Isabelle de Gaulmyn est rédactrice en chef du journal "La Croix". Elle a consacré en 2016 un livre à l’affaire Preynat qui l’a touchée de près. Elle se dit "heureuse" et "surprise".
Isabelle de Gaulmyn a fréquenté en tant que scoute la paroisse St Luc à Ste Foy-lès-Lyon, où sévissait le père Bernard Preynat de 1970 à 1991. Si elle n'a pas été victime elle-même de ses agissements, elle a pu témoigner du silence qui entourait le père Preynat. Elle avait elle-même alerté le cardinal Barbarin (en 2005 selon elle, en 2007 selon lui). Elle raconte cet épisode dans son livre, "Histoire d'un silence" aux éditions Seuil. Elle a été auditionnée longuement par la police avant le procès, un témoignage qui a été lu à l'audience.Après la condamnation à 6 mois de prison avec sursis du cardinal jeudi 7 mars et sa démission dans la foulé, elle se dit "heureuse", et en même temps "surprise":
"J'ai été à la fois surprise et quelque part assez heureuse de cette condamnation. Surprise parce qu'elle est dure. On ne s'attendait pas à une condamnation aussi dure. Et heureuse parce que ça veut dire que la jurisprudence évolue. La société évolue. Aujourd'hui on ne peut plus comme avant ne pas réagir tout de suite, dès qu'on entend parler de pédocriminalité. Je crois que c'est ce que le jugement veut dire. Un évêque, comme un médecin, comme une assistante sociale aujourd'hui, se doit de dénoncer, même s'il s'agit de crimes très anciens."
L'Eglise a t-elle changée avec cette affaire?
"C'est l'aboutissement d'un énorme changement qui a débuté en 2015 avec la plainte de la première victime, Alexandre. Et surtout tout le travail de La Parole Libérée à Lyon qui a permis deux choses. D'abord aux victimes de retrouver une dignité. Jusqu'à présent les victimes n'osaient pas aller témoigner à visage découvert, en disant voilà, maintenant je suis un homme, j'ai un travail, une famille, mais j'ai été violé quand j'étais jeune. C'étaient des choses qu'on ne disait pas. On avait honte. Et elles l'ont dit de manière très ouverte. C'est très important. Cette parole libérée a permis à beaucoup d'autres personnes de se libérer aussi. Et de dire ce qui est arrivé. Et la deuxième chose, c'est qu'ils ont montré que même quand il s'agissait de crimes très anciens, il fallait que ce soit dit. Il ne fallait pas considérer que c'était du passé. Les crimes de pédophilie ont ceci de spécifique qu'ils continuent de détruire les gens des années et des années après le moment où ça s'est produit."
Pensez-vous que le pape va accepter cette démission ?
"J'imagine que oui, le pape va accepter la démission. Je pense que cette démission du cardinal est logique. C'est la démission d'un homme d'Eglise, qui a le sens de l'Eglise, et qui se dit qu'aujourd'hui il devient un frein pour son diocèse. Quand Benoît XVI a démissionné, il a eu une belle expression. Il a dit "il y a un moment où le caillou sur la route se bloque dans la chaussure et empêche de marcher". Le cardinal Barbarin, condamné aussi sévèrement, ne pouvait pas sereinement ensuite gérer son diocèse. Ca fait des années que le diocèse de Lyon est empoisonné par cette affaire. Donc c'est important que le diocèse retrouve une sérénité."