C’est un long et douloureux combat que celui mené par la communauté LGBT+ contre l’homophobie et les discriminations. Il n’y a pas si longtemps, dans les années 70, l’homosexualité était même considérée comme une maladie mentale. Michel Chomarat, célèbre activiste gay se souvient, lui qui, à l’époque, avait même été condamné plusieurs fois par la justice.
Aujourd’hui âgé de 75 ans, Michel Chomarat est un militant pour les droits LGBT+. Dans les années 70, cet activiste n’avait pas peur d’afficher son homosexualité : “La plupart des homosexuels avaient peur, ils rasaient les murs mais moi je ne me cachais pas” nous confie-t-il. A cette période, être homosexuel, c’était “prendre des risques”. En 1977, il est interpellé lors d’une descente de police dans un bar gay à Paris puis condamné pour “outrage public à la pudeur”. Contrairement à la plupart des condamnés de l’époque, Michel Chomarat écope finalement d’une simple amende. Il est même amnistié après l’élection du président François Mitterrand en 1981. Mais cette répression de l'État français dure jusqu'en 1982, date symbolique, où l’homosexualité est dépénalisée.
Pour les personnes dont l’homosexualité avait été dévoilée les conséquences étaient terribles. “Ils perdaient leur emploi, ils perdaient leur logement. En plus, beaucoup étaient des pères de famille et donc bisexuels au niveau familial. Leur nom, prénom et profession étaient affichés dans le journal afin que tout le monde soit au courant, et cela a eu des conséquences dramatiques, beaucoup se sont suicidés parce qu’ils avaient honte”, raconte Michel Chomarat.
Réparer l'irréparable
Michel Chomarat tient à ce que cette histoire soit connue de tous, car, selon lui, même la communauté LGBT+ n’a pas toujours connaissance, aujourd'hui encore, du combat que les homosexuels ont dû mener pour être enfin considérés au même titre que n’importe quel autre citoyen. Il explique : “Si on ne prend pas soin nous-même de notre histoire, de notre mémoire, ce ne sont pas nos détracteurs qui le feront.”
Fin 2023, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l'État français dans les condamnations de personnes pour homosexualité entre 1942 et 1982. Après le Sénat, l'Assemblée a approuvé à l'unanimité en première lecture mercredi 6 mars la proposition de loi visant à reconnaître et réparer les préjudices subis par les personnes homosexuelles du fait des lois discriminatoires en vigueur entre 1942 et 1982. L'Assemblée a rétabli le principe d'une réparation financière pour les personnes condamnées pour homosexualité, et la création d'une commission chargée de statuer sur les demandes de réparation financière, que le Sénat avait supprimés.
✅ Hier soir, adoption à l'unanimité de la proposition de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982, en première lecture.
— Assemblée nationale (@AssembleeNat) March 7, 2024
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Le texte va désormais reprendre son parcours législatif au Sénat.
“Cela ne change rien à ce que nous avons vécu", déclarait Michel Chomarat, il y a quelques jours avant l'adoption du texte. "J'ai été condamné à 3 reprises donc je sais de quoi on parle et comme je suis un des rares survivants sinon le survivant, beaucoup de médias s’intéressent à moi. Et je pense qu’un pays comme la France, se doit de reconnaître ses erreurs. Et je pense que c'était une erreur fondamentale qu'entre 1942 et 1982, on ait condamné des dizaines de milliers de Français pour homosexualité. C'est insupportable.”
Selon le rapporteur du texte, le député PS Hervé Saulignac,le nombre de personnes bénéficiant d'une réparation pourrait se situer entre 200, comme en Espagne, et 400, comme en Allemagne.
Un nombre effrayant d’homosexuels ont été condamnés à cette période-là.
Michel Chomarat, activiste gay
“ Dernièrement l'Autriche, et avant elle l'Espagne et l'Allemagne, ont budgété des sommes importantes pour répondre aux gens qui veulent être indemnisés. Et on s'est aperçu qu'il n'y avait pratiquement personne parce que la plupart des gens sont décédés du sida, en France comme dans les pays européens. On oublie qu’en 1982, ça faisait un an que le sida avait commencé. Et donc le sida a complètement vampirisé l'effet de la dépénalisation. Quand une personne mourait du sida, on brûlait toutes ses affaires”, se souvient-il, lui dont le compagnon est mort du sida en 1990.
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Le combat d’une vie
Même si du chemin a été parcouru quant à l’acceptation de l’homosexualité dans nos sociétés occidentales, Michel Chomarat reste assez pessimiste et s’inquiète pour les générations futures : “Moi je dis que si vous ne connaissez pas votre histoire, vous êtes appelé à la revivre. Et on le voit, ce qui se passe dans certains pays de l'Est, dans des pays musulmans et autres, lorsqu’on est minoritaire.”
Malgré tout, à 75 ans, cet activiste de la première heure n’a pas l’intention de baisser les bras et poursuit son combat d’une vie pour les droits LGBT+.
Michel Chomarat était l'invité de "Vous êtes formidables", émission présentée par Jérémy Allebée, du lundi au vendredi à 10h35 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. A voir ou revoir sur france.tv.