"L'effacer ne me choque pas, la garder me choquerait", une fresque de l'abbé Pierre va-t-elle disparaître à Tarare ?

À la suite des révélations sur l’abbé Pierre, accusé de viols et d’agressions sexuelles par une vingtaine de femmes, la mairie de Tarare entend effacer la fresque le représentant et qui orne une de ses églises. Une place portant son nom devrait également être débaptisée. Le conseil municipal en débattra la semaine prochaine.

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À une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Lyon, Tarare est le village de naissance d'Eulalie Grouès. Elle n'est autre que la mère de l'abbé Pierre et a longtemps vécu dans la commune. Sur l'un des murs de l'église Sainte-Madeleine, en plein cœur de la ville, une fresque représente le célèbre prêtre, fondateur du mouvement Emmaüs. L'œuvre peinte pourrait bientôt disparaître de la vue des Tarariens. C'est l'une des conséquences des récentes révélations sur l'abbé et des graves accusations qui pèsent sur lui.

Tombé de son piédestal

Sur la façade de l'église Sainte-Madeleine, la fresque aux couleurs délicates représente le vieil abbé à l'allure humble, chichement vêtu de son éternel pardessus, son béret visé sur le crâne et sa canne. Une image de vertu et de sobriété qui contraste aujourd'hui avec les révélations d'abus et d'agressions de ces derniers mois. Ils sont nombreux à être encore sous le choc. À chaque jour, son lot d'accusations, de soupçons et de secrets dévoilés concernant Henri Grouès. L'homme de l'appel de l'hiver 54 avait même été la personnalité préférée des Français pendant de nombreuses années. Une figure quasi iconique de la lutte contre le sans-abrisme et dont de nombreuses associations se revendiquaient jusqu'à présent. 

"C'est quelqu'un en qui on avait pleine confiance. C'est très choquant", explique une Tararienne, encore atterrée. "Je donnais tout ce que je pouvais à Emmaüs et je continuerai à donner, mais c'est plus que choquant", assure-t-elle. Pour cette habitante, faire disparaître la peinture murale de Tarare et effacer l'image de l'abbé Pierre "ne changera rien". " Mais il faudrait peut-être le faire" avance-t-elle, avant de conclure avec embarras : "L'effacer ne me choque pas, la garder me choquerait".

Une fresque devenue gênante

Effacer la fresque. Les habitants de Tarare sont partagés mais l'idée est loin de choquer. "Tout le monde pensait que c'était un homme qui avait fait de belles choses mais là, ça assombrit son histoire. Je comprends la position de la mairie. Effacer n'est peut-être pas la solution. Mais à l'instant, sur du court terme, c'est la solution, ça évite toute polémique. Il faut penser aux victimes. C'est bien d'effacer ça et de repartir avec autre chose", explique un autre passant ce jeudi matin. 

La fresque a été réalisée en 2008, l'année suivant le décès du fondateur des Compagnons d'Emmaüs. La représentation du prêtre tombé en disgrâce devrait bientôt laisser place à un mur uni. Après quelques jours de réflexion, le maire Bruno Peylachon l'a annoncé lors d'une réunion de quartier ce lundi 17 septembre. On ignore également si une autre fresque pourrait remplacer la représentation devenue gênante.

Nouveau nom pour la place

L’édile a profité de cette réunion de quartier pour indiquer que la place attenante à l'église devrait être renommée. Exit la place de l'abbé Pierre ainsi baptisée à sa mort. Elle porterait le nom de "Place des Compagnons d’Emmaüs". La décision d'effacer la fresque et de renommer la place doit encore être validée par le conseil municipal de Tarare. La commission urbanisme va se réunir en amont du prochain conseil municipal qui se tiendra le 30 septembre, afin d’avaliser ce changement de nom.

Choc et questionnements

À quelques centaines de mètres de la place, au sein de la communauté Emmaüs de Tarare, l'affaire va bien au-delà de la préservation ou non des représentations de l'abbé Pierre dans l'espace public. Le sujet est très sensible et pour beaucoup de bénévoles, l’homme d’Église reste une icône. "On est encore très choqués et étonnés", explique Magali Chauvet, co-responsable de la communauté Emmaüs de Tarare.

Elle ne cache pas son désarroi. "On ne peut pas faire référence à l'abbé Pierre de la même façon. Toutes ses paroles qu'on a utilisées, la référence à l'homme parfait, idolâtré dans les communautés... forcément, ça va changer. Ça nous questionne beaucoup mais on n'a pas les réponses", explique-t-elle.

Pour la responsable, le message porté par l'ecclésiastique reste toutefois primordial. "Ce qui est important pour nous, c'est la poursuite de l'activité. Il y a 30 personnes qui vivent ici et sans la communauté Emmaüs, elles seraient à la rue. Certains disent qu'ils seraient même morts (...) Les idées qu'il a portées, elles doivent continuer d'exister", estime Magali Chauvet.

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Intervenants : Alice Beaulat (co-responsable communauté Emmaüs de Tarare) / Denise Dumort (Bénévole communauté Emmaüs de Tarare depuis 22 ans) / Magali Chauvet (co-responsable communauté Emmaüs de Tarare). Reportage A.Combes / S.Loeb / B.Fontaine ©France tv

Des affiches et des portraits ont été décrochés dans la boutique et les bureaux dès les premières révélations. Leur maintien aurait été incompréhensible pour le public d'après Alice Beaulat, co-responsable de la communauté. Mais difficile de tout effacer. Quid de la fresque qui orne l'entrée des locaux de la communauté installée rue Boucher de Perthes ? La question sera débattue en conseil d'administration, d'après Magali Chauvet. "On va échanger avec les compagnons qui sont accueillis ici. On va prendre le temps". 

Effacer ou conserver  ?

Faut-il effacer ou conserver les fresques, les noms de rues, d'écoles et autres divers hommages rendus à l'abbé Pierre ? La question se pose dans de nombreuses communes de France, et surtout dans l'agglomération de Lyon d'où est originaire l'abbé Pierre. Dans la capitale des Gaules, la célèbre fresque des Lyonnais affiche aussi une représentation de l'ecclésiastique. Ce jeudi 19 septembre, la mairie de Lyon vient de prendre la décision de renommer la place qui porte le nom de l'abbé Pierre, dans le 9e arrondissement. 

Décédé en 2007, à l'âge de 95 ans, l’abbé Pierre est accusé par une vingtaine de femmes, parfois mineures à l'époque, de violences sexuelles pouvant relever du viol pour certaines. 

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