La Cour d'Appel de Lyon examinait mardi 26 janvier, une demande de réouverture de l'information judicaire sur la mort de la gendarme Myriam Sakhri en 2011. La famille de la victime et ses avocats mettent en avant de nouveaux éléments et de nouveaux témoignages et dénoncent un harcèlement.
Le 24 septembre 2011 le corps de la gendarme Myriam Sakhri est retrouvée dans sa caserne. L'enquête conclut à un suicide. Mais neuf ans plus tard, le dossier pourrait être relancé pour harcèlement et homicide involontaire avec une demande de réouverture de l'information judiciaire devant la Cour d'appel de Lyon.
La décision sera communiquée le 30 mars prochain.
Vers 11h, ce mardi, la famille a installé deux grands kakémonos avec le visage de la victime en bas des marches du palais des 24 colonnes. Le parquet général a requis la réouverture de l'information judiciaire, ce qui redonne beaucoup d'espoir à la famille de Myriam Sakhri. Hassina, sa soeur, dénonce depuis une dizaine d'années une enquête à charge : "On a des nouveaux éléments probants, qui nous permettent cette réouverture (du procès). Donc on est très confiantes, après plus de 9 ans quand-même. On s'est acharné, on n'a pas lâché l'affaire. Nous attendons que la justice ait un regard impartial et qu'on ait une véritable enquête. Il faut dire la vérité: on a juste eu un dossier à charge contre ma soeur. On veut savoir la vérité."
Le suicide est-il lié à un harcèlement ?
Le suicide de Myriam était-il la conséquence directe d'un harcèlement ? Pour la famille et son avocat, la réponse est évidente. Selon eux, les collègues de Myriam ne lui disaient plus bonjour, les comportements "pouvaient être à son égard injurieux", et ils dénoncent également des "intrusions dans sa vie privée".
Pour Me Vincent Brengarth, l'information judiciaire doit être ré-ouverte: "Tout dans ce dossier est complètement hors-norme. Ça fait partie de ces grandes sagas judicaires, ces dossiers dont on permet la ré-ouverture plusieurs années après à la faveur d'éléments nouveaux." Il a participé à un nouvel examen exhaustif de l'ensemble des éléments du dossier : "A l'évidence, le harcèlement a été caractérisé, notamment les pressions exercées par la hiérarchie, les rumeurs colportées au sujet de Myriam Sakhri et sa marginalisation au sein de son service qui n'a jamais été prise en considération par ses supérieurs."
Les nouveaux témoins
Les avocats de la gendarme et sa famille mettent en avant de nouveaux témoignages, des témoins qui affirment qu'ils "ont pu subir des pressions dans le cadre des investigations. Ils disent aussi qu'il y avait des questions qui étaient orientées, qu'il y avait des questions qui n'ont pas été posées lorsqu'elles étaient au bénéfice de Myriam Sakhri."
L'avocat affirme qu'un gendarme, cité comme témoin, affirme avoir vu "un supérieur hiérarchique mis en cause par Myriam Sakhri discuter avec le procureur de la République". Selon lui, l'enquête n'a "jamais été impartiale et indépendante".
"Les mêmes éléments de langage contre Myriam Sakhri"
Autre point essentiel mis en avant par les parties civiles: selon Me Vincent Brengarth, "quand on lit les procès-verbaux, on a l'impression qu'il y avait une absence de sincérité. Lorsque vous avez des personnes qui sont membres du CORG (Centre d'Opérations et de Renseignement de la Gendarmerie), qui vous disent que l'ensemble des gendarmes ont été réunis par un supérieur hiérarchique un peu avant les auditions, ça interroge ! Un mis en cause peut réunir l'ensemble des intéressés, et après ces personnes sont entendues et répètent un même discours, répètent les mêmes éléments de langage contre Myriam Sakhri. Il y a des interrogations que devront lever les investigations complémentaires que nous demandons."
"Elle est restée dans le silence pendant des mois"
Au coeur de cette nouvelle étape, la juriste Zineb Arzallah, amie de la famille, regrette surtout que la parole de Myriam n'ait jamais été entendue jusqu'à présent. "Nous sommes simplement les porteurs des mots que Myriam avait elle-même dit avant sa mort. Elle est restée dans le silence pendant des mois. C'est aussi une justice apportée pour ses parents." Selon elle, "il y a du harcèlement possible dans la gendarmerie, comme dans toute corporation, tous les métiers. Dénoncer un harcèlement, ce n'est pas dénoncer une corporation. On est là pour démontrer qu'il y a eu des dysfonctionnements qui ont fait que le harcèlement de Myriam n'a pas été retenu à l'époque."
Une audience à huis-clos
A l'issue de cette audience qui s'est déroulée à huis-clos pour des raisons sanitaires, l'avocat de la famile Me Vincent Brengarth regrette d'avoir senti du septicisme dans sa demande : "J'ai été surpris par ce que j'ai perçu comme étant une forme de septicisme parfois ouvertement manifesté par le président de la juridiction. Ça m'a surpris. Comme toute affaire de harcèlement, ce sont forcément des témoignages. Si aujourd'hui on vient nier l'importance de ces témoignages, alors on neutralise pour toujours que de tels faits puissent être réprimés."