À 88 ans, elle est l'indétrônable reine des fèves : "j'ai eu ma 193.000ᵉ à Noël"

Jacqueline Goepfert : 88 ans et 193.000 fèves au compteur. Des chiffres vertigineux qui font d'elle une des plus grandes collectionneuses de fèves (fabophile) de France. De sa maison de Pfastatt (68), qui déborde du sol au plafond d'écrins et de boîtes, elle nous raconte cette passion dévorante.

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J'avais contacté Jacqueline Goepfert, il y a cinq ans, à la même époque. Le sens de l'actualité. Depuis, chaque année, alors que les galettes fleurissent dans les vitrines, je me demande si Jacqueline va bien et si sa collection de fèves pousse encore les murs de sa maison. Me voilà rassurée.

Jacqueline pète la forme et c'est un euphémisme. Elle n'a rien perdu de sa verve ni de sa collectionnite aiguë, fabophilie pour les experts. À 88 ans, Jacqueline a désormais 193.000 fèves au compteur, soit 20.000 de plus qu'en 2020 lors de notre première rencontre. L'âge et le diabète n'ont pas eu raison de sa passion dévorante. Et c'est tant mieux.

Du sol au plafond

Jacqueline Goepfert habite sa maison natale de Pfastatt (Haut-Rhin). Elle n'en a jamais bougé. Ce qui lui a largement laissé le temps de la remplir "du rez-de-chaussée jusqu'au deuxième étage" de fèves. "Dans les couloirs, sur les étagères, dans les meubles et même dernièrement le meuble à chaussures." 

Jacqueline m'explique que, ben oui, "il faut bien les caser, ça augmente, ça augmente, ça ne s'arrête pas". 193.000 depuis Noël dernier, photographiées, répertoriées sur l'ordinateur et sagement consignées dans ses petits cahiers qu'on imagine nombreux." Les cahiers, ça me rassure. Je note la date, de qui je la reçois, le fabricant, si c'est un échange, un achat et je fais mes comptes. Je reporte d'année en année, de cahier en cahier." Jacqueline ne maîtrise peut-être pas Excel, mais l'histoire de ses trouvailles oui. 

Avec 7.500 nouvelles acquisitions en moyenne par an, mieux vaut être rigoureuse. La première date d'il y a 45 ans. Une épiphanie au sens propre. Une apparition en plein cœur… de la frangipane. "C'est mon fils, au départ, qui avait une âme de collectionneur. À trois ans, il rangeait toutes ses fèves plastiques dans des tubes. Pour lui faire plaisir, mon mari et moi, on s'est mis à faire les brocantes, les salons, ça a commencé comme ça. Lui, ça lui est passé. Moi, visiblement non. J'aime les fèves, je les adore, je crois que ça se voit." 

Jacqueline n'est pas trop difficile. Elle aime toutes les fèves avec un petit penchant pour les "artisanales, familiales et alsaciennes." Tout ce qui lui tombe sous la dent ou plus probablement dans les mains fera  l'affaire.

Mon fils part en Suisse m'acheter des fournées de brioches bâloises, moins sucrées. Je les stocke dans mon congélateur. Là, je suis équipée jusqu'à fin février ...

Jacqueline Goepfert

"Je les trouve sur internet, dans les bourses, dans les boulangeries, je les échange, c'est un véritable réseau, les fabophiles. Et puis évidemment, je les trouve dans les galettes aussi. Les galettes briochées, surtout." Car, ironie du sort, Jacqueline ne digère ni la pâte feuilletée, ni la frangipane "Mon fils part en Suisse m'acheter des fournées de brioches bâloises, moins sucrées. Je les stocke dans mon congélateur. Là, je suis équipée jusqu'à fin février à hauteur d'une par jour au petit déjeuner." 

Mais avant de les remiser, Jacqueline enlève consciencieusement la fève. Pour les mettre immédiatement dans ses collections. Ainsi, les modèles 2025 n'ont déjà plus de secret pour elle. "Des fleurs, des villages, des cerises… oui oui, tout est déjà rangé." Nul risque ainsi de se casser un plombage ou d'avaler de travers, "je ne peux pas faire autrement, c'est plus fort que moi et je n'ai jamais été fan des surprises de toute façon." 

