Dans la famille Nothomb, je demande... la soeur. Juliette est la discrète grande sœur de l'autrice populaire Amélie Nothomb. Et cette dernière ne tarit pas d'éloge sur cette complice depuis l'enfance. Juliette, qui est installée à Lyon, écrit aussi des livres. Et notamment un éloge du cheval. Découverte dans "Vous êtes formidables" sur France3
Il faut prononcer le « B ». Juliette Nothomb le confirme. « On prononce le B car c’est du lëtzebuerger, la langue officielle du Luxembourg. Nothomb, c’est du luxembourgeois, et cela veut simplement dire « nouvelle ville », ou « new town » et c’est finalement, un nom très universel. »
Et nous voici directement plongés dans l’une des passions que Juliette partage avec sa petite sœur Amélie Nothomb : les mots. « Les mots, les patronymes, et aussi les toponymes. C’est toujours intéressant. Quand un endroit s’appelle Saint-Etienne ou Sainte-Agathe, on a l’explication… Et puis, parfois, c’est moins évident. Par exemple, l’endroit qui s’appelle Saint-Pourçain. Personne ne s’appelait Pourçain. Sans doute le village portait-il ce nom, et on a voulu le sanctifier », estime l’autrice.
Autrice ou auteure ? « Je suis de la vieille école. J’ai été habituée à dire auteure. Mais les deux me conviennent. Après tout, ce n’est qu’un juste retour des choses. Au Moyen-Age, tous les métiers étaient féminisés. Il y avait des doctoresses, des poétesses… C’est la Renaissance, puis l’Académie française et Napoléon qui a terminé le job et masculinisé tous les noms. Il faut juste s’habituer », estime-t-elle.
Juliette Nothomb est lyonnaise depuis 1999. « Je suis une lyonnaise acharnée pure et dure. J’ai même écrit un guide de la Ville de Lyon qui, plaisamment, m’a été commandé par une maison d’édition bruxelloise. Sachant qu’il y avait une belge qui habitait à Lyon depuis des années et des années. C’est l’endroit de ma vie où j’ai passé le plus long temps. » Et elle ajoute « J’ai trouvé l’amour à Lyon, et puis je suis tombée amoureuse de la ville en même temps. »
Sa dernière parution est un éloge du cheval. Une commande là-aussi. « Cela fait partie d’une sorte de collection. Une mouvance française de livres qui commencent par « éloge du… ». Il y a eu les deux éloges du chat par Stéphanie Hochet… l’excellent éloge du teckel de Lilian Auzas, qui est, lui aussi, un lyonnais. J’ai lu l’éloge du running, qui est absolument excellent. » Une éditrice a donc contactée Juliette. « Une amie commune lui a parlé de quelqu’un qui pourrait faire l’affaire. Pour un auteur, lorsqu’on vous fait une commande, c’est du pain bénit. Donc, forcément, j’ai accepté. Après, c’était beaucoup de travail. »
Dans ce livre, notre autrice remonte jusqu’aux origines de l’animal. Elle y rappelle que la « noble conquête de l’homme » a d’abord été pour lui… une nourriture. « C’était un gibier comme un autre. Quand l’homme était encore chasseur-cueilleur, le cheval, c’était comme une antilope. Le cheval était très difficile à attraper. Je ne sais pas comment il s’y prenait. Il faisait peut-être comme les prédateurs animaux. Il visait les bêtes jeunes ou malades. »
Puis le cheval a progressivement changé de statut. « Quand l’homme s’est sédentarisé et a commencé à cultiver, il s’est rendu compte que le cheval pouvait apporter une aide excellente comme bête de somme », poursuit notre interlocutrice qui, dans son livre, ne cache pas son goût pour ces chevaux lourds et rustres. « Ils sont un peu en voie de disparition mais, heureusement, il existe un tas de sociétés d’amoureux de races anciennes de chevaux de traie, qui les entretiennent. Il y a les chevaux français, dont le percheron, en tête. Et puis en Hollande, il y a le frison. Un gros cheval noir avec des longs poils de hippie au bout des jambes. Cela fait des attelages absolument somptueux. Mais c’est vrai que ce sont des chevaux qui avoisinent la tonne, voire plus. Et qui demandent un entretien tout particulier. »
Au fil des pages, on suit Juliette dans son apprentissage, cherchant à apprivoiser cet animal « têtu comme un zèbre ». « On dit toujours têtu comme un âne, ou têtu comme une mule. Ce qui est vrai. Mais certains chevaux peuvent aussi être très têtus. Mais le zèbre a cette particularité que jamais on n’a pu l’apprivoiser. C’est le plus indomptable de tous. C’est vraiment la bête sauvage par excellence. » Le sujet l’inspire. « Dans les années 30 ou 40, on a pu faire intervenir un zèbre dans un cirque mais c’était l’exception qui confirme la règle. »
Imaginez que l’on vous mette une barre de fer dans les lèvres. Vous auriez les commissures blessées. Pour le cheval, c’est la même chose. C’est très sensible.
