Comment parler de la guerre aux enfants ? Expliquer, mais jusqu'où ? Parents et enseignants sont tous, aujourd’hui, confrontés à cette question. A l'école Cours Diot, dans le 6° arrondissement de Lyon, une journée a été consacrée à l'Ukraine, à son histoire et aux enjeux de ce conflit.
« Est-ce qu’on va mourir ? »
« Est-ce que les Russes vont envahir la France ? »
« Est-ce que si les Russes détruisent la centrale nucléaire, ça va faire encore un désastre nucléaire ? »
Questions désormais récurrentes, dans une salle de classe de CM2.
Car dans les écoles aussi, la guerre a fait irruption. Pas physiquement, évidemment, mais dans l’esprit, même des plus petits, ses horreurs, sa réalité. « La guerre », une génération pour qui le concept ne pouvait être que l’écho d’un passé ou d’une zone géographique trop lointains. « La guerre », partout sur les écrans, dans les mots des grands. Pour les enfants, c’est l’inquiétude et l’incompréhension qui s’invitent dans les questionnements. Autant de sentiments auxquels sont confrontés les enseignants, eux aussi.
Une journée de classe consacrée à l'Ukraine
Alors pour apaiser, pour expliquer, Stéphanie Carrey a décidé de bousculer son programme et de consacrer toute une journée d’enseignement au conflit russo-ukrainien. L’enseignante à l’école Cours Diot, dans le 6° arrondissement de Lyon, a choisi ses mots.
« Poutine, il n’a surtout pas envie que l’Ukraine se rattache à l’Europe, en fait. Vraiment, vraiment pas », explique-t-elle devant une assemblée d’enfants attentifs. « Je me suis beaucoup questionnée, sur ce que je pouvais leur dire, jusqu’où je pouvais aller, les mots que je pouvais employer, ne serait-ce que sur Poutine, comment je pouvais m’exprimer sur sa personnalité… », raconte Stéphanie Carrey.
Dès les premiers jours du conflit, l’enseignante a du accueillir un flot de questions. D’angoisses aussi.
« J’y ai réfléchi pendant les vacances, quand la guerre a éclaté, je me suis dit est-ce que j’aborde le sujet à la rentrée ou pas ? J’ai décidé de me laisser guider par la classe et comme dès le premier jour, j’ai eu beaucoup de questions, j’ai décidé de monter quelque chose de cohérent et de constructif. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils puissent ressentir cette inquiétude aussi profondément »,
ajoute-t-elle.
Une génération plus angoissée que les précédentes
Et ce matin-là encore, les questions sont nombreuses. Poutine va-t-il tous nous exterminer ? Cherche-t-il à nous annexer ? « J’ai juste entendu mes parents en parler, autour de moi, donc je commence à comprendre un peu ce qu’il se passe », affirme une élève. Elle est en CM2. « De se dire que là, en 2022, il y a une guerre, et en plus en Europe, c’est à côté de chez nous, c’est un peu bizarre », renchérit son voisin. « J’ai déjà travaillé sur la 1° et la 2° guerre mondiale, et j’ai vraiment cru que c’était fini, mais apparemment non… », soupire une autre enfant.
L’envie de comprendre. Comme si savoir pouvait être un rempart aux incertitudes. « J’avais peur que Poutine vienne en France, pour avoir plus de territoire », témoigne Romy. Car après deux ans de pandémie, une crise succède à l’autre. Et l’enseignante décrit une génération d’enfants plus angoissés qu’auparavant. Il faut s’y adapter « Il faut trouver le bon équilibre. Quand ils sont ici, ils sont protégés, ils sont là pour apprendre, c’est leur temps à eux, et c’est là où ils peuvent encore rester des enfants, parce que ce ne sont que des enfants. Je dois donc trouver le juste équilibre entre leur apporter les réponses et en même temps les protéger, ce n’est vraiment pas évident », assure l’enseignante.
Leur expliquer en les préservant un maximum
Et pourtant, ces enfants ont, pour la grande majorité, été témoins malgré eux d’une violence visuelle. Des images de désolation, de terreur, qui tournent en boucle sur les écrans. « Le jour où ils ont attaqué, on était chez le coiffeur, et il y avait une télé, et du coup on regardait, il y avait des images du bombardement du matin », se rappelle Etienne. « Des immeubles complètement détruits, des pompiers avec des brancards et des personnes dessus, ça je pense que ça va me marquer », ajoute Antonin. Et Gabrielle, qui synthétise : « Quand on regarde les images, ça fait vraiment très peur de se dire qu’il y a des gens qui ont pu mourir là-bas ».
« Moi je trouve qu’il faut protéger nos enfants le plus possible malgré tout, il faut faire attention à ce qu’on leur montre, attention à ce qu’on leur dit. J’ai des enfants qui étaient extrêmement informés sur les Wagner, qui sont les mercenaires de Poutine. Il y a des choses que ces enfants de 10 ans n’ont pas besoin de savoir, il faut être vigilant sur les écrans, mais aussi sur ce qu’ils entendent à la radio… C’est hyper anxiogène pour eux, ils n’ont pas les capacités d’analyser tout ça »,
prévient Stéphanie Carrey.
Alors pour aller plus loin, l’enseignante évoque également l’histoire, l’économie ou encore la culture de l’Ukraine. Son art naïf. Elle choisit par exemple, pour l’illustrer, de faire travailler ses élèves sur le tableau d’une colombe. Expliquer, préserver, rassurer, un travail d'équilibriste…