Les refuges de la Ligue de Protection des Oiseaux ont cent ans. Le journaliste et président de la LPO a participé, à Lyon, à la labellisation "refuge de biodiversité" du cimetière de la Guillotière, ce dimanche 11 juillet. Rencontre.
A Lyon, le cimetière de la Guillotière, d'une surface de 22 hectares répartis sur deux sites, a été labellisé "Refuge de biodiversité" ce dimanche 11 juillet. Ce label permettra de préserver la biodiversité locale d'inventorier les espères et de mieux prendre en compte la faune et la flore dans la gestion du site.
L'inauguration aura lieu s'est déroulée à l'occasion du Centenaire des refuges LPO. Elle aura lieu en présence de M. Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue de Protection des Oiseaux France et des élu(e)s de la Ville de Lyon, du 7ème et du 8ème arrondissement.
Une occasion parfaite pour interroger le président de la LPO sur les combats qu'il mène depuis de nombreuses années.
En quoi les cimetières sont des lieux potentiellement importants dans la lutte pour la préservation des espèces ?
Ce sont des lieux où la biodiversité est encore présente. Et ce sont les derniers endroits où l’on a accepté de rejeter la chimie. Il existe deux lieux où la collectivité a rejeté pendant longtemps l’usage des pesticides : les terrains de foot et les cimetières. Aujourd’hui, dans ces cimetières, on commence à trouver une harmonie en faveur de la biodiversité. Ils sont souvent enrichis d’une végétation très diversifiée et qui lui est favorable.
Un tel label engage-t-il concrêtement une mairie ?
C’est un pari de confiance. Il y a, à minima, un cahier des charges qui doit être respecté. Pas de produits chimiques, pas de chasse, pas de pêche. Ensuite, par ailleurs, c’est une complicité qui s’installe avec la municipalité, ou une entreprise, ou un particulier. LA LPO (ligue pour la protection des oiseaux) donne des conseils, par exemple, pour planter tel ou tel type de plante indigène, ou encore installer des mangeoires, des nichoirs, des hôtels à insectes. Moi j’ai vu, par exemple à Fontainebleau, un cimetière où on a installé des ruches. On peut ainsi multiplier les initiatives favorables à la biodiversité. Je trouve que ce lieu, qui est un lieu d’hommage aux disparus peut être un tremplin pour l’avenir de ceux qui sont amenés à disparaître, c’est-à-dire les animaux.
C’est aussi un avantage pour ceux qui en font un lieu de promenade…
Oui, je crois qu’il n’y a pas que l’émotion des disparus qui touche ceux qui visitent un cimetière. Il y a évidemment les plaques tombales qui racontent tant de choses, mais il y a aussi évidemment le décor dès lors que la biodiversité est invitée à pénétrer dans des lieux jusqu’alors très aseptisés. Ce décor est parlant et participe d’une forme de communion.
?Le 11 juillet, le Cimetière lyonnais de la Guillotière sera labellisé Refuge de #biodiversité, en présence d'Allain Bougrain Dubourg, Président de la @LPOFrance, du Maire et des élus de #Lyon.
— Nicolas Husson (@Nicolas_Husson_) July 4, 2021
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La LPO date de 1912. Et elle a permis de mener de nombreux combats. Quel reste-t-il encore à réaliser dans le domaine de la protection des espèces animales ?
Cela fait 100 ans que nous avons débuté la création des refuges LPO. On est partis des oiseaux, les macareux moines, massacrés par des safaris aux 7 îles, dans ce que l’on appelait les côtes du Nord, à l’époque. Et puis il y a eu beaucoup de combats contre la mode des chapeaux avec des plumes, voire des oiseaux empaillés dans les années 20, qui ont ratissé la dit faune dans le monde entier. En passant par bien d’autres batailles. Les derniers combats importants ont été le massacre des tourterelles dans le Médoc pendant près de 20 ans, dans un lieu de non-droit (la chasse était fermée, au mois de mai). Chaque année, on abattait 40 000 tourterelles avec la complicité de l’Etat. Puis il y a eu le naufrage de l’Erika. 10 ans de combats jusqu’en cassation pour que la LPO impose l’idée du préjudice écologique, qu’elle a initié. Et puis il y a eu les ortolans dans les Landes. Dix ans de combats également pour faire préserver cette espèce à l’agonie, et théoriquement protégée. Et puis, tout récemment, il y a eu l’arrêt du piégeage à la glue, dans cinq départements de la Méditerranée. Nous sommes allés jusqu’à la Cour européenne de justice pour obtenir l’évidence, qui était refusée par la France. Les combats sont constants.
Avez-vous l’impression que notre société a vraiment évolué vis-à-vis de ces thèmes ?
J’ai le sentiment que, aujourd’hui, il y a une solidarité de la nation -pas forcément de l’exécutif- qui s’empare des questions de biodiversité et singulièrement des jeunes. On a conscience des événements qui s’accélèrent et s’intensifient au regard du climat, avec, en face, des réponses potentielles. La collectivité, le citoyen, les entreprises peuvent faire de l’isolation thermique, de l’économie d’énergie, du covoiturage. Mais en ce qui concerne la biodiversité, si la tortue d’Hermann disparait, par exemple, on ne saura même pas qu’elle existait. Ce n’est pas seulement en mettant quelques nichoirs qu’on va sauver le vivant qui est dans un éclat de déclin pathétique. La réponse est donnée par les scientifiques. Il faut notamment revisiter la question agricole avec son cortège chimique qui, aujourd’hui, figure parmi les premiers impacts contre la biodiversité. Il faut revoir l’artificialisation de sols, aussi bien dans les espaces agricoles que naturels, et effectivement le réchauffement climatique. Autant de sujets qui dépassent le potentiel des citoyens. Mais quand les citoyens s’engagent auprès d’une association ou créent un refuge, c’est une forme de réponse et de solidarité face au déclin auquel on assiste.