Dossier : la Duchère, cette cité de Lyon qui change de visage

En 2002, les pouvoirs publics lançaient un vaste programme de reconstruction de la cité de la Duchère à Lyon, une des plus sensibles de France. 20 ans plus tard, quel est le bilan ?

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"Tout est beau, on dirait un quartier comme un autre !" Sabah Hadj Doudou, habitante de la Duchère depuis plus de 25 ans, n'en finit pas de s'étonner des transformations de son quartier. Car ces 20 dernières années, la cité sensible de la Duchère, dans le 9e arrondissement de Lyon, a totalement changé de visage. C'est le résultat du Grand Projet de Ville (GPV), un des programmes les plus ambitieux de France, lancé en 2002, pour faire tomber les immenses barres, et construire à la place des habitats à taille humaine. Alors 20 ans après, la Duchère est-elle effectivement devenue "un quartier comme un autre" ?

Construite à marche forcée

Une chose est sûre, l'histoire de la Duchère n'est pas celle des autres quartiers de Lyon. En revanche, c'est celle de nombreuses cités françaises : elle est construite à  marche forcée, dans les années 60. Il faut répondre rapidement à une crise du logement, et accueillir en urgence les populations qui fuient la guerre d’Algérie. En 1965, un tiers des habitants de la Duchère sont des pieds noirs. En moins de dix ans, plus de 20 000 habitants s’y installent. Les immeubles sont modernes, et les premières années semblent prometteuses… Mais, dès les années 80, les problèmes s’accumulent. Le quartier reste une terre d’immigration, qui concentre plus de 80% de logements sociaux. Souvent des familles déracinées, monoparentales, et pauvres. Le taux de chômage y est deux fois plus élevé que la moyenne française. La criminalité, le deal, et la délinquance prospèrent. Dans les années 90 et 2000, associations et pouvoirs publics se mobilisent de plus en plus. Mais la Duchère reste l’une des cités les plus sensibles de France. En 2012, elle est la première à être classée zone de sécurité prioritaire dans la métropole de Lyon.

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La Duchère, une naissance à marche forcée ©Mathieu Boudet / INA

Tout détruire pour tout recommencer…

Après des années de tentatives d’actions sociales infructueuses, on sort les grands moyens. L'état et la mairie de Lyon lancent, en 2002, le Grand Projet de Ville. La première phase, qui s'étale sur 20 ans, prendra fin avec la destruction prochaine de la barre du château, qui laissera place à de nouveaux immeubles à taille plus réduite. Le programme est l’un des plus grands chantiers de rénovation de France : plus de 1 700 logements sociaux sont détruits, et près de 1 900 sont reconstruits. En plus, de nombreux équipements arrivent : deux écoles, un vaste gymnase, une maison de l'enfance, un stade, une bibliothèque, une salle des fêtes, des espaces de bureaux et de nouveaux commerces, ainsi qu'un grand parc aménagé de 11 hectares. Une large place est faite à la nature, si bien que la Duchère devient l'un des premiers quartiers de France à obtenir le label "éco-quartier" en 2013.  

Sabah, qui nous balade dans les rues de ce quartier transformé, se réjouit de ces transformations, malgré une pointe de nostalgie. "Avant il y avait plus de solidarité, on s'entraidait dans les barres", regrette-t-elle. "Aujourd'hui on ne connaît plus les gens..." Il faut dire que la population aussi a changé. La Duchère, qui accueillait 85% de logements sociaux dans les années 90, n'en compte plus que 55% aujourd'hui. Des ménages de classe moyenne ont accédé à la propriété, à des prix avantageux. Pour Christophe Mérigot, Directeur adjoint de la mission Duchère pour la politique de la ville, la transformation urbaine porte ses fruits : "on a une belle diversité qui s'est installée en terme de mixité sociale. Globalement, on a un climat plus apaisé. Ce quartier n'a plus rien à voir avec les années 90-2000. On peut le mesurer par une baisse des faits de délinquance en moyenne, on a un calme reconnu par un grand nombre d'habitants. Hormis des épisodes de grande violence, qui existent encore." 

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La Duchère s'est profondément transformée, mais des difficultés persistent ©Mathieu Boudet / FTV

La Duchère "sur une ligne de crète"

Des "épisodes de grande violence", il en existe en effet encore. Le 15 juin 2022, une fusillade a entraîné la mort de deux jeunes au pied de la barre Sakharov. Quelques mois plus tôt, des policiers avaient essuyé des tirs d'arme à feu. Des règlements de comptes, moins médiatisés, sont régulièrement relatés, et des signaux inquiétants persistent : une crèche située près d'un point de deal a récemment fermé, après avoir été caillassée par des délinquants. D'autres épisodes de violence extrême sont rapportés par des habitants, qui ne souhaitent pas parler publiquement, par peur de représailles. Les points de deal se sont déplacés, et sont plus isolés, mais ils n'ont pas disparu. Et parmi les nouveaux habitants arrivés ces dernières années, certains ont rebroussé chemin. Déçus des difficultés du quartier à sortir de son lourd passé, ils ont finalement quitté le quartier. Pour le directeur de la MJC de la Duchère, le quartier est aujourd'hui sur "une ligne de crète". "On basculait du bon côté avec la rénovation urbaine, avec des gens qui venaient s'installer à la Duchère (...) Mais aujourd'hui on commence à avoir des départs, donc bien malin qui peut dire comment ça se passera demain, ça peut basculer d'un côté comme de l'autre." Gageons que la Duchère bascule du bon côté.  

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Interview de Lionel Caura, Directeur de la MJC de la Duchère : "la Duchère est sur une ligne de crète" ©Mathieu Boudet, Bénedicte Millaud

Paroles de jeunes

Nous avons rencontré trois jeunes habitants de la Duchère, pour connaître leur ressenti sur leur quartier et ses transformations. 

L'artiste Dlanight

Chanteur de hip hop de 24 ans, habite à la barre des 500. Il a vu les changements dans son quartier, mais pour lui la reconstruction n'est pas la solution aux problèmes de la cité. Comme beaucoup d'habitants historiques du quartier, au contraire, il regrette même les barres : les démolitions ont entraîné des séparations entre proches.

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Interview de l'artiste Dlanight, qui regrette les barres ©Mathieu Boudet, Mouloud Aïssou

Neila

Etudiante de 17 ans, Neila va à la MJC de son quartier depuis deux ans, pour développer des projets artistiques. Pour elle, c'est d'abord le manque d'infrastructures pour accompagner les jeunes qui pose problème. Et les choix de certains jeunes, qui suivent les "grands du quartier" vers les activités illicites.

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Neila Sagar regrette le manque d'infrastructures, et les mauvais choix de certains jeunes de la Duchère ©Mathieu Boudet, Mouloud Aïssou

 

Maeva

Habitante de la barre des 400, elle à 17 ans Elle a passé toute sa jeunesse à la Duchère. Elle aime son quartier, mais le quitte pour ses études. Elle regrette la mauvaise réputation du quartier, mais reste optimiste pour son avenir. 

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Interview d'une jeune sur La Duchère ©Mathieu Boudet, Mouloud Aïssou

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