouches de cigarettes, récupérées en Belgique, puis revendues via des rendez-vous fixé sur Snapchat.

La contrefaçon de cigarettes, un marché en pleine expansion

Selon le responsable du service prévention du commerce illicite de Philip Morris France, les chiffres de la consommation de cigarettes contrefaites ne cessent d'augmenter dans la région lyonnaise. Selon un cabinet d'audit, "10.6% des cigarettes fumées en Rhône-Alpes au second trimestre 2020 étaient issues de la contrefaçon. Soit un paquet sur dix, malgré le confinement et la fermeture des frontières. Au troisième trimestre de l'année 2020, le chiffre est de deux paquets sur 10".

La contrefaçon de cigarettes est un sujet particulièrement inquiétant pour Daniel Bruquel. "D'abord, parce que lorsque votre marque numéro 1 est copiée, détournée, il y a un impact financier et en terme d'image". La contrefaçon est désormais bien implantée en Europe, avec des usines clandestines en Pologne, Slovaquie, en Belgique ou encore aux Pays-Bas. "L'an dernier, 128 ont été démantelées sur le territoire européen", précise Daniel Bruquel.

Une usine de contrefaçon produit en moyenne 60.000 paquets par jour. Soit un chiffre d'affaires estimé à 160.000 euros par jour. On est là sur des volumes énormes.

Daniel Bruquel, chef du service prévention du commerce illicite chez Philip Morris France

Le trafic de cigarettes et la contrefaçon connaissent aujourd'hui en France "une accélération jamais vue" selon ce responsable. Pire encore, au-delà des reventes sauvages de rue, comme sur la place Gabriel Péri dans le quartier de la Guillotière, ce que les cigarettiers mettent en exergue, c'est l'aspect d'une criminalité très organisée : "on n'est plus sur de la petite délinquance, mais une organisation avec usine clandestine et ses réseaux de distribution sur les réseaux sociaux. On relève une cinquantaine d'annonces tous les mois, sur des groupes Facebook, dans la région lyonnaise".

Comment faire face ?

Daniel Bruquel n'a pas le statut de policier. Mais pour faire à commerce illicite, les cigarettiers en appellent à une lutte menée conjointement avec les autorités, et les responsables municipaux par exemple. Lors des enquêtes et des saisies, ils jouent le rôle de "support à la demande"," nous sommes sollicités pour authentifier les produits. Et on se constitue partie civile lors des procès pour faire valoir nos droits". 

La prévention du commerce illicite passe par un gros travail d'observation. L'une des actions menées par Philip Morris France, est "le ramassage des paquets de cigarettes sur la voie publique. L'opération est reproduite de trimestre en trimestre, d'année en année, dans les mêmes quartiers d'une ville, ce qui permet d'avoir une photo de l'évolution", raconte Daniel Bruquel. L'action est menée dans une centaine de moyennes et grandes villes de France, à Lyon et dans sa banlieue.

Un enjeu de sécurité et santé publique

Pour les fabricants de cigarettes, la lutte contre ce commerce illicite se veut aussi une façon de protéger les fumeurs. ¨Certes, la cigarette est nocive pour la santé, mais celles issues de la contrefaçon peuvent présenter encore plus de risques, car "produites en dehors des valeurs standards". Autre désavantage : "un paquet acheté à 3 ou 4€ sur les réseaux sociaux contre 10€ chez le buraliste, ça n'incite pas à arrêter de fumer".

Daniel Bruquel insiste également sur le caractère non anodin de cette forme de criminalité organisée. La cigarette de contrebande ou de contrefaçon, cela peut paraitre moins dangereux que les stupéfiants. Moins risqué pour ceux qui participent au trafic. "Mais ce sont des business lucratifs", estime le responsable du service prévention de Philip Morris France, tout en rapellant que dans l'affaire qui sera jugée ce 15 janvier à Lyon, le chiffre d'affaires du trafic a été estimé à trois millions d'euros. Quant aux prévenus, ils risquent beaucoup moins que pour un trafic de stupéfiants : "une peine de l'ordre de 5 ans de prison, au lieu du double pour des affaires de drogue".

Lors du procès de ce 15 janvier, la Défense a demandé la nullité de la procédure menée à l'encontre des prévenus, soulevant des vices de procédure. Une demande que le tribunal a jointe au fond. Autrement dit, l'audience s'est poursuivie.
En fin de journée, le Ministère public a présenté ses réquisitions : 3 ans de prison dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pour deux des prévenus, 3 ans dont 12 mois avec sursis et mise à l'épreuve pour deux autres, et enfin 6 mois sous bracelet électronique pour les deux derniers. Le jugement devait être mis en délibéré.

 

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