JOUR 2 du procès en appel du Cardinal Barbarin : l'arrêt a été mis en délibéré au 30 janvier 2020

Après une première journée d'audience à la Cour d'appel de Lyon, le procès du Cardinal Barbarin a repris ce vendredi 29 novembre. Après la fin des plaidoiries des parties civiles, le Ministère Public n’a pas requis de condamnation. L'arrêt a été mis en délibéré au 30 janvier 2020.

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11H15: la parole est à la défense du Cardinal Barbarin 

Durant la suspension d'audience, le Cardinal Barbarin est resté dans la salle d'audience. C'est Maître Luciani, avocat de l'Archevêque qui prend la parole en premier. La question de la prescription est au coeur de la plaidoirie. 

Sur la question du "secret professionnel" et "secret écclesiastique", l'avocat qui mentionne au passage la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat, précise que Philippe Barbarin n'en n'a pas usé pour se cacher.

L'avocat reconnait que le Diocèse de Lyon n'a pas toujours été en quête de vérité mais "comment ne pas parler des parents ?" se demande Me Luciani, évoquant le témoignage du père d'une victime qui n'a pas voulu rendre public à l'époque les agressions de son enfant. 

L'Archevêque de Lyon a-t-il voulu protéger l'Eglise et "éviter le scandale" comme le demandait Ladaria, cardinal Luis Ladaria Ferrer, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, à Philippe Barbarin? "Quel est le problème de ce terme de scandale, on l'a interprété de manière péjorative," explique Me Luciani. 

"Le Cardinal Philippe Barbarin a demandé au Pape de recevoir les victimes mais il ne l'a pas fait ... et on dit qu'il est indifférent à la souffrance," s'indigne l'avocat. 

Au sujet de cette procédure de citation directe lancée par les parties civiles après le classement sans suite du dossier : "est-ce-que n'est pas un moyen d'atteindre l'Eglise ?" questionne l'avocat. "Les Hommes ne sont pas des symboles !" Me Luciani demande la relaxe, évoquant une "poursuite injuste".

Me Soulier, deuxième avocat de Philippe Barbarin, prend la relève.

En marge de l'audience: la réaction de François Devaux (Parole Libérée) à la plaidoirie de l'avocat général

"On a vu dans le dossier qu'il y a une certaine relation qui s'installe entre le Diocèse de Lyon et le parquet de Lyon, et bien évidemment que le parquet ne peut en aucun cas déjuger sa propre position. En fait, on a juste à faire au même mécanisme d'autoprotection qu'on constate au sein de l'église. Et c'est là que ca devient un combat de société. Le ministère public n'est pas à la hauteur du fléau national qui est en train de se passer dans notre société."
François Devaux est à la fois stoïque et déçu. "On est face à des problématiques d'abus sexuels et de couverture d'abus sexuels et les chiffres du ministère public le disent eux-mêmes."
ça veut dire que les débats n'avancent pas? Pour l'heure François Devaux rappelle que ce n'est que l'avis du parquet pour l'instant :"on a déjà eu le cas en première instance, et contre cet avis Barbarin a été jugé coupable. On verra cette fois."

Pour François Devaux c'est surtout l'occasion d'aller plus loin "c'est un vrai sujet de société. Et s'il faut aller interroger la cour de cassation sur ce fondement là, et bien on le fera. Aujourd'hui il y a un mouvement national et même planétaire sur l'ampleur de ces agressions sexuelles et de ces couvertures de ces abus sexuels."
Pour François Devaux "le jour où le gouvernement aura compris la rentabilité d'investir sur ce sujet là, un vrai programme globale sur les violences sexuelles, ce sera bien! Mais pour l'instant ni le ministère public ni le gouvernement ne sont à la hauteur de ce scandale. Et portant ces gens là sont payés pour assurer une certaine sécurité notamment vis à vis des enfants." 
 

Le Ministère Public n’a pas requis de condamnation


"C'est une affaire qui va au-delà d'un simple conflit," explique l'avocat général. "Cette affaire questionne la société dans son ensemble." "Mais la justice se prononce sur des cas individuels," précise Joël Sollier. 
La décision d'un classement sans suite de l'affaire le 1er août 2016 est le résultat "d'un processus réfléchi".

Dans ses réquisitions, le Ministère Public estime que "la Justice ne peut faire du symbolique son principe d’action, ni son but ultime," a expliqué l'Avocat général. 
Le Ministère Public requiert "dans la continuité de la décision initiale du Procureur de la République de Lyon, que le Cardinal Philippe Barbarin soit renvoyé des chefs de la prévention". Le Ministère Public ne demande pas de condamnation.


A l'issue des réquisitions du Ministère public, Pierre-Emmanuel Germain-Thil, partie civile dans cette affaire, a réagi concernant Philippe Barbarin...

"C'est une personne qui est liée à notre affaire personnelle. Ce n'est pas du tout un symbole, ni une cabale."

Pour Me Soulier, l'un des deux avocats du Cardinal Barbarin

"Si jamais le tribunal rejette les parties civiles, le Cardinal aura gagné. Il y a un autre vainqueur : c'est François Devaux."

