La marque Grand Frais échapperait à la constitution d'un conseil économique et social et une représentation de ses salariés grâce à un habile montage de réseau d'entreprises. Trois sociétés du groupe sont poursuivies par le syndicat SUD.
Comme le montre la publicité ci-dessous, Grand Frais, c'est une enseigne de la grande distribution. Et rhodanienne de surcroît, car fondée à Givors.
Comme le montrent les trois comparses qui entrent dans cette halle, ils peuvent changer de crèmerie dans la même enseigne : aller à un rayon boucherie, un autre de maraîchage ou à la poissonnerie.
Mais la démonstration s'arrête là, et c'est ce que dénonce le syndicat SUD-Solidaires. Car ces trois copains rencontrent plusieurs sociétés à travers ces rayons.
Leur organisation en groupement d'intérêt économique au sein des Grand Frais empêche toute représentation salariale. Je demande au tribunal de dire que c'est le même employeur
Frédéric Leschiera, syndicat Sud
Plusieurs entreprises de moins de 11 salariés
En fait, chaque magasin serait composé de plusieurs entreprises de moins de onze salariés. Une manière d'échapper à la moindre constitution d'un CSE (Conseil économique et social) , selon Frédéric Leschiera, secrétaire du syndicat SUD Commerces et Services. "Leur organisation en groupement d'intérêt économique au sein des Grand Frais empêche toute représentation salariale. Je demande au tribunal de dire que c'est le même employeur, c'est la même activité, tout est décidé, les salaires et les formations, tout est décidé depuis Chaponnay où se trouve le siège".
Seuls quelques-uns des près de 300 Grand Frais possèdent un comité social et économique (CSE). L'entreprise emploie pourtant 10.000 personnes en France pour un chiffre d'affaires d'environ 3,5 milliards d'euros. Grand Frais est une filiale de la holding Prosol dont le siège se trouve à Chaponnay, près de Lyon.
Si l’unité économique et sociale est reconnue contre les trois entreprises assignées par le syndicat, un élu pourra représenter les salariés.
Une pratique connue mais peu répandue
Selon l'expert d'un cabinet auprès des comités sociaux et économiques que nous avons contacté, cette pratique est connue, mais "heureusement peu répandue". "Les dirigeants qui veulent frauder ou contourner la loi font ça" nous explique cet expert qui souhaite rester anonyme. Ce montage d'entreprises "empêche les salariés de disposer d'une instance représentative du personnel. C'est une disposition légale du code du travail. Ces instances ont une capacité d'accès à l'information, à comprendre la marche générale de l'entreprise".
Des informations qui peuvent être sensibles et que des dirigeants souhaitent garder pour eux. "Peut-être que les dirigeants de Grand Frais considèrent que leurs salariés n'ont pas les compétences pour comprendre leur stratégie ou qu'ils estiment qu'ils n'ont pas de temps à perdre à leur expliquer", pense notre expert, avant d'évoquer une hypothèse qui lui semble plus crédible, "les dirigeants les plus réticents" à la constitution d'un CSE "sont ceux qui craignent que des informations hautement confidentielles ou stratégiques ne fuitent vers la concurrence."
Contactés, avocats et direction n’ont pas donné suite à nos sollicitations. La décision de justice sera rendue le 9 janvier prochain.