Le téléphone du « boulanger de l’ile Barbe » comme on le surnomme à Lyon, a sonné mercredi 29 avril. Philippe-Marc Jocteur a installé une application qui lui permet d’identifier d’où vient l’appel entrant, il a vu s’afficher : Palais de l’Elysée. Témoignage.
Quelques secondes d’hésitation… Il décroche. « Bonjour Monsieur Jocteur, c’est Emmanuel Macron… ». La conversation entre le boulanger de Lyon et le président de la République va durer 16 minutes, mercredi 29 avril 2020.
En pleine préparation du déconfinement et de l'après 11 mai, Emmanuel Macron cherche à prendre le pouls des commerçants et artisans. Le boulanger Jocteur a pris le temps de lui expliquer son ressenti :
« Il m’a écouté pendant que je lui expliquais ma situation, la perte de chiffre d’affaires même si mes boutiques sont restées ouvertes depuis le début du confinement. »
Philippe-Marc Jocteur détaille au président de la République ses moments de doute.
Philippe-Marc Jocteur raconte aussi qu’ensuite, les chiffres sont remontés. Faisant passer la baisse de son chiffre d’affaires de 70% à 40% à fin avril.Ce grand moment de solitude des artisans, les deux premières semaines de confinement, lorsque les consommateurs se sont rués dans la grande distribution pour remplir des caddies, au détriment des commerces de proximité.
Emmanuel Macron m’a posé des questions « sur le chômage partiel, sur les premières aides mises en place pour savoir si elles étaient suffisantes ». Je lui ai répondu :
J’ai tout pris parce que j’étais très inquiet même si j’ai une entreprise plutôt saine. J’ai pris un PGE, un Prêt Garanti par l’Etat à taux zéro pendant un an, un prêt de trésorerie qui va permettre de continuer à travailler sereinement, de payer mes 105 salariés et d’affronter les reports de charges qui ont été accordés en urgence, mais qu’il va bien falloir honorer.
"Je l’ai amusé en lui disant que ma banquière devait me prendre pour un harceleur".
30 ans après s’être installé comme boulanger, Philippe-Marc Jocteur confie « Quand j’ai signé ce prêt, j’ai eu l’impression de me réinstaller comme au premier jour. D’habitude, on a fait un prêt pour s’agrandir, faire des travaux. Là, c’est pour continuer à établir 105 fiches de paye, et faire vivre l’équivalent de 56 familles. J’ai fait le calcul. Et je lui ai dit au Président que j’avais de la chance d’avoir une directrice de banque qui me répond alors que je l'appelle tous les jours. D’autres artisans et commerçants doivent se sentir seuls au monde à ne pas obtenir cette aide rapidement. »
Le boulanger qui fournit la maison Paul Bocuse a aussi fait part de ses inquiétudes, et de ce crève-cœur que représentent les restaurants fermés, « zéro couvert depuis le début du confinement ». Emmanuel Macron a alors évoqué son « attachement à la gastronomie française ».
De sa conversation au téléphone avec le président de la République, Philippe-Marc Jocteur gardera le souvenir d’un homme « très avenant, qui ne m’a pas fait de présentation professorale. S’exprimant avec simplicité alors qu’il doit être plus habitué à parler avec le patron de Renault qu’avec le boulanger de l’ile Barbe ! »Mais quand et comment cela va rouvrir après le 11 mai ? Les dossiers ne doivent pas être simples, et les réponses pas si faciles, s’interroge le boulanger.
Pour la petite histoire, si Philippe-Marc Jocteur n’a pas hésité à décrocher son téléphone en imaginant une mauvaise blague, c’est parce qu’il avait reçu un autre coup de fil auparavant. Celui d’un Lyonnais, Jean-Marie Girier, ancien directeur de cabinet de Gérard Collomb au ministère de l’Intérieur, et aujourd’hui proche d’Emmanuel Macron, dont il a fait la campagne présidentielle.
Mais de là à se retrouver, quelques minutes plus tard, à échanger directement, pendant un gros quart d'heure, avec le président de la République...Il m’explique que le Président souhaite prendre le pouls des commerçants et artisans. Et raccroche en me disant de lui renvoyer un message avec ce que je voudrais faire remonter de ma situation et de mon ressenti de cette période de confinement.