Dans son récit, Juliette Nothomb décrit l’art de savoir monter ce cheval, de trouver la bonne position. Cette pratique s’exerce différemment en fonction des continents. « Il y a vraiment une grande scission. La monte à l’anglaise, et la monte à la western. Après, selon les pays, il existe d’autres techniques… » Elle entre dans les détails « La monte à l’anglaise, c’est la petite selle anglaise que nous connaissons tous ici. On est droit sur la selle ; les jambes et le bout des pieds sont parallèles au cheval. Le talon est baissé. L’étrier n’est pas très long. Et on ne fait presque rien avec les mains. C’est juste pour un peu diriger mais on ne touche pas à la bouche du cheval. »
Elle porte ses mains à sa propre bouche pour décrire la situation. « C’est une bouche. Ce n’est pas une gueule. C’est quelque chose de très sensible. Imaginez que l’on vous mette une barre de fer dans les lèvres. Vous auriez les commissures blessées. Pour le cheval, c’est la même chose. C’est très sensible. C’est d’ailleurs pour cela qu’on lui met un mors. »
Elle les aime, ces chevaux. Mais elle aime aussi les monter. Elle pourrait les aimer au point de ne plus le faire. « C’est un parti-pris vegan. Dire que monter les chevaux, c’est de la maltraitance animale. C’est un débat dans lequel je n’entre pas. Ce n’est pas de ma génération. Personnellement, j’ai souvent monté des chevaux dont on sentait qu’on éprouvait du plaisir à se promener avec nous. C’est très difficile de trancher. Je respecte l’avis des vegans. Moi, j’adore les animaux quels qu’ils soient », précise-t-elle.
Elle les aime d’autant plus, que les chevaux ont été une sorte de point de repère, depuis son enfance. « C’est une constante. Quand on a une passion, c’est salvateur. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une passion. Et, surtout si c’est une passion qui est exportable, telle que la musique, la lecture, ou l’écriture, cela devient un point d’ancrage auquel on peut se confier », avoue Juliette.
« L’enfant est un peu le contraire de l’adulte. Il n’aime pas tellement l’aventure. L’enfant aime les repères, la constance, la sécurité. C’est un peu la même chose chez l’animal, surtout s’il est domestique. Le chien, par exemple, a besoin de sa petite routine. Ce n’est qu’à l’adolescence que le métro-boulot-dodo… On n’en veut plus. Dans cette enfance où l’on avait d’immenses déchirements de quitter un pays où s’était faits des amis, où on était tombés amoureux de la maison où l’on habitait… lorsque l’on arrivait dans un autre pays dont on ne savait rien du tout, il y avait au moins deux points de repères principaux, qui étaient la famille –et ma sœur en particulier- et puis la passion. Et donc l’équitation, que je n’ai pas pu pratiquer dans tous les pays où j’ai vécu », témoigne Juliette.
Elle retombe finalement sur … son cheval. « Il ne faut pas croire que l’on peut monter partout sur terre. A mon époque, dans les années 70, cela n’allait pas de soi », ajoute-t-elle.
