Longtemps figure préférée des Français, l'abbé Pierre voit son image se dégrader. De nouvelles révélations concernant des viols et des violences sexuelles viennent ternir le mythe du prêtre décédé en 2007. À Lyon, sa ville natale, et Irigny, où il a grandi, des rues et des monuments pourraient être débaptisés.
Baisers imposés, fellations forcées, propos à caractère sexuel, sept semaines après l'onde de choc provoquée par de premières révélations, l'Abbé Pierre est visé par une nouvelle salve d'accusations de violences sexuelles dans un rapport rendu public vendredi. Ce sont désormais vingt-quatre femmes qui accusent le prêtre décédé en 2007.
Onde de choc
À Lyon, une fresque murale géante représente les différentes personnalités qui ont marqué l'histoire de la cité. L'abbé y figure en bonne place, au rez-de-chaussée, au centre. Il porte sa traditionnelle cape et se tient debout, aidé par une canne.
Un débat nécessaire
La maire du 1ᵉʳ arrondissement de Lyon, où se trouve la fresque, écrit, sur le réseau social X, avoir été "sollicitée par une association de défense des victimes" et "invite à un échange" autour de sa représentation sur la peinture.
Choquée par les révélations de l'enquête sur les violences sexuelles commises par H. Grouès dit l'Abbé Pierre, et sollicitée par une association de défense des victimes, j'invite à un échange autour de la représentation de la fresque des Lyonnais, avec Cité Création et la FAP.
— Yasmine Bouagga (@yasminebouagga) September 9, 2024
"Se poser les bonnes questions"
Cet appel à "échange" est partagé par Cité-Création qui réalise des peintures murales à travers le monde et dont le siège est situé à Lyon. Son actuelle directrice espère voir la création "d'un comité composé d'élus, de citoyens et des propriétaires de l'immeuble, afin de discuter des suites à donner".
Pour Gilbert Coudène, ancien directeur de Cité Création, qui a réalisé la peinture murale, "il faut ouvrir le débat". Il explique que la fresque "appartient à tous les Lyonnais, il faut se poser les bonnes questions".
Quand on l'a peint, il était dans le top trois des personnages préférés des Français. Ces annonces, c'est un choc. La déflagration est très forte. Mais une œuvre comme celle-ci, c'est fait pour bouger. Au rez-de-chaussée, il peut très bien y avoir quelqu'un d'autre.
Gilbert Coudène, ex-directeur de Cité-Création
Une plaque voilée
Henri Grouès dit Abbé Pierre est né à Lyon en 1912. Il suit sa scolarité chez les Jésuites de l'actuelle cité scolaire Saint-Marc, dans le quartier d'Ainay à Lyon, avant d'être ordonné prêtre dans la chapelle de l'établissement. Ce lundi 9 septembre, la plaque qui commémore son passage a été voilée. Une décision prise par la direction de l'établissement, "en accord avec l’association de gestion de l’établissement, l’association propriétaire et la tutelle jésuite", indique le centre dans un communiqué.
Les témoignages de femmes victimes des comportements de l’abbé Pierre sont accablants et consternants. Compte tenu des révélations récentes concernant l’abbé Pierre, il est apparu clairement aux responsables de l’établissement qu’il n’est plus acceptable de mettre en avant cette figure fondatrice d’une œuvre sociale importante.
La direction du centre Saint-Marc
Irigny, la maison familiale
L'abbé Pierre a passé de nombreuses années entouré des siens, dans une maison familiale située aux portes de Lyon, à Irigny. Dans la commune, tous les ans, une cérémonie portait son nom en mémoire de l'homme et de ses actions. Selon la maire, "la cérémonie va évoluer et ne s'appellera plus abbé Pierre, mais elle continuera à mettre à l'honneur une personne qui s'est illustrée". Dans le prochain magazine municipal, elle expliquera à ses administrés la nécessité d'ouvrir un débat au sein de la commune, après avoir découvert que "le masque est tombé".
"Un débat qui va déchaîner les passions"
Blandine Freyer, la maire de la commune, explique, par ailleurs, que : "cet été, un projet de vitrine mémorielle sur l'homme et un espace muséal avec des objets personnels" ont été arrêtés. Irigny compte bien relancer le débat. Ce lundi soir, une réunion entre les élus de la majorité sera consacrée au sujet. Le prochain conseil municipal devra composer avec les différentes personnalités locales. Madame le maire le reconnaît, "c'est un débat qui va déchaîner les passions".
Ici, il y a des personnes qui l'ont bien connu, ce sera compliqué pour elles. D'autres considèrent qu'on ne peut plus parler de lui. On a une fresque murale, une stèle, une place à son nom. Si le débat dit de tout effacer, on verra comment faire.
Blandine Freyer, maire (SE) d'Irigny
La Fondation Abbé-Pierre a, de son côté, annoncé un changement de nom et la fermeture définitive du lieu de mémoire d'Esteville. La mention "fondateur Abbé Pierre" du logo d'Emmaüs France pourrait être prochainement supprimée.