Une adolescente de 14 ans radicalisée, déterminée à se rendre en Syrie pour y épouser un jihadiste rencontré sur internet. Le tribunal correctionnel de Paris s'est penché ce vendredi sur ce "phénomène d'ampleur", lors du procès d'un lyonnais de 41 ans jugé pour l'avoir aidée en 2014.
Élevée dans une famille non pratiquante, la jeune fille se rendait seule à la mosquée et portait le voile depuis un an, en désaccord avec son père. Pour elle,
ses parents sont des "mécréants".
Un certain "Tony Toxico" entre en contact avec elle sur Facebook, lui conseille de quitter la France pour rejoindre d'autres femmes, vivre pleinement sa religion en Syrie. Son départ est prévu le 10 février 2014, mais elle hésite. Son interlocuteur fait pression, lui dit qu'elle n'est pas une "bonne musulmane" et quelle serait lapidée.
Le 24 février, ses parents signalent sa disparition. Elle sera retrouvée le lendemain à l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry, en partance vers Istanbul, en Turquie.
Elle avait été aidée par le prévenu, poursuivi pour soustraction de mineur et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Ce père de famille, qui a trois filles, dont une de 14 ans, la prend en charge à la demande de "Tony Toxico", qu'il affirme ne pas connaître. Ce dernier l'avait
contacté via Facebook.
Dans le box, cheveux et barbe courts, le prévenu, grutier, explique qu'il lui a rendu ce "service" car c'était un "frère en religion".
C'est ainsi qu'il a réglé la moitié du prix de la chambre d'hôtel dans lequel l'adolescente a passé la nuit, puis l'a accompagnée et lui a acheté le billet de
navette pour rejoindre l'aéroport.
"Ni Charlie ni Coulibaly"
Contrairement aux déclarations de la jeune fille pendant l'enquête, il assure qu'elle ne lui avait pas dit son âge. Il pensait, dit-il, qu'elle en avait 16."J'avais l'intention, mais face à sa détermination, je n'ai pas cherché à la dissuader", explique-t-il aux juges, invoquant "naïveté", "bêtise".
Loin d'être convaincu par ses explications sur les raisons qui auraient conduit "Tony Toxico", qui se trouve en Syrie dans les rangs du groupe État islamique, à solliciter le prévenu, le tribunal égrène les éléments à coloration jihadiste sur le compte Facebook du prévenu. Photo du drapeau utilisé par l'EI, contacts avec des jihadistes, certains en Syrie.
Interrogé sur les attentats de Paris début janvier, il se dit "contre le meurtre de personnes civiles et innocentes", "je ne suis pas Charlie, mais je ne suis pas Coulibaly".
Un "phénomène d'ampleur"
Pour la procureur Camille Hennetier, qui a requis trois ans de prison dont un avec sursis, le prévenu doit "s'interroger sur le sort de ces jeunes filles" qui se retrouvent "dans un pays en guerre", un "phénomène d'ampleur". Son rôle aurait été de la "dissuader", "peu importe sa détermination".Celle-ci ne fait guère de doute. Elle a de nouveau fugué, a été retrouvée en Belgique en septembre 2014, mariée avec un jihadiste, puis a disparu d'un foyer pour se rendre vraisemblablement en Syrie avec son mari.
Pour l'avocat du prévenu, Me Archibal Celeyron, qui s'étonne que l'adolescente n'ait pas été mise en examen dans ce dossier, cette affaire, "c'est l'histoire
d'une erreur, d'un cafouillage".
Et avant un drapeau de l'EI comme avatar sur Facebook, son client avait "Dragon Ball Z", un dessin animé japonais.
En fin d'audience, le prévenu lance "je ne suis pas un terroriste".
Délibéré le 10 mars.