Voyages immobiles

Grâce aux fèves, Jacqueline a une culture encyclopédique. Plutôt éclectique. À chacune de ses acquisitions, l'octogénaire fait des recherches, se documente. La fève fait germer en elle des envies de connaissance. "C'est tellement varié, vous avez tout le patrimoine, l'histoire, la culture. Par exemple, moi qui ne vais pas au cinéma, je connais tous les acteurs grâce aux fèves. Idem pour les personnages de BD sans jamais pourtant en avoir ouvert une. Je suis une encyclopédie de la fève". 

"Oui, toutes mes fèves racontent une histoire. Les plus anciennes datent du 19ᵉ siècle. À travers elles, on peut voir les évolutions de la société, les monuments régionaux. On voyage." Jacqueline est inarrêtable, sauf quand on lui parle de sous. "Je suis Alsacienne hein. Je ne veux pas parler d'argent, c'est trop bizarre. Il y a des fèves de la première époque, de fabrication allemande, 1875, qui peuvent être vendues jusqu'à 1000 euros si elles sont en bon état." Je n'en saurai pas plus. Mystère et pâte d'amande.

Avec sa dernière série consacrée aux planètes, Jacqueline est allée plus loin encore. Vers l'infini et au-delà. Un chouette voyage.

Valeur sentimentale

Quand on aime à ce point les fèves, le plus simple est encore de les créer soi-même. " Ça me prend un temps fou. Je cherche les idées, je choisis les motifs, les blasons, je trouve les fabricants. Dans le temps, je faisais faire des fèves industrielles au Vietnam, la plupart des fèves sont fabriquées là-bas, le Japon s'y est mis aussi de façon artisanale, ils me connaissent bien d'ailleurs. J'ai arrêté les grosses commandes, je fais plutôt désormais appel à des artisans locaux du Havre, de Dijon, ou de Strasbourg." Jacqueline a déjà imaginé pas moins de 200 fèves pour des communes alsaciennes, des amicales, des évènements, et même des hypermarchés.

Cette année, pour l'épiphanie 2025, Jacqueline en a créé six dont celle de Pfastatt. "Elle est consacrée à la Libération. J'ai fait des recherches documentaires, on a pris l'écusson de la division qui a libéré le village. C'était émouvant." 

J'ai conçu des fèves pour nos noces d'or en forme de cœur doré, pour le mariage de mon fils, pour le baptême de mon petit-fils. Ce sont des fèves sentimentales.

Jacqueline Goepfert

Mais celles qui comptent double, ce sont les fèves "sentimentales" comme les nomme Jacqueline. Des petites fèves semées le long de sa vie et qui racontent sa propre histoire. "J'ai conçu des fèves pour nos noces d'or en forme de cœur doré, pour le mariage de mon fils, pour le baptême de mon petit-fils : un ourson sur un cheval à bascule. Et pour ses anniversaires, un maillot de foot et quand il a changé d'activité, une tour d'échec. "

D'ailleurs, s'il ne devait en rester qu'une, ce serait celle-là. Ce cœur doré qui palpite encore. À bon rythme, comme celui de Jacqueline.

Après moi le déluge

Jacqueline a parfois hésité à arrêter sa collection. Mais son médecin s'y est formellement opposé." Il me dit que c'est bon pour la santé, que ça entretient ma curiosité, l'émulation intellectuelle, les relations sociales et mon physique. Que c'est mon ressort. Donc, je continue, hein ?" 

Quand on me demande si c'est raisonnable de continuer, je réponds : en avoir 150.000 ou 193.000 ou 200.000 c'est pareil non ?

Jacqueline Goepfert

Et visiblement, le régime fève lui réussit. "Je suis en forme, je conduis, je fais mes courses, je vis seule dans ma grande maison. Je cours les bourses, enfin, c'est plutôt mon fils qui m'y emmène, je fais des recherches sur Google, je me défends quoi. Et quand on me demande si c'est raisonnable de continuer, je réponds : en avoir 150.000 ou 193.000 ou 200.000 c'est pareil non ?"

Que deviendra cette exceptionnelle collection après Jacqueline ? La réponse fuse. "Nous avons approché l'Écomusée, mais ils n'en veulent pas. Alors ben, c'est simple, après moi le déluge." 

En attendant, le programme de janvier est chargé. "Bourse aux fèves de Wittenheim le 11 janvier, c'est d'ailleurs moi qui l'ai créée en 1998 après avoir harcelé Cora pour deux tables et un banc, le 26 janvier à Oltingue et le 8 février à Mundolsheim."  De quoi allègrement dépasser cette année les 200.000 fèves et introniser Jacqueline reine des fabophiles. 

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