Le cardinal Philippe Barbarin est jugé en appel à Lyon le 28 novembre. Il a été condamné en mars à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation de délits sexuels sur mineurs commis par un prêtre de son diocèse. Retour sur les étapes d'une affaire qui a secoué l'Eglise.
L'Evêque de Lyon Philippe Barbarin a-t-il protégé l'Eglise au détriment des victimes ? La justice devra se prononcer une nouvelle fois sur la responsabilité du Prélat concernant les victimes du Père Preynat. L'audience en appel se déroulera aux 24 colonnes ce jeudi 28 novembre.
Retour sur une affaire complexe ....
L'affaire éclate au grand jour en 2015 lorsque le diocèse de Lyon révèle que des plaintes ont été déposée contre le père Bernard Preynat, en poste dans la Loire. Des plaintes pour des "agressions sexuelles sur mineurs" antérieures à 1990, à l'époque où le prêtre officiait dans l'agglomération lyonnaise. Quelques semaines après ces révélations, l'association baptisée "La Parole Libérée" fondée par plusieurs victimes naissait à Lyon pour "briser l'omerta".
Le 27 janvier 2016, le père Bernard Preynat reconnait les faits et est mis en examen pour des agressions sexuelles commises sur quatre jeunes scouts entre 1986 et la fin 1991. Le père Preynat est resté en fonction jusqu'en septembre 2015.
Dans un entretien à La Croix du 10 février 2016, Philippe Barbarin indique avoir été mis au courant des "comportements" de ce prêtre "vers 2007-2008", via un tiers. Il ajoute avoir rencontré une victime en 2014.
Le 26 février 2016, le parquet de Lyon ouvre une enquête préliminaire pour "non-dénonciation" d'agressions sexuelles. L'enquête visant plusieurs responsables du diocèse dont le cardinal Barbarin contre lesquels des victimes de Preynat ont porté plainte. Le Cardinal, qui a admis "des erreurs dans la gestion et la nomination de certains prêtres" mais s'est défendu d'avoir couvert le moindre acte de pédophilie, a reçu le soutien du Pape François en mai 2016.
Le 1er août 2016, le parquet de Lyon classe l'enquête visant le cardinal Barbarin. Mais les victimes ne veulent pas lâcher et changent de stratégie. Ainsi, le 23 mai 2017, les accusateurs du prélat lancent une procédure de citation directe. Cette action qui leur garantit de voir comparaître le Cardinal devant le tribunal correctionnel, en dépit du classement de l'enquête.
Outre Philippe Barbarin, six autres personnes visées par cette procédure. Parmi eux, un responsable du Vatican qui fait jouer son immunité. L'affaire est renvoyée à plusieurs reprises.
Finalement en janvier 2019, six personnes comparaissent devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Lyon. Philippe Barbarin doit répondre des chefs d'accusation de "non assistance à personne en danger" et "non dénonciation de mauvais traitements, privations ou atteintes sexuelles infligés à un mineur de moins de 15 ans". Les autres prévenus sont Régine Maire, psychologue laïque bénévole du diocèse, Thierry Brac de la Perrière (aujourd'hui Evêque de Nevers), Pierre Durieux, attaché de direction du diocèse et ancien directeur de cabinet de Philippe Barbarin, le prêtre Xavier Grillon (vicaire épiscopal du Roannais) et l'ancien archidiacre Maurice Gardès (aujourd'hui Evêque d'Auch). Les victimes dénoncent une "omerta" remontant jusqu'à Rome.
Le 7 mars 2019 le tribunal correctionnel de Lyon rend son délibéré : il condamne le cardinal Philippe Barbarin à une peine de six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs. Le jugement retient qu'en 2014, le Cardinal Barbarin n'avait pas signalé à la justice les agissements pédophiles d'un prêtre de son diocèse alors qu'il avait été alerté par une victime, abusée dans son enfance. Des agressions commises par Bernard Preynat, un prêtre de son diocèse. Les cinq autres prévenus dans ce dossier avaient été relaxés.
L'Evêque de Lyon a rapidement fait appel de cette décision de justice. Lors du procès, qui s'est déroulé en janvier 2019, la Procureure ne s'était pas prononcée et n'avait requis aucune condamnation à l'encontre du Cardinal Barbarin, alors que l'affaire avait été classée sans suite en 2016 par le parquet. Ce dernier a également fait appel de la condamnation du cardinal Philippe Barbarin. L'affaire sera donc rejugée dans sa globalité. Mais l'appel ne concernera que le Cardinal Barbarin qui doit comparaître seul.
Quelques jours après l'annonce de cette condamnation en première instance, le Cardinal Barbarin remet sa démission au Pape François qui la refuse. Le Saint-Père invoque "la présomption d'innocence" en attendant le procès en appel. Philippe Barbarin annonce qu'il se met en retrait "pour quelque temps" de son diocèse, qui réclame une solution "plus pérenne". Le 24 juin, le pape nomme un administrateur apostolique à Lyon.