« Là, ils se déchainent », à Lyon, le retour en force de l’extrême droite inquiète les autorités

Provocations des autorités, manifestations coups de poing, et dernière action en date : des « ratonnades » contre des supporters de l'équipe marocaine dans les rues de Lyon, mercredi soir, après la qualification des Bleus pour la finale de la Coupe du Monde. L’extrême droite lyonnaise fait parler d’elle depuis plusieurs semaines. Des violences qui interpellent les élus et les autorités.

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Une trentaine d’individus cagoulés qui convergent vers le centre-ville. Des jeunes armés de bâtons, vêtus de noir, avec une volonté manifeste d’en découdre. Des slogans racistes et des gestes violents. Hier soir, l’extrême droite est de sortie dans les rues de Lyon et vient gâcher la fête.

Après la victoire de l’équipe de France contre le Maroc, en demi-finale de la Coupe du Monde, ses militants sont suspectés d’avoir voulu s’en prendre à des supporters de l’équipe marocaine, comme c’est aussi le cas à Nice, à Paris ou à Montpellier.  

Les témoignages, les vidéos, s’enchaînent sur les réseaux sociaux. Difficile, cependant, de décrire avec exactitude les détails de l’évènement. Les forces de l’ordre confirment seulement avoir réussi à repousser rapidement ces individus violents et à interpeller deux militants d’extrême droite.

« Ces gens-là avaient des comptes à régler », affirme Thomas Rudigoz, député Renaissance de la première circonscription du Rhône. Pour l’élu, la recrudescence des actions d’extrême droite est « évidente » dans la capitale des Gaules, en plus d’être « inquiétante ».

Une recrudescence d’actions violentes

 

Provocations des autorités, manifestations coups de poings, passages à tabac, l’automne lyonnais a été marqué par la multiplication d'actions violentes et revendiquées. 8 décembre, des membres du groupe les Remparts Lyonnais s’infiltrent dans le cortège de la montée au Flambeau, bravant l’interdiction préfectorale. 5 décembre, deux militants de gauche sont agressés alors qu’ils tractaient dans le Vieux Lyon. Le 26 novembre, une manifestation contre les violences faites aux femmes aurait été perturbée par des activistes de l'ultra-droite lyonnaise. Et la liste est encore longue, comme on peut le lire dans un article du site Médiacités.

En ce moment, on fait face à un déchaînement inquiétant, ce n’est pas qu’anecdotique. Toutes les occasions sont bonnes pour taper contre les immigrés, contre les féministes, contre les militants de gauche

Hubert Julien-Laferrière, député écologiste du Rhône

« En ce moment, on fait face à un déchaînement inquiétant, ce n’est pas qu’anecdotique. Toutes les occasions sont bonnes pour taper contre les immigrés, contre les féministes, contre les militants de gauche », regrette Hubert Julien-Laferrière, député écologiste du Rhône et signataire, fin novembre, d’une lettre demandant au gouvernement « une enquête approfondie sur les agissements et les violences des groupuscules d'ultra-droite à Lyon ».

« Il y a déjà eu des actes violents par le passé, par contre là depuis quelques semaines, on sent qu’il y a des néo-fachos qui sont en train clairement de s’organiser, de monter en puissance et de mener un grand nombre d’actions de plus en plus radicales », ajoute Thomas Rudigoz, qui a lui aussi demandé à sa majorité de prendre le cas lyonnais au sérieux.  

Car si le type d’action n’est pas nouveau, « on note une accélération mais aussi une escalade dans la violence de ces actes », affirme Mohamed Chihi, adjoint à la sécurité à la Ville de Lyon « C’est une situation qui doit tous nous mobiliser ».

Démonstrations de force pour occuper le terrain

 

Alors comment expliquer ce retour en force et ce regain d’activité ? « C'est naturel, il y a des phases de creux et il y a des plus phases actives. Depuis les élections présidentielles et la candidature de Zemmour, on est clairement dans une dynamique de fort activisme », explique Laurent Burlet, qui enquête sur l’extrême droite lyonnaise depuis de nombreuses années pour le média Rue89Lyon.