 

9H Les plaidoiries des parties civiles reprennent


L'avocate Me Raphaëlle Hovasse demande confirmation du jugement et donc de la condamnation de Philippe Barbarin, évoquant "une accumulation d'informations". Elle entend démontrer que "de juin 2014 à juin 2015, Philippe Barbarin n'a rien dénoncé." 
Elle évoque notamment la date du 17 juillet 2014, lorsqu'Alexandre Hezez s'adresse à Pierre Durieux pour faire part au Cardinal Barbarin de "faits précis". "Terrible témoignage" répond le lendemain le Cardinal. S'en suivra une rencontre à l'automne entre Philippe Barbarin et Alexandre Hezez, "et puis plus rien !". 
Alexandre Hezez s'était confié au cardinal Phillippe Barbarin. Lorsqu'Alexandre Hezez annonce qu'il a d'autres témoignages, une centaine, et qu'il pense s'orienter vers la justice. Pour l'avocate, Philippe Barbarin "ne sait pas quoi faire". 

"On s'inquiète plus du sort de Bernard Preynat que du sort d'Alexandre Hezez !"


Et d'évoquer "la pochette bleue" du dossier du Père Preynat sur le bureau du Cardinal Barbarin. Un dossier complet. "Il suffit d'ouvrir cette pochette et de la lire !"

"2002, 2010, 2014 ... le cardinal ne peut pas contester la connaissance mais l'obligation de dénoncer", résume l'avocate. Concernant la prescription, "Fallait-il dénoncer les faits anciens et prescrits ? s'interroge l'avocate. "Pour connaitre la prescription, il fait connaître de nombreux éléments, comme date de naissance et législation," s'étonne-t-elle. 

Nouvelle plaidoirie.

"Il est rare de contester à la partie civile la réalité de sa souffrance," explique l'avocate.


Me Elsa Loizzo fait appel aux théories de Boris Cyrulnik sur le traumatisme pour évoquer la souffrance des victimes du Père Preynat. Des souffrances vécues par "des petits garçons", des enfants "condamnés au silence, qui ne comprennent pas et qui ont honte". "Ils ont mis toute leur énergie à enfouir" les violences sexuelles subies.

Le silence est brisé avec La Parole Libérée, longtemps après les faits. Elle évoque le long chemin personnel de certaines victimes jusqu'à ce que certains osent porter plainte et porter l'affaire en justice. "Didier Bardiau a incarné cette libération", résume-t-elle. Me Loizzo évoque aussi ce qui les a poussé à sortir du silence... 

"Enfer", "Piège", "mécanisme psychique destructeur"... l'avocate n'a pas de mots assez forts pour parler de ce que les victimes du Père Preynat ont subi depuis leur enfance et jusqu'à l'âge adulte. Certains ont "commencé à vivre le jour où leur parole a été libérée !". 

Maître Sauvayre est le dernier à prendre la parole pour les parties civiles. Il est l'avocat de Stéphane Hoareau.
"La réalité du dossier : des masturbations, des fellations, des éjaculations ... C'est ça la réalité du dossier, c'est pas des trucs. C'est ce qui se passe dans l'Eglise !" s'indigne l'avocat.

Et "On sait en 1992 !" tempête Me Sauvayre. "On veut nous faire croire aujourd'hui que pendant des décennies on aurait écrit trois malheureux documents dans un dossier ... On sait tout depuis longtemps !'

"Alexandre Hezez, n'a qu'un repère, c'est le Cardinal Barbarin..." explique l'avocat. Mais pour évoquer la légèreté du Cardinal face à la gravité des faits d'agressions sexuelles, Me Sauvayre évoque plusieurs écrits du cardinal, dont un mail à Régine Maire. "Je ne sais plus le nom du Monsieur que vous avez rencontré !"  "Mépris, dédain, amnésie curative.... vous y réfléchirez !" lance l'avocat à la Cour.

En anvier 2015, Ladaria demande au Cardinal Barbarin d'éviter le scandale et de prendre des mesures disciplinaires. Finalement ce n'est que fin juillet 2015, pressé par son autorité, que le Cardinal Barbarin interdit au Père Preynat d'exercer. L'avocat évoque "une exfiltration discrète" mais le prêtre a célébré l'eucharistie jusque là .... Parodiant avec ironie le cardinal Barbarin à propos du père Preynat : "Monsieur le Juge, il m'avait promis qu'il ne recommencerait plus !" Me Sauvayre évoque une "naïveté" édifiante de la part d'un homme lettré et érudit.

"Vous auriez pu vous donner une autre dimension : celle d'un homme à l'écoute, d'un homme bienveillant," a lancé l'avocat à l'adresse du Cardinal Barbarin.
 

Condamné en 1ère Instance, que risque le Cardinal Barbarin ?

Condamné en première instance à une peine de six mois de prison avec sursis, le Cardinal Philippe Barbarin est rejugé pour non dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs par l'ex-père Preynat. Ce nouveau procès se déroule aux 24 colonnes, à la cour d'appel de Lyon, depuis jeudi 28 novembre. 
Les juges du tribunal correctionnel l'avaient déclaré coupable d'avoir gardé le silence sur les agressions commises sur de jeunes scouts par le père Bernard Preynat. Des agressions commises avant son arrivée à Lyon en 2002.

Depuis jeudi, ce haut-dignitaire de l'Eglise, en retrait de ses fonctions, comparait seul face à la justice pour répondre à plusieurs chefs d'accusation à savoir : "non dénonciation de mauvais traitements, privations ou atteintes sexuelles infligés à un mineur" et "omission de porter secours à personne en péril".

Les peines maximales encourues sont de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour le premier chef d'accusation, et de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour le second chef d'accusation."

Entendu au premier jour de son procès en appel, l'archevêque de Lyon, 69 ans, a défendu la même position que devant le tribunal correctionnel. 

 

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