En réponse à la crise agricole de l'hiver dernier, le gouvernement avait demandé aux préfets l'instauration d'un accompagnement personnalisé pour aider les exploitants dans leurs démarches administratives. Le "guichet unique" a vu le jour en juin dans le Rhône et dans l'Ain.
Ce matin, Aymeric Mélinand, viticulteur à Fleurie dans le Beaujolais, inspecte ses vignes, prêtes à être vendangées. "Moi, ce que j'aime, c'est être dehors dans mes champs, mais en agriculture, ce qui pèse le plus, c'est l'administratif. Cela prend une place que je n'aurai pas imaginée et je n'étais pas prêt pour une telle charge", concède-t-il.
Loin de ses vignes, des dizaines de dossiers et classeurs l'attendent à son bureau. "Les logiciels évoluent, on a des nouveaux dossiers à remplir, ce sont des moments qu'on ne passe pas à s'occuper de nos cultures". Une perte de temps et une multiplicité de services et d'organismes auxquels il faut rendre des comptes.
Entre les bulletins de salaire, les documents à l'embauche, la traçabilité de la viticulture et de la vinification, les demandes de subventions, puis l'ensemble des déclarations et des factures... l'inventaire se transforme en casse-tête. Sans compter l'ajout de nouvelles normes. "Récemment, on nous a demandé d'ajouter un Nutri-Score avec un QR-code donc il faut changer les étiquettes et rentrer toutes les traçabilités sur ce code", une tâche supplémentaire et des contraintes en plus.
Las de la pesanteur des procédures administratives, Aymeric Mélinand a participé aux manifestations des agriculteurs depuis le barrage autoroutier de Villefranche-sur-Saône l'hiver dernier.
5 500 exploitations dans le Rhône
Sur le modèle des maisons "France Services", c'est au tour de "France Services agriculture" d'apparaître progressivement sur le territoire. Ces bureaux départementaux aspirent à faciliter les démarches et "fournir aux jeunes agriculteurs les outils nécessaires pour réussir leur installation et développer leurs exploitations".
On a plusieurs interlocuteurs et on ne sait pas à toujours à qui s'adresser pour avoir des réponses. Avec le guichet agricole unique, on aura une seule personne qui pourra nous renseigner.
Aymeric Mélinandviticulteur dans le Beaujolais
Le viticulteur de Fleurie espère voir sa vie "simplifiée" avec la mise en place de ce guichet unique qui doit centraliser tous les interlocuteurs des exploitants. Le service, lancé en juin, était très attendu. "Quand on prend du retard et qu'il faut tout faire d'un coup, c'est difficile.", explique le viticulteur.
Dans le Rhône, le service est installé dans les locaux de la Maison des agriculteurs à La Tour de Salvagny et accueille les exploitations sur rendez-vous depuis le début du mois de juin. L'expérimentation durera trois ans et accompagnera les 5 500 exploitations dans le département.
L'outil avait été imaginé par le gouvernement en partenariat avec les chambres d'agriculture et faisait partie du projet de loi d'orientation agricole adopté par l'Assemblée nationale le 28 mai dernier. Le gouvernement avait demandé aux préfectures de s'emparer du dispositif et de le mettre en place sur leur territoire avant même la promulgation du texte, suspendu au Sénat après la dissolution de l'Assemblée.
Réponses sous 10 jours
"L'idée, c'est d'avoir une personne unique pour accueillir les agriculteurs en visioconférence, en présentiel ou au téléphone et de répondre aux questions en direct. Dans le cas contraire, on s'engage à donner une réponse sous dix jours", détaille Cécile Crozat, directrice de la chambre d'agriculture du Rhône. Après ce rendez-vous, l'exploitant est rappelé sous trente jours pour dresser le bilan.
"On met en place une permanence, mais on ne fait rien à leur place, on est une passerelle", précise-t-elle.
Le dispositif est soutenu par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Du côté de la Confédération paysanne, on estime que ce service unique est "voué à l'échec s'il n'est pas accompagné d'une réforme profonde et immédiate de la gouvernance des chambres de l'agriculture pour garantir l'accompagnement de la grande diversité des projets, des parcours et des profils à l'installation."
Le service unique est une réponse aux revendications du monde agricole, mais il en faudra d'autres. Après la crise de cet hiver, où les agriculteurs avaient manifesté dans toute la France, des aides d'urgence ont été débloquées, mais les syndicats majoritaires déplorent le coup d'arrêt au vote d'une loi agricole, restée en rade au Sénat après la dissolution.
Face à un "risque immédiat sur les trésoreries" et à l'enjeu du "maintien de l'activité agricole à court terme dans certaines filières", les syndicats appellent ce 5 septembre le nouveau Premier ministre Michel Barnier, et ancien ministre de l'Agriculture (2007-2009), à "corriger les dérives structurelles qui grèvent le goût d'entreprendre en agriculture".