Il figure déjà parmi les français les plus connus en Chine. Le lyonnais Patrick le Chinois veut désormais devenir "le seul humoriste français de Chine" et s'en donne les moyens. Il va rejoindre ce pays en voiture et y jouer son spectacle... en mandarin !
Il ne prendra le départ que le 30 avril mais, d'ores et déjà, il a atteint une première étape symbolique. Comme disait un célèbre animateur de télévision : "tout le monde en parle". Patrick le Chinois est l'objet de reportages sur toutes les chaînes d'info, et même d'un sujet au 20h de Laurent delahousse sur France2, et apparaît sur presque tous les sites internet d'actualité, qui évoquent son incroyable projet.
Un ancien patron de discothèque lyonnais
Patrick a grandit à Lyon : "J'ai passé toute mon enfance à Mermoz, jusqu'à mes 18 ans. Ensuite j'ai eu des discothèques. J'étais patron jusqu'à mes 33 ans, avant de prendre une autre voie." se souvient-il. "Mon ex-femme était humoriste. Lorsque j'ai vendu mes discothèques, elle m'a proposé de faire un plateau de café-théâtre. Cela m'a plu, et j'ai continué à faire ce nouveau métier en tant qu'intermittent, avec plus ou moins de réussite."
Il explique avoir pu affronter le public grâce à sa capacité à gérer son stress, et à son passé d'ancien employeur. "J'avais une vie décalée, le soir. Devenir comédien m'a permis d'améliorer ma santé, de prendre un plaisir extraordinaire... et de baisser considérablement mon niveau de revenus, aussi " rit-il.
Ce nouveau métier "très addictif, pas facile à quitter, car on a besoin d'être désiré pour pouvoir travailler" l'a mené jusqu'à l'Olympia, où il se produit en 2007, soit seulement... un an après avoir débuté en tant qu'artiste. Une carrière qu'il a ensuite poursuivie tranquillement jusqu'à la pandémie de Covid19, qui est venu contrecarrer ses projets.
Au départ, Patrick le Chinois devait en fait présenter au printemps 2020 son 2ème one-man-show «En attendant Beyonce» au premier étage de la Tour Eiffel. Cela ne se fera pas. Déçu, il s'est alors trouvé, presque par hasard, un nouveau challenge : aller directement le jouer devant les chinois, chez eux, dans leur propre langue.
Une blague qui devient un défi
Tout est parti d'une discussion entre "collègues" de travail, lors d'un festival de café-théâtre français. "L'un de mes amis, d'origine chinoise, nous avait fait remarquer une chose simple. Il nous a dit : "c'est marrant, la France est un tout petit pays et vous êtes 20 000 humoristes. En Chine, on est 2 milliards et il n'y en a pas un". Et j'ai répondu : "qu'à cela ne tienne, je vais faire humoriste chinois". Cela m'a semblé une voie non-concurrentelle. Et je l'ai fait."
Evidemment. Patrick n'est pas du tout chinois, et ne parle même pas la langue. "J'ai commencé à m'y intéresser en 2014, à l'âge de 41 ans. Je ne connaissais que des trucs faux sur ce pays, des stéréotypes." Parti de loin, il rattrappe son retard avec beaucoup d'abnégation. Il est notamment allé à Shanghai où il a fait une vidéo près du Bund et qui a buzzé sur le net chinois. Au point d'être devenu, désormais l'un des 10 français les plus connus dans ce pays.
Son idée consistait à se faire prendre en photo avec 3000 chinois en deux heures. Il lui aura fallu moitié moins de temps et la vidéo a été vue 1,45 millions de fois. Désormais, son nom figure dans le "top ten" des français les plus appréciés en Chine, aux côtés d'Audrey Tautou et Alain Delon.
Au départ, je devais passer par l'Iran et l'Afghanistan. On me l'a déconseillé
Le 30 avril, Patrick partira rejoindre à nouveau la Chine mais... en voiture : la fameuse Smart. Une petite voiture habillée à son effigie, dans laquelle il va traverser un grand nombre de pays. "Tout est compliqué, dans mon idée, et c'est ce qui est en fait le charme" commente tranquillement ce grand gaillard qui a du se remettre douloureusement au sport pour affronter ce qui l'attend.
