Après plus de 20 samedis de manifestations de "gilets jaunes", de nouveaux chiffres permettent de mesurer leurs impacts sur les commerces Rhônalpins. A Lyon, une cellule d'accueil unique va recevoir les commerçants qui souhaitent accéder aux dispositifs d'aides exceptionnelles.
Après plus de 20 samedis de manifestations de "gilets jaunes", essentiellement en centre-ville, quelles sont les conséquences sur les commerces ? De nouveaux éléments permettent de dresser la nature et l'ampleur des préjudices qu'ils rencontrent.
Les commerçants souffrent
Selon le panel régional de conjoncture semestrielle de la Chambre de Commerce et d'Industrie, 30% des PME-TPE de la région ont déclaré une baisse de chiffre d’affaires en décembre du fait des manifestations, et 32% déclarent subir des problèmes de trésorerie.
Mais ce sont naturellement les commerces de proximité directement exposés aux lieux de rassemblements qui subissent l'impact le plus fort. Selon différentes fédérations de commerçants de centre-ville, ceux-ci ont constaté des pertes de -20 à -40% de chiffre d'affaires à Lyon, Clermont-Ferrand ou le Puy-en-Velay, suite à une forte baisse de la fréquentation des centres-villes le samedi. Et le bilan est parfois pire encore :"certains ont rapporté des pertes allant jusqu'à -46% de leur chiffre d'affaires", rapporte une membre de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon.
Il y a aussi des préjudices moins visibles pour le tissu économique de centre-ville : des emplois reportés, ou annulés par exemple : "on devait recruter 2 personnes en février, on ne l'a pas fait", regrette un commerçant de la presqu'île. Les associations de commerçants craignent aussi un changement dans les modes de consommation, qui pourrait avoir des effets de long terme : "la crainte que nous avons c'est que les gens changent leurs habitudes et surtout leur façon de consommer, et partent sur les extérieurs de la ville", détaille Fabrice Bonnot, Président de l'association des commerçants Charité-Bellecour.
Mesurer l'étendue des pertes
Des mesures récentes ont été réalisées par la CCI "Lyon Métropole Saint Etienne Roanne", qui a conduit une enquête interne en janvier dernier, et compilé les retours des commerçants. Cette étude, qui repose sur un panel de commerces ayant répondu aux questions de la CCI, permet de dresser une typologie des préjudices subis suite aux manifestations de "gilets jaunes". En sollicitant le témoignage des commerçants de la région, la CCI constate ainsi que, si la majorité des enseignes touchées est située dans les centre-villes, près d'un tiers des entreprises qui subissent un préjudice se situe en périphérie.
Par ailleurs, ce sont naturellement les commerces situés dans les grandes villes qui ont le plus soufferts, là où les rassemblements sont les plus conséquents, et les plus marqués par des débordements. Ce sont en tout cas ces secteurs qui font le plus appel aux aides mises en places par les pouvoirs publics.
Plusieurs types de préjudices ont pu toucher les commerçants : la perte de chiffre d'affaires pour la plus grande majorité, mais aussi des retards de livraison, des marchandises perdues, et pour 10% d'entre eux, des dégradations ou pillages du magasin.
Dans certains cas, leurs difficultés sont majeures. Pourtant, les commerçants se manifestent peu auprès des collectivités.
Beaucoup ne font pas appel aux aides
La CCI a constaté un nombre de demande d'aides anormalement faible de dossiers de demandes d'aides par rapport au nombre de commerces touchés : après la mise en place d'une cellule de crise en décembre dernier, seulement 70 dossiers de demandes d'aides avaient été répertoriés à la mi-janvier, alors que des centaines d'entreprises étaient potentiellement éligibles à ces aides.
Certains sont tellement "frappés" par la situation qu'ils ne font tout simplement pas les démarches
"Tous ne se sont pas manifestés, et beaucoup ne font pas appel aux aides auxquelles ils ont droit," constate une membre de la CCI. "Soit ils sont découragés par la complexité administrative, soit ils ne savent pas qu'ils ont droit à des aides. Et certains sont tellement "frappés" par la situation qu'ils ne font tout simplement pas les démarches", rapporte-t-elle.
Une tendance confirmée lors d'une réunion qui s'est tenue entre les commerçants du centre-ville de Lyon et les collectivités publiques, lundi 9 avril, suite à divers appels de petits commerces de la presqu'île de Lyon, notamment une pétition sur internet , pour dénoncer leurs difficultés. Lors de cette rencontre, tous les acteurs publiques, nationaux et locaux, étaient là, pour écouter et échanger avec les commerçants. Ils ont constaté que si des aides existent, les commerçants ne les connaissent pas bien, ou qu'ils ne font pas les démarches, par peur de la complexité administrative à affronter pour établir un dossier de demande.
Il était donc d'autant plus important de simplifier l'accès aux dispositifs d'aides proposés par les collectivités. Ce constat a conduit les collectivités à imaginer un point d'accueil unique auquel les commerçants pourront s'adresser dès lundi prochain 15 avril.
Un point d'accueil unique pour les commerçants
C'est donc une nouvelle brique qui vient compléter l'édifice des aides mises à leur disposition. Pour faciliter les démarches des commerçants à la recherche d'aides, les partenaires publics ont décidé de mettre en place un point d’accueil unique à leur disposition. Situé à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon, il sera ouvert à tous les commerçants de la métropole de Lyon qui souhaitent s'y rendre. Accueillis individuellement, les bénéficiaires rencontreront des interlocuteurs qui pourront les orienter vers les dispositifs d'aides les mieux adaptés à leurs besoins, leur expliquer leurs droits à y accéder, et les accompagner dans la constitution de leur dossier.
Ce point d’accueil regroupera au même endroit des agents de l’Etat (Direccte, Urssaf, Finances publiques), de la région, de la ville et de la Métropole, de la CCI et de la CMA, réunis tous les lundis matin à la CCI de Lyon. Le même modèle d'accueil sera déployé prochainement aussi à Saint-Etienne, où de nombreux commerces ont subit de lourdes pertes.
Cet outil permettra d'améliorer l'accès aux divers dispositifs d'aides, qui se sont multipliés ces dernières semaines.
Dans la jungle des aides
De nombreux dispositifs ont en effet été annoncés, et ils émanent de toutes les collectivités. Il y a d'abord les aides proposées par l'état, comme des possibilités de crédits, baisses ou reports d'échéances fiscales et des aides directes...
Il y a aussi la région Auvergne Rhône-Alpes, qui, par la voix de son président Laurent Wauquiez, a récemment communiqué sur des mesures de soutiens spécifiques : au total, elle met sur la table 8 millions d'euros pour les commerçants et TPE artisanales impactés par les manifestations (prêt à taux zéro, financement de travaux de réparations...)
La métropole et la ville de Lyon ont pour leur part accordé, notamment, une gratuité totale des terrasses d'été aux commerçants du centre-ville pour les mois de juin, juillet et août prochain, et un tarif gelé au niveau de l'an dernier pour les autres commerces.Quant aux kiosques de la place Bellecour, ils seront totalement exonérés des redevances en 2019. Cela représente un effort financier de plus de 700 000 euros.
Si ces aides peuvent les soutenir, les commerçants appellent néanmoins à une solution simple et urgente : l'arrêt des manifestations. Dans un communiqué, les associations de commerçants expliquaient, en mars, que "les mesures annoncées de soutien au commerce ne sont pas la priorité des commerçants qui souhaitent simplement retrouver la liberté d’exercer normalement leur métier, recevoir à nouveau leurs clients dans des conditions normales, arrêter de licencier ou de couper des embauches."