Indéniablement, il y a un air de famille. Il est même vocal. Juliette est, à de multiples points de vue, très proche de sa petite sœur, l’écrivain Amélie Nothomb. Cette dernière vient d’ailleurs de publier son dernier roman, intitulé « le livre des sœurs ». « Comme elle le dit elle-même élégamment : j’ai pris les deux sœurs, je les ai mises dans un shaker, puis j’ai versé dans un verre, et cela fait un cocktail », résume Juliette, qui trouve la formule très habile. « Moi-même, en lisant le livre, je me suis à la fois identifiée… et, en même temps… pas identifiée. De cette façon, tous les lecteurs, qu’ils aient des frères, qu’ils aient des sœurs, que ce soient des frères ou des sœurs de cœur peuvent s’identifier. Car ils peuvent se reconnaître dans cet amour, que l’on peut avoir entre frères et sœurs. »
Les petites sœurs sont toujours un peu en extase devant la grande sœur.
Impossible, en effet de ne pas évoquer cette petite sœur au si grand succès. Mais cela ne dérange guère Juliette, bien au contraire. « Pour moi, c’est un bonheur parce que c’est l’amour de ma vie. Forcément, on aime parler des gens qu’on aime. »
Et Amélie, elle-aussi, voue une sorte de culte à son ainée. Elle dit, dans une autre interview : « C’est un grand privilège d’être la sœur de Juliette. Elle chantait et elle cuisinait divinement bien quand j’étais enfant. » Ce qui fait sourire la concernée. « Vous savez, c’est un peu le rôle magnifié de grande sœur. Les petites sœurs sont toujours un peu en extase devant la grande sœur. Elle peut mettre des vêtements que vous ne pouvez pas encore mettre. C’est comme une maîtresse à penser, même si je n’étais pas beaucoup plus âgée qu’elle. Mais deux ans et demi, à l’échelle enfantine, c’est beaucoup. »
Amélie dit qu’en mettant à la fois son chapeau noir et un masque noir, elle avait l’air de Zorro !
Aujourd’hui, la différence est tout à fait réduite. « Il y a une époque où j’avais le double de sa taille. Aujourd’hui, c’est elle qui est plus grande que moi. » Et pas uniquement grâce à son goût pour les hauts-chapeaux. « Elle n’en met plus depuis le confinement. Elle dit qu’en mettant à la fois son chapeau noir et un masque noir, elle avait l’air de Zorro !» sourit-elle.
Les deux sœurs s’appellent absolument tous les jours. Mais Juliette ne lit plus ses écrits avant publication. « J’étais sa première lectrice et je lisais même les inédits. Mais la vie a fait que nous nous sommes séparées. Nous avons quand même vécu ensemble jusqu’à l’âge de 30 ans, ce qui est beaucoup. Nous en avons été très heureuses et, aujourd’hui, nous ne vivons plus ensemble mais, chaque fois qu’on se retrouve c’est comme si on s’était séparées la veille. »
Et, à l’inverse, Amélie ne relit pas non plus sa sœur. Elle sourit. « Non, non, non. Juste retour des choses. De toute façon, c’est un peu désagréable, lorsqu’on vous demande un avis. Soit vous êtes sincère et vous blessez, soit vous n’êtes pas sincère… et vous blessez aussi. C’est très délicat. »
Une qualité les différencie. Au contraire d’Amélie, capable de se souvenir des détails sur les gens qu’elle rencontre, Juliette n’est pas dotée d’hypermnésie. « Je n’ai aucune excuse, parce que j’ai fait du théâtre en Belgique. Cela s’appelle l’Académie à Bruxelles. Pendant 10 ans, j’ai suivi des cours d’art dramatique et de diction avec un comédien. Et parfois, effectivement, on apprend de très longs monologues. Mais voilà, je n’ai plus pratiqué depuis longtemps. Et aujourd’hui, ma mémoire est un peu une vieille chaussette. D’ailleurs, Amélie a plus qu’un don ou une faculté. C’est aussi un travail sur elle-même. »
Juliette aime converser. Que ce soit à propos de sa sœur, ou des chevaux, ou de n’importe laquelle de ses passions. Mais l’heure tourne. Une dernière question cruciale… sur les chevaux. « Selle, ou pas elle ? » Elle n’esquive pas. « Cela dépend. Si le cheval a le dos plat alors c’est confortable…alors pas selle. Mais si le cheval a le dos pointu, je recommande à tout le monde, hommes et femmes, la selle ! » C’est dit.
REPLAY : voir l'émission "Vous êtes formidables" avec Juliette Nothomb
PODCAST : écoutez l'entretien avec Juliette Nothomb