La justice va rouvrir le dossier de la mort de la gendarme Myriam Sakhri, dont le corps a été retrouvé dans une caserne de Lyon en 2011. La famille se dit "prudente" à ce stade : "Nous allons poursuivre son combat" nous affirme sa soeur.
La justice a décidé vendredi 02 avril de rouvrir le dossier de la gendarme Myriam Sakhri, retrouvée morte dans une caserne lyonnaise en 2011, à la demande de sa famille qui n'a jamais cru à la thèse officielle d'un suicide pour raisons personnelles. Le 26 janvier, le parquet général avait requis devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon la réouverture d'une information judiciaire pour "harcèlement" et "homicide involontaire". Initialement attendu le 30 mars, l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon a été rendu public avec deux jours de retard. Un nouveau chapitre judiciaire s’ouvre donc avec cette décision.
"Nous restons très prudents et réservés"
"Ce n’est pas une victoire, car cela ne nous ramènera pas Myriam", explique Nadirha Sakhri, une des sœurs de la victime que nous avons pu joindre. "Nous restons très prudents et réservés. Tout va dépendre maintenant de la façon dont seront menées ces nouvelles investigations. Nous souhaitons qu’elles soient pilotées de façon impartiale, transparente, et que l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en soit évidemment écartée", poursuit la cadette de Myriam Sakhri. "Ma sœur avait entamé des démarches pour faire reconnaître son harcèlement en le dénonçant y compris par écrit quelques mois avant sa mort. Nous allons poursuivre son combat. C’est le début d’une nouvelle histoire, mais on ne peut pas parler de victoire aujourd’hui".
Une balle dans le ventre et son arme de service à ses pieds
Le corps de la jeune femme de 32 ans a été retrouvé le 24 septembre 2011 dans son appartement de fonction, une balle dans le ventre et son arme de service à ses pieds. La version qui prévaut depuis une décennie veut qu'elle se soit suicidée après avoir appris qu'elle devrait comparaître devant un tribunal pour deux affaires liées à l'exercice de sa profession. Myriam Sakhri se plaignait cependant depuis des mois d'être harcelée par des collègues et sa hiérarchie. Un mot retrouvé à ses côtés, écrit de sa main et rédigé en ces termes: "Merci à G. le connard!", désignait le colonel qui commandait à l'époque la gendarmerie du Rhône. La militaire y travaillait au sein du Centre d'opérations et de renseignements (Corg), service chargé de répondre aux appels du public.
"Des gendarmes ont parlé"
"Les années passent, certains liens de subordination se sont défaits au sein de Grande Muette", nous a précisé Me Vincent Brengarth, un des avocats de la famille Sakhri. "Des gendarmes ont parlé. Le contexte actuel propice à la libération de la parole a évidemment joué. Des témoignages se sont ajoutés au dossier et nous avons pu produire une requête de plus de 60 pages mettant en lumière les dysfonctionnements de l’enquête initiale". "Ému" par cette réouverture "rarissime" de l’enquête, Me Brengarth ajoute qu’il faut vraiment "rendre hommage à la famille Sakhri, qui n’a jamais cessé de se battre pour obtenir la vérité sur la mort de la jeune gendarme." Il ajoute: "Nous entrons dans une phase déterminante et nous aurons un rôle à jouer auprès du magistrat instructeur", poursuit l’avocat. Avant de conclure: "ces nouveaux éléments démontrent la réalité du harcèlement raciste dont se plaignait Myriam Sakhri. Cela atteste aussi de la partialité des investigations initiales menées par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale".
Un premier non-lieu
Après un premier classement de l'affaire, la famille de la victime avait porté plainte, déclenchant l'ouverture d'une information judiciaire en 2012. Celle-ci a débouché sur un non-lieu en 2013, confirmé en appel en 2014 puis par la Cour de cassation en 2015, les magistrats écartant tout harcèlement et rendant la jeune femme responsable de la dégradation de ses relations de travail. En novembre dernier, les proches de la défunte ont transmis à la justice de nouvelles attestations de témoins éclairant l'affaire d'un jour nouveau, ainsi que le rôle joué par le colonel G., devenu général depuis, dans la dénonciation des faits pour lesquels la gendarme devait être jugée en correctionnelle.
Pour les avocats de la famille, ces nouveaux éléments attestent de la réalité du harcèlement raciste dont se plaignait la militaire, ainsi que de la partialité des investigations initiales menées par l'Inspection générale de la gendarmerie nationale.