Denise Jacob, soeur de Simone Veil s'engagea à 19 ans dans la Résistance à Lyon en 1943. Elle fut arrêtée, torturée et déportée à Ravensbruck. Elle survécut et témoigna toute sa vie. Un livre, "Miarka" d'Antoine De Meaux raconte cette histoire méconnue. Une place de Lyon porte désormais son nom.
A la prison de Montluc de Lyon, devenu Mémorial, une cellule porte son nom : Denise Vernay, née Jacob, soeur de Simone Veil, fut emprisonnée ici pendant une quinzaine de jours en juin 1944. Elle subit plusieurs interrogatoires et séances de tortures à la Gestapo, déplacée place Bellecour. Sans parler. Sans livrer aucune information de son réseau le groupe Franc-Tireur. Début juillet 1944, elle fut déportée à Ravensbruck ou elle rencontra Germaine Tillion dont elle deviendra plus tard l'assistante.
Dans ces étroites cellules de Montluc, on a peine à imaginer l'entassement, la promiscuité, la chaleur. Mais aussi la solitude extrême de cette jeune-fille, qui "fête" ses 20 ans en prison, n'a aucune nouvelle de sa famille, raflée à Nice trois mois plus tôt. De cette famille juive, qui aimait tant la littérature, seules ses soeurs, Madeleine dite Milou et Simone, la plus jeune, future Simone Veil, survivront à Auschwitz comme elle-même reviendra de Ravensbrück. Ses parents, André et Yvonne et son frère Jean seront assassinés.
Agent de liaison à Lyon
En octobre 1943, Denise vit avec sa famille à Nice quand les arrestations de Juifs commencent à se multiplier. Elle est éclaireuse chez les scouts, sous le nom-totem de "Miarka". Et c'est naturellement ce nom qu'elle choisit pour entrer en clandestinité dans la résistance à Lyon pour le mouvement Franc-Tireur. Elle est agent de liaison, sillonne les rues de Lyon à bicyclette pour porter des messages. Parfois 18 adresses en une seule journée, qu'elle doit, comme les messages, retenir par coeur, dans cette ville qu'elle ne connait pas. Alors Denise se récite ses poêmes préférés pour exercer sa mémoire. La poésie l'accompagnera aussi au camp de concentration.
"Je ne pouvais pas imaginer que ce destin puisse être oublié. Cette figure de Denise, une très jeune-fille de 19 ans, qui fait une résistance humble. Elle n'est pas chef de réseau. Elle ne porte pas une mitraillette au coin d'un bois. Elle est sur son vélo. Elle poste des message. C'est une résistance très modeste, très ingrate. C'est très beau cette manière de servir, de se sacrifier pour quelquechose de plus grand. Elle donne un exemple pour les générations qui suivront."
En mars 1944, après l'arrestation de plusieurs résistants, dont Marc Bloch, Denise passe quelques jours à Nice, pour se mettre "au vert". C'est la dernière fois qu'elle verra sa famille. Du mouvement Franc-Tireur, elle passe au Mouvement unifié de la Résistance du côté d'Annecy et se fait arrêter le 18 juin 1944 avec deux postes de radio. Elle sera transférée à Montluc.
Des archives familiales peu connues
Revenue de Ravensbruck en 1945, Denise Vernay-Jacob restera toute sa vie fidèle à ses engagements, témoignant inlassablement de ses compagnes disparues en détention. Toujours avec discrétion, dans l'ombre de sa soeur Simone Veil.
"Maman a eu beaucoup de décorations mais c'était toujours Papa qui poussait pour qu'elle les ait, parce qu'il voulait qu'elle soit reconnue. maman, ça lui était égal!"
Le fils cadet de Denise, Laurent Vernay, qui habite à Lyon, nous a ouvert les archives familliales. On y découvre les photos de Denise sa mère, de la fratrie Jacob avant-guerre, des parents André et Yvonne, une photo que Denise réussira à garder jusqu'à Ravensbrück, cachée dans son étui à lunettes.
Et puis il y a un petit carnet, fabriqué au camp, avec un morceau de toile de jute. Sur la couverture un grand "V" avec écrit "la Victoire en Chantant"! Dans ce carnet, Denis y avait écrit ses poêmes préférés et ceux de ses camarades. La poésie pour braver la mort.
Une esplanade à son nom à Lyon
Après la guerre, Denise choisit la vie, se marie et a trois enfants. A la fin des années 60, Denise Vernay-Jacob devient la collaboratrice de germaine Tillion. Elle publiera même, avec le soutien de la grande ethnologue, un mémoire sur une communauté de Harkis à Lodève.
Miarka est décédée en 2013 mais elle reste une figure extraordinaire pour tous ceux qui l'ont croisée. Et son inlassable combat pour la liberté est une inspiration pour les jeunes filles et les femmes d'aujourd'hui.
La Ville de Lyon a voté fin janvier une délibération pour donner le nom de Denise Vernay-Jacob à une esplanade du 3e arrondissement. L'inauguration devrait avoir lieu dans quelques semaines.
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