Le tribunal de Lyon a examiné le mardi 28 février 2023 la demande de jeunes squatteurs qui estimaient leur expulsion illégale. Ils réclament 5000 euros de dommages et intérêts et le retour dans le logement occupé illégalement. Les débats ont porté sur le droit à la propriété et le droit au logement. Le jugement a été mis en délibéré.
La situation semble totalement improbable. Le tribunal de Lyon s'est penché ce mardi 28 février 2023 sur un cas particulier. Un propriétaire face à des squatteurs. Sauf que dans le cas présent, ce sont les squatteurs qui demandent réparation.
Retour sur les faits
Il y a 18 mois, un immeuble de la rue des Tuileries (dans le 9e arrondissement de Lyon) est squatté par une vingtaine de personnes. Il est à l'abandon. Il sert principalement de bureaux et de siège d'entreprise. Comme la loi le prévoit (quand des squatteurs occupent un logement ) le propriétaire engage une procédure judiciaire. Procédure qui débouche dans ce cas sur une "reprise des lieux", ordonnée par le juge des contentieux. Les squatteurs ont jusqu'au 31 mars, ensuite : ils doivent partir.
Une piscine sur le toit et des débordements à répétition
Pendant des mois, le voisinage doit subir le rythme de vie de ce groupe de squatteurs. Une piscine hors sol a été installée sur le toit de l'immeuble. Le groupe fait sa vie. Musique techno, bagarres, disputes, cris… La tension est palpable dans le quartier. Pétitions, recours, tentative de médiation, rien n'y fait. Des voisins témoignent, de façon anonyme :
C'était compliqué, je ressentais de l'oppression et du stress de ne pas savoir à quel moment du jour ou de la nuit ça pouvait dégénérer. J'espère qu'ils ne seront pas autorisés à revenir, ça serait un enfer !
Un voisin du squat, sous couvert d'anonymat
Le 23 janvier 2023, la situation s'apaise. Elle s'apaise tellement que le voisinage prévient le propriétaire. Les lieux semblent désertés. Très vite, en quelques heures, l'immeuble est barricadé et placé sous surveillance. Un agent de sécurité veille à ce que personne ne puisse à nouveau pénétrer dans l'immeuble. Quand il revient sur le site l'un des plaignants a encore des effets personnels à l'intérieur. Il occupait les lieux depuis un an, il réclame 5000 euros de dommages et intérêts. Il espère pouvoir réintégrer "son logement".
Je peux comprendre, mais ils ont attendu plus d'un an pour récupérer le bâtiment, alors qu'il ne restait qu'un mois et demi pour pouvoir le reprendre officiellement. J'ai quitté le local un matin et le soir tout était muré. Il me restait des affaires personnelles.
Un des squatteur, plaignant
Droit au logement VS Droit à la propriété
En l'espèce, la problématique des débats a porté sur le droit à la propriété face au droit au logement. La propriétaire, une S.C.I. (Société Civile Immobilière) explique que "il n'y a pas eu expulsion". Elle revendique sa propriété et indique avoir tout fait pour justifier son bon droit. Elle évoque l'insalubrité des lieux, la dangerosité, les dégradations qui coûtent chères et les coût liés aux assurances et à l'emprunt.
Nous avons récupéré les lieux qui étaient inhabités depuis 48h afin de les sécuriser. Je suis surprise de découvrir ces jeunes plein d'audace qui viennent plaider pour essayer de récupérer un bien qu'ils occupent sans droit ni titre
Anne Gagneux, propriétaire de la SCI "La Belle et le Clochard"
Pour l'avocate des plaignants, la version est différente. Certes, ses clients occupaient les lieux "sans droit, ni titre", mais une ordonnance du juge des contentieux avait fixé une date : c'était le 31 mars 2023. Selon elle, les squatteurs ont été expulsés illégalement.
La question de l'expulsion ne se pose pas. Mais un juge avait octroyé un délai. C'est la première fois que je vois ça ! Une expulsion qui a lieu avant le délai accordé par une décision de justice.
Florence Alligier, avocate de l'ancien résident des lieux
Le Tribunal de Grande Instance de Lyon, après avoir écouté les arguments des uns et des autres a mis sa décision en délibéré. Suite de l'histoire le 14 mars prochain.