Hausse des charges, nomenclature inchangée depuis 15 ans, manque de reconnaissance...Les infirmiers libéraux sont en colère et se préparent à une journée d'action ce samedi 17 février.
"On habite à la campagne, notre temps de trajet est très long. Il faudrait qu'on en fasse des dizaines de pansements tous les jours pour pouvoir se sortir un salaire correct à la fin du mois. On aimerait être rémunéré plus", explique Élodie Roux, infirmière libérale depuis huit ans. Concrètement, pour changer un pansement simple — côté AMI 2, la professionnelle de santé va toucher 6,30 euros brut et percevoir au final 3,15 euros net. Un tarif imposé par la nomenclature en vigueur. Cette cotation n'a pas bougé depuis 15 ans, selon les infirmiers libéraux. Il en va ainsi pour l'essentiel des actes médicaux infirmiers. Et c'est sans compter le matériel médical dont les prix ont flambé ces dernières années. Cette situation n'est pas l'unique motif de mécontentement. La praticienne installée dans l'Ain a rejoint le collectif des Infirmiers Libéraux en Colère.
Frais de déplacement
Le cabinet de la jeune femme est installé à Pont-de-Vaux, dans l'Ain. La professionnelle fait entre 150 et 200 kilomètres par jour pour travailler et se rendre au chevet de ses patients. Des déplacements pas assez rémunérés à son goût. "En janvier, nous avons eu une augmentation de 25 centimes de frais kilométriques. Quand nous allons chez un patient, nous avons 2,75 euros bruts payés. Mais dans notre poche, on a environ 1,30 euro dans notre poche par déplacement", explique-t-elle. Une hausse de 25 centimes largement avalée par l'inflation et la hausse du prix des carburants.
Concernant les frais de déplacements au domicile des patients, la grille semble incompréhensible pour le profane. Élodie Roux la connaît sur le bout des doigts.
Mais tous les trajets ne sont pas comptés selon la professionnelle. C'est le cas pour les prélèvements qui sont réalisés auprès des patients et apportés au laboratoire par l'infirmière. "C'est un trajet qu'on fait en plus, qui n'est pas payé, qu'on fait tous les jours, gratuitement", déplore la jeune femme.
Nomenclature, reconnaissance, etc.
Les infirmiers libéraux entendent alerter sur leurs conditions de travail, qu'ils jugent très dégradées. Ils ont décidé de se mobiliser. Ils mènent des actions à l'appel d'un collectif un peu partout en France depuis quelques jours. Parmi leurs revendications : la demande de revalorisation des actes médicaux infirmiers, ainsi qu'une reconnaissance de la pénibilité de leur travail et une revalorisation des indemnités forfaitaires de déplacement.
Si les infirmiers réclament une refonte de leur nomenclature, ils sont aussi inquiets pour leur retraite. Parmi leurs revendications figure aussi la demande d'une diminution de l’âge légal de départ à la retraite et une révision du système de retraite par répartition de la CARPIMKO.
J'aime mon travail plus que tout. Pour rien au monde, je ne changerai. J'aime mes patients, j'aime ma vie d'infirmière à domicile, mais ça devient compliqué. On n'arrive plus à prendre le temps... on ne peut plus travailler à perte. Je suis fatiguée.
Elodie RouxInfirmière libérale
La profession est désabusée depuis de nombreuses années. La crise sanitaire du Covid a mis la profession en avant un temps, mais le retour à la réalité n'en a été que plus difficile. Aujourd'hui, les infirmiers libéraux ont des réclamations d'ordre financier, mais aussi un grand besoin de reconnaissance, et surtout de reconnaissance de la pénibilité de leur métier. "Les infirmières à domicile, on est là depuis toujours. On espère ne pas disparaître, mais si ça continue comme ça, nous ne pourrons plus exercer", déplore Élodie Roux. En cause, la hausse des charges, des cotisations de retraite, de l'essence, du petit matériel sanitaire ou encore des logiciels professionnels.
Faire du bruit
Preuve d’une exaspération et d'un ras-le-bol qui mine la profession, la fermeture des cabinets attendue. Dans les cinq ans, ce sont 58% des cabinets d'infirmiers qui vont fermer, selon le collectif des Infirmiers Libéraux en Colère de Rhône-Alpes. Dans la région, la mobilisation est toujours d'actualité et plusieurs opérations sont prévues ce samedi 17 février 2024, notamment une opération de tractage sur le marché de Villefranche/Saône dans la matinée.