Au matin du 3 septembre, la "Fresque des Lyonnais" était défigurée. Peinture en trompe-l'œil mythique dans la vie des Lyonnais, tant par sa taille que par l'histoire qu'elle illustre, l'œuvre est gâché par un énorme tag mentionnant le mot "gone" sur l'une de ses façades. Les riverains et touristes sont effarés. La mairie et CitéCréation réfléchissent à la restauration à venir.
“C’est odieux”. De passage sur le quai Saint-Vincent à Lyon, une habitante est consternée à la vue de la Fresque des Lyonnais endommagée. À l'angle du 49 quai Saint-Vincent et du 2 rue de la Martinière dans le 1ᵉʳ arrondissement de la ville, écrit en blanc au milieu, le mot “gone”, qui signifie “enfant” en patois lyonnais, vient gâcher ce trompe-l'œil mettant à l’honneur les Lyonnais les plus célèbres.
“C’est quand même une œuvre d’art. Ceux qui taguent se prennent pour des artistes, mais qu’ils osent saccager des œuvres comme ça, je trouve ça scandaleux”, ajoute la riveraine qui a découvert l’atrocité au petit matin du 3 septembre.
Tout comme ce barman du Dam’s Garden, “choqué” en remarquant l’inscription sur le chemin de son travail. “Je ne comprends pas”, ajoute-t-il.
Pourquoi "gâcher ce mur que les Lyonnais aiment beaucoup” ?
L’incompréhension reste sur les lèvres lorsqu’il s’agit de qualifier cet acte de vandalisme sur une œuvre historique. Réalisée entre 1994 et 1995 par CitéCréation, une coopérative de peintres spécialisée en design monumental et fresque murale, la Fresque des Lyonnais met en scène 30 personnalités célèbres. On y retrouve ainsi le chef cuisinier Paul Bocuse à la porte de son restaurant ou encore les frères Lumières accoudés à leur balcon.
Devant la fresque, une vingtaine de touristes étrangers sont réunis. Ils écoutent attentivement les explications de Bertrand Lafrene, leur guide pour les prochaines heures. Mais au moment de présenter la façade est du bâtiment, les visages se crispent et les murmurent fusent. Est-ce que cette inscription fait partie du décor ? Non ! Mais alors, qui a bien pu faire un tel acte ? Pourquoi ?
Aux premières loges, une touriste américaine est attristée. Elle voulait tant “observer tous les personnages”. “J’étais curieuse de connaitre ce qu'ils représentent pour la ville de Lyon. J’ai la sensation que l’on m'enlève cette possibilité de connaitre la ville”, ajoute la jeune femme originaire de San Francisco, qui a l’habitude de voir des graffitis dans sa ville.
À Lyon, elle ne devrait pas être trop déboussolée, explique Bertrand Lafrene qui remarque la présence de ces dessins un peu partout dans le quartier. “Mais là, c'est vrai que c’est énorme”, déplore-t-il.
“Quand ils sont faits sur des bâtiments qui ne sont pas des supports pour moi, en tout cas pour mon métier, ça ne me dérange pas tant que ça. Par contre, sur la fresque des Lyonnais, c’est quand même dommage de gâcher ce mur que les Lyonnais aiment beaucoup.”
Bertrand LafreneGuide touristique à Lyon
S’il s’agit d’un phénomène assez rare, il reconnait qu’il n’est pas isolé. La cour des Voraces est également infectée de graffitis, ce qui est “vraiment regrettable” selon lui.
Un message incompréhensible
D’autant plus que le message reste flou. Aussi bien pour les touristes, qui ignorent la signification du mot "gone", que pour les riverains. Pourquoi marquer d’un grand “gone”, un mot chargé d’histoire pour la capitale des Gaules, une œuvre d’art, également moteur de cette histoire ?
“Le message, pourquoi ? Parce que l'inscription, excusez-moi, mais c'est complètement incohérent”, s’interroge Séverine Jardin, dirigeante de CitéCréation, entreprise à l’origine de la réalisation de l’œuvre. Elle a été informée de la dégradation par l’un des habitants.
“C’est comme si c'était un message identitaire, mais enfin, quel lien avec l’œuvre ? Pourquoi sur la fresque ? Cette personne-là aurait dû venir nous voir, où nous envoyer un message ou, je ne sais pas, discuter au lieu d'aller directement in situ et faire n'importe quoi”, déplore la chef de projet, émue, qui s’est déplacée sur les lieux pour analyser l’étendue des dégâts.
Il faut "repeindre en retrouvant la nuance exacte" de 1994
Et le verdict est tombé pour cette peinture qui représente 800m² de surface. “Comme il s’agit d’une œuvre d'art, le sujet n'est pas l'effacement, mais la restauration", explique Yasmine Bouagga, maire du 1ᵉʳ arrondissement de Lyon. Et par restauration, la coopérative de peintres ainsi que la mairie entendent “repeindre en retrouvant la nuance exacte des couleurs pour que cette dégradation ne soit plus visible”. Un travail de longue haleine qui va mobiliser les équipes pendant plusieurs mois, voire années.
“Une dégradation de cette ampleur, c'est vraiment exceptionnel et c'est très grave”, renchérit l'élu. Si elle n’est pas en capacité d’indiquer le nombre exact d’actes de vandalisme ayant mobilisé des services de nettoyage depuis le début de l’année, “les mouvements sociaux qui ont eu lieu au cours du printemps, ont provoqué une forte augmentation des tags sur l'arrondissement”.
Et les réparations coutent cher. “Alors, on est au-delà d'un million d'euros sur l'ensemble de la ville de Lyon pour les opérations classiques de détachage”, ajoute Yasmine Bouagga. Or, les travaux quai Saint-Vincent sont loin d’être classiques.
La mairie et CitéCréations sont allés déposer une plainte au commissariat du 1ᵉʳ arrondissement de Lyon. Ils espèrent identifier l'auteur ou les auteurs de ces dégradations et intervenir au plus vite pour restaurer la fresque. La coopérative de peintre en appel également à la “création d’un budget afin de débloquer des subventions pour l'entretien de ces fresques”. “C'est un haut lieu touristique et c'est même plus que ça pour les Lyonnais, c'est un attachement”, conclut Severine Jardin.