Recruter du personnel dans le secteur de la petite enfance est aujourd'hui un parcours du combattant. Peu valorisés, faiblement rémunérés au regard de l'importance de leur travail, les auxiliaires de puériculture et les éducateurs pour jeunes enfants refusent les emplois en CDI, et même en intérim.
Travailler avec les enfants ne fait plus rêver. Depuis la crise Covid, les crèches peinent à recruter du personnel. Auxiliaires de puériculture, éducateurs de jeunes enfants et autre personnel médico-social lié à la petite enfance, beaucoup désertent les établissements privés comme municipaux et associatifs.
“Il faudrait que l’on soit minimum quatre par crèche vraiment pour tourner. Cinq évidemment dans l’idéal et dans les temps forts. Là actuellement, il nous en manque deux par structures" souligne Alexia Jacquin-Ramel, directrice de la crèche de Bel-Air à Lyon 8 et de deux autres établissements dans le 3ᵉ arrondissement et à Francheville. Dans ses micro-crèches, l’éducatrice de jeunes enfants n’arrive plus à joindre les deux bouts alors que le contrat d’une de ses intérimaires arrive à échéance ce jeudi 20 avril.
“On a été obligé de fermer entre Noël et le jour de l’An. À partir de février, il a fallu que l’on regroupe sur une seule crèche”, ajoute la responsable qui se retrouve parfois obligée de refuser des familles.
“En moyenne, 8 à 10 appels journaliers pour des remplacements”
Face à la difficulté de recrutement dans un des secteurs les plus tendus dans le Rhône, Alexia Jacquin-Ramel se fait aider par des agences d’intérim. Mais pour eux aussi, la tâche s’avère compliquée.
“Nous avons en moyenne 8 à 10 appels journaliers pour des remplacements au pied levé sur des périodes très courtes, des demi-journées, des journées voire des semaines complètes pour tout ce qui va être vacance de postes suite à des absences durables au sein des établissements".
Coline DuprasResponsable du développement des activités médicales au sein du groupe LIP
Chaque jour, elle recherche activement du personnel médical, en ne se contentant pas d’attendre des CV. “On va les chercher sur différents réseaux sociaux. Il y a beaucoup de cooptations qui fonctionnent. Les intérimaires nous ramènent effectivement des connaissances et c’est comme ça que l’on va constituer notre vivier”, ajoute la jeune femme qui gère un planning de 15 à 20 intérimaires pour 60 à 80 structures.
Des métiers peu valorisés et faiblement rémunérés
Les métiers de la petite enfance sont devenus moins attractifs. À Lyon, on dénombre 52 crèches municipales et 105 associatives. Près de 200 postes restent à pourvoir. “Ce sont des métiers qui sont peu valorisés. Il y a certainement la question de la rémunération qui entre en jeu à ce moment-là. On l’a vu au moment de la période Covid et du Ségur, typiquement, qui est venu reconnaître certaines professions. Les professionnels de la petite enfance n’ont pas été inclus à ce niveau-là”, ajoute Lucie Vacher, en charge de l'enfance, la famille et la jeunesse à Lyon métropole.
Pour Alexia Jacquin-Ramel, c’est un cercle vicieux. “Avec le manque de personnel, on leur en demande beaucoup. On leur demande de faire beaucoup d’heures. Elles sont plus à 40 heures qu’à 35. On est obligé de s’adapter au dernier moment donc on va leur demander de changer d’horaire au pied levé pour pouvoir accueillir les familles”.
Un travail trop contraignant, d’autant plus que dans sa micro-crèche, les salariés réalisent des horaires atypiques, tôt le matin ou tard le soir, afin de permettre aux personnes travaillant en décalé de faire garder leurs enfants.
La formation aussi est à revoir. “C’est vrai que depuis le Covid il y a eu énormément d’ouverture de crèches, de micro-crèches entre autres. Je pense que les formations n’ont tout simplement pas suivi”, explique la jeune femme.
Les campagnes de recrutement, nouvel espoir ?
L’État vient de lancer sa première campagne nationale afin de recruter des candidats. La métropole de Lyon en fait de même en novembre dernier. “On a lancé tout un temps sur la question des métiers du prendre soin. L’idée, c'est vraiment de valoriser et de porter ces métiers”, résume Lucie Vacher, qui redirige les professionnels et ceux à venir vers la Maison métropolitaine d'insertion pour l’emploi.
“Ça peut remotiver les gens, donner une bonne image. C’est vrai qu’avec tout ce que l’on voit sur les crèches en ce moment, ça peut faire peur pour les parents”, affirme Alexia Jacquin-Ramel. Encore plus depuis la sortie le 11 avril dernier du rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) qui pointe les problèmes quant à la qualité d’accueil des crèches françaises.
“Si on nous donne les moyens, on va pouvoir faire grandir nos enfants correctement. Il y a besoin des crèches, c’est un vrai problème social”, ajoute la jeune femme.