Selon la dernière étude sur l'accès aux soins, les habitants de communes rurales bénéficient de 20% de soins hospitaliers en moins que ceux des villes. La désertification médicale des campagnes se poursuit, et impacte même le temps d'espérance de vie.
Isabelle Dugelet est la maire de La Gresle, petite commune du nord-est de la Loire. Elle est engagée contre les déserts médicaux en zones rurales. En décembre 2019, elle publiait un arrêté dans sa commune "interdisant de mourir le week end", pour dénoncer la pénurie de médecins. Membre de l'association des maires ruraux de France, elle commente la dernière étude sur l'accès aux soins, publiée dans le courant 2021.
Principal enseignement de cette dernière étude, les habitants des zones rurales reçoivent en moyenne 20% de soins en moins, comment cela se traduit ?
Nous sommes en permanence interpellés par nos habitants qui ne trouvent pas de médecin ou n’arrivent pas à se faire hospitaliser. Alors nous avons fait cette étude pour étayer ce manque. En effet, c'est bien 20% de soins hospitaliers en moins pout toutes les spécialités, à sexe et âge égal. Les habitants ruraux bénéficient d'un tiers de moins de séances de chimiothérapies ou de dialyses par rapport aux citadins.
L’accès aux urgences est aussi inégal par le fameux seuil de 30mn, qui est dépassé dans les campagnes...
Oui, ce seuil est considéré comme étant critique pour l'infarctus du myocarde, or il est souvent dépassé pour le temps d'accéder aux urgences. Je crois que 10% de la population est au-delà de ce seuil de 30mn. Et encore, ces urgences ne fonctionnent que 5 jours sur 7, pas toujours la nuit ou les jours fériés... D'autant que de nombreux services d’urgence sont menacés, donc celà pose de nombreuses inquiétudes pour de nombreux élus de communes rurales.
Quelles sont les conséquences pour ces habitants ?
Le résultat, c'est qu'en moyenne les habitants du rural vivent 2 ans de moins que ceux des villes ! Pour les hommes, 2,2 ans de moins exactement, et pour les femmes 0,9 ans de moins que les urbains, avec des chiffres qui s’aggravent depuis 30 ans. On pourrait penser qu’on vit mieux à la campagne, mais comme les gens accèdent moins aux soins, lorsqu'il y a des maladies graves, elles sont souvent diagnostiquées bien trop tard.
Comment devraient évoluer les déserts médicaux ces prochaines années ?
Depuis des dizaines d’années, l’état a nié le problème du manque de généralistes et de désertification médicale. Aujourd'hui dans le monde rural, la moitié des médecins a plus de 55 ans. Les jeunes préfèrent s’installer en ville. 10 millions de français ont des difficultés à accéder aux soins, et 10% d'entre eux n’ont plus de médecin traitant, alors qu'ils sont la porte d'entrée de l'accès aux soins adaptés. Or les 10 années qui viennent vont être encore plus difficiles. On va encore avoir plus de médecins qui partent que de médecins qui s'installent, et on prévoit 4% de généralistes en moins ces prochaines années. D'autant que ce ne sont que les nombres de médecins, mais il faut aussi prendre en compte leur temps de travail, qui diminue. Cette thématique de la santé devrait être la première préoccupation des parlementaires, de l'Etat, et en cette période, des candidats aux élections présidentielles.