Avec la ressortie en salle d' "Autour de minuit" et un livre, un hommage musical, cinématographique et littéraire est rendu au réalisateur Bertrand Tavernier, disparu l’an dernier.
« Si nous avions su que nous l’aimions tant, nous l’aurions aimé davantage ». C’est le titre du dernier livre du directeur du festival, Thierry Frémaux, et c’est un peu aussi ce que doivent se dire l’équipe du festival Lumière et les cinéphiles chaque année au moment de la programmation. Le réalisateur Bertrand Tavernier est décédé en mars 2021. Et depuis son absence se ressent à chaque présentation des films pendant le festival. Alors comment le faire exister aujourd'hui ?
Du cinéma et des musiques
Dans son éloge à son ami de cinéma, Thierry Frémaux raconte très bien l’amour partagé pour le 7e art avec celui qu’il qualifie de « moine-cinéphile ». Pour cette édition 2022, le festival Lumière a choisi en quelque sorte de décadrer son regard sur l’ancien président de l’institut Lumière et la ressortie du film "Autour de minuit" prolonge l'hommage.
Quelle histoire ! Le film sorti en 1986 raconte comment un amateur de jazz français (François Cluzet) tente de sauver un saxophoniste de jazz (Dexter Gordon) et l’aide à retrouver l’inspiration. Le film a été tourné entre Paris, New York et Lyon. Un très bel hommage au jazz inspiré par l’ouvrage de Francis Pautras, « la danse des infidèles ». Thierry Frémaux rapporte la phrase du journaliste du The New Yorker, Howard Fishman, après la disparition de BT, à propos de ce long métrage : « Le film que le jazz mérite ».
La sensibilité ternaire de Bertrand Tavernier
On le sait peut-être moins, tant le discours permanent de Bertrand Tavernier était nourri d’histoires de cinéma américain et français, mais le réalisateur était aussi un grand amateur de musique de jazz : Lester Young, Sonny Rollins ou Bud Powell. Et bien sûr, Thelonious Monk pour le fameux « Round Midnight », « Autour de minuit ». Son film transpire de sensibilité ternaire. Et avec son talent de raconteur de cinéma, Thierry Frémaux rappelle la belle performance du tournage de ce film. Toutes les musiques ont été jouées en direct sur le plateau. Et quelle affiche. En marge des prestations de Dexter Gordon lui-même, il y eut le tournage mémorable de la séquence de concert au théâtre antique de Fourvière à Lyon en août 1985. Herbie Hancock accompagné de Tony Williams, Wayne Shorter, Mads Vinding et Michel Pérez et Lonete McKee donna un concert filmé resté dans les esprits et sur pellicule. Bertrand Tavernier s’était offert un plaisir mariant deux amours, Lyon et le jazz.
Le réalisateur collabora avec d’autres musiciens de jazz français comme Louis Sclavis ou Henri Texier.
C’est à ce Tavernier-là que le festival Lumière a rendu hommage à l’Institut Lumière pendant le festival. Le contrebassiste Henri Texier et son trio ont donné un concert très émouvant. Nul doute que ces notes de jazz résonneront dans les esprits tournés vers le réalisateur.
Et en guise de coda, comme pour mieux confirmer ce goût de Bertrand Tavernier pour le jazz, sa compagne Sarah, a raconté à Thierry Frémaux :
Dans ses dernières semaines, l’un des livres que lisait Bertrand était la biographie de Dexter Gordon écrite par sa femme. (…) L’une des dernières musiques que Bertrand a écoutée était « Chan’s Song » (Never Said) » le morceau écrit par Herbie Hancock et Stevie Wonder pour le film
Sarah Tavernier
"Si nous avions su que nous l'aimions tant, nous l'aurions aimé davantage" de Thierry Frémaux éd. Grasset
"Autour de minuit" est toujours projeté au cinéma Lumière-Lyon jusqu'au 20 décembre.