Est-ce qu’il s’agit d’une nouvelle génération de militants qui veut se montrer, ou est-ce que, comme le pensent certains chercheurs, c’est l’absence de débouchés politiques après les présidentielles?

Laurent Burlet, journaliste Rue89

Le journaliste, qui a recensé la plupart des actions de l’extrême droite dans un article, assure que la multiplication d’actions violentes et rapprochées dans le temps n’est pas une première dans l’histoire du mouvement néo-fasciste. « La grande nouveauté, estime cependant Laurent Burlet, c’est que toutes ces actions et violences sont le fait de personnes plus difficilement identifiables, on a moins de lisibilité, les actions se font plutôt à visage dissimulé, avec des revendications similaires mais sans le tampon du groupuscule. La frontière est bien plus floue entre les différents courants d’extrême droite ».

Volonté d’exister, de se montrer, de faire de la propagande. Pour Thomas Rodigoz, les raisons de cette intensification des actions d’extrême droite sont nombreuses. « Ils essayent de recruter des jeunes pour continuer leurs exactions », ajoute le député.  

Laurent Burlet reste plus prudent. « La volonté d’occuper le terrain est évidente, après, est-ce qu’il s’agit d’une nouvelle génération de militants qui veut se montrer, ou est-ce que, comme le pensent certains chercheurs, c’est l’absence de débouchés politiques après les présidentielles qui a encouragé des actions plus violentes, il y a plusieurs hypothèses de travail… »

Dissolutions insuffisantes

 

Quelques soient les raisons et les motivations de l’extrême droite, « on a l’impression que Génération identitaire est en train de renaitre de ses cendres», regrette Thomas Rudigoz. Le mouvement a pourtant été dissout par le gouvernement en mars 2021, comme Bastion Social avant lui.

Alors les dissolutions sont-elles suffisantes ? Aujourd’hui, un nouveau groupuscule, les Remparts Lyonnais utilise les mêmes locaux que l’organisation précédente.

« L’avantage des dissolutions, c’est que cela empêche les dirigeants d’utiliser les outils de communication de ce groupe, cela crée une déperdition et la perte d’une « marque », en quelque sorte. Mais les activistes se sont faits discrets le temps de se reconstituer, et puis là, ils sont de nouveau très actifs », explique Laurent Burlet.

« Ce qui les encourage, c’est l’impunité de leurs actions », regrette Hubert Julien-Laferrière. « Il faut trouver des moyens de droits suffisants ». Comme recourir à un autre outil juridique,  « la reconstitution de ligue dissoute », prévu par le code pénal.

« Il faut que les services de police travaillent étroitement avec les collectivités locales pour voir si Génération identitaire  n’est pas en train de se reconstruire. Là, on parle de prison ferme et d’amendes très élevées », indique Thomas Rudigoz.

Autre réponse légale possible, la fermeture des locaux utilisés dans le Vieux Lyon. C’est d’ailleurs ce que demande la majorité des élus lyonnais. : « Vous le savez, l’extrême-droite ne cesse de promouvoir une idéologie à laquelle notre ville, capitale de la Résistance, ne peut rester indifférente. Ces groupuscules, au-delà d’une parole nauséabonde, multiplient les actes violents dans nos rues. L’existence même de locaux, tels que La Traboule ou L’Agogé, leur permettent de poursuivre leur sinistre dessein et c’est pourquoi j’ai demandé leur fermeture au président de la République »,  a réagi le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, en ouverture du conseil municipal ce jeudi 15 décembre.

« Nous ne pourrons pas améliorer la situation à Lyon sans fermer ces lieux qui servent de base à ces mouvements, mais il faut aussi identifier les individus violents, ceux qui commettent des troubles à l’ordre public, pour pouvoir les poursuivre et les traduire devant les tribunaux », ajoute Mohamed Chihi, de la ville de Lyon. « Et puis il faut que des peines soient prononcées, des peines qui montrent qu’il ne peut pas y avoir d’impunité », conclue Hubert Julien-Laferrière. 

Selon une information du quotidien le Progrès, un des organisateurs de la manifestation interdite lors du 8 décembre devra comparaître devant le tribunal correctionnel de Lyon le 21 mars 2023.

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