Son itinéraire lui fera traverser 11 frontières : Suisse, Italie, Slovénie, Autriche, Hongrie, Slovaquie, Ukraine, Moldavie, Russie, Kazakhstan.. avant d'arriver en Chine. Soit entre 25 et 35 jours, "en fonction des aléas techniques, des problèmes de Covid, les pannes et autre accidents possibles" précise Patrick.
Il a étudié l'état des routes, les configurations géo-politiques locales. "Tout sauf l'imprévisible" ajoute-t-il. "Au départ, je devais passer par l'Iran et l'Afghanistan. On me l'a déconseillé. Pas sûr que ce soit le bon moment d'aller y essayer de faire rigoler des gens".
Il ne sait pas encore où il va dormir. En revanche, à chaque étape, il prévoit de se produire sur scène, devant un public lié aux fameuses Alliances françaises à l'étranger, ou à des ambassades. "Ce sera moitié une conférence sur la réalisation d'un objectif impossible, et moitié mon dernier spectacle" précise-t-il. "Ca fera environ 45 minutes de show avec des questions-réponses."
Le point final étant de jouer -enfin- la première de son spectacle devant un public chinois. Ce qui est prévu le 17 juin à Guyang et le 19 juin à Chengdu.
Pas de "second degré" ni d'impro, dans l'humour chinois
De quoi parlera ce spectacle ? "J'ai déjà un squelette, qui va être étoffé au fil de mes aventures. C'est l'histoire d'un présentateur français, qui avoue au public qu'il ne parle pas chinois, mais qui a fait l'effort d'apprendre juste quelques phrases, parce qu'il doit présenter un show-case de Beyoncé. Malheureusement, la star prend du retard... Le régisseur lui demande alors de faire patienter le public... "
Patrick va jouer son show en mandarin. Il a tout bonnement appris l'intégralité de son texte... en phonétique. "Je ne parle pas cette langue. Alors je suis entré en contact avec un francophone, qui habite là-bas, et qui est marié à une chinoise. Cédric a traduit mon spectacle, me l'a enregistré et je l'apprends en permanence" explique-t-il en montrant ses oreillettes. "J'ai 348 phrases à apprendre, je chante aussi en chinois."
Et impossible, de toute façon d'improviser. "Le texte a été validé par le gouvernement chinois, par l'intermédiaire du Ministère de la culture. L'improvisation n'est pas la bienvenue." Pas complètement fou, notre humoriste a testé son scénario sur un public chinois, en collaboration avec l'Association de jeunes chinois de France.
"L'humour n'est pas le même. En Chine, le célèbre comique anglais Mister Bean est une superstar, et cela m'a inspiré. En Chine, nos chansonniers ou les sujets politiques, c'est impossible et même interdit. La vulgarité ne passe pas. Les chinois n'ont pas notre notion occidentale du second degré. C'est donc tenté d'écrire un spectacle... universel. Il pourrait, à mon avis, fonctionner de la même manière dans n'importe quelle langue."
J'ai 348 phrases à apprendre, je chante aussi en chinois
Le périple de Patrick le Chinois sera filmé et tout le monde pourra le suivre sur ses réseaux sociaux, au quotidien. "Ce qui m'intéresserait, c'est que, au-delà de ce voyage, le public chinois reconnaisse la qualité du spectacle. Ce serait un fabuleux cadeau", rêve l'audacieux humoriste.
Le pari est très osé, et il le sait : "Quand je vais au supermarché à 23 kilomètres de chez moi, je trouve déjà ça long. Et là, je vais faire 800 kilomètres par jour. Loin de ma famille, de mes enfants. Donc évidemment que cela fait un peu peur. Mais je suis soutenu par des tonnes de gens bienveillants. Cela fait des mois que je ne joue pas, et en tant que producteur de mon spectacle, je n'ai pas d'autre choix de remonter sur scène. On va donc sortir victorieux de cette situation".