Lutte contre les violences intrafamiliales : réactions des acteurs de terrain aux propositions du ministre

"Pôles spécialisés" dans les tribunaux, mesures d'éloignement prises en 24 heures, nouveau bracelet anti-rapprochement ... À l'occasion d'un rapport parlementaire, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, annonce un ensemble de mesures. Les bonnes réponses face aux violences intrafamiliales ? Nous avons posé la question aux associations d'aide aux victimes du Rhône.

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Le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti a annoncé ce lundi 22 mars, une série de mesures pour lutter contre les violences conjugales et intrafamiliales. Des annonces qui suivent la remise d'un rapport parlementaire à la Chancellerie, intitulé « Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales ». 

Ces mesures, feront l'objet de décrets ou de projets de loi dans les prochains mois et s'inscrivent dans le plan en faveur de l'égalité femmes-hommes, déclarée "grande cause nationale" par Emmanuel Macron.

Des annonces qui n'ont pas convaincu les associations de défense des femmes victimes de violences, au niveau national. "Ce rapport est une réponse décevante aux attentes et urgences des femmes victimes, et des associations de lutte contre les violences conjugales sachant qu'il y a eu une augmentation de + de 60% des plaintes pour violences conjugales depuis #Metoo" , a réagi la Fondation des Femmes sur Twitter. 

2021 : 8 féminicides en Auvergne-Rhône-Alpes 

Il y a pourtant urgence à agir rappellent les associations. En 2021, le ministère de l'Intérieur a recensé 207 743 victimes de violences conjugales, essentiellement des femmes. Une hausse de 21 % en un an. 122 ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint cette même année, selon le ministère. Huit de ces féminicides ont été commis en Auvergne-Rhône-Alpes (contre 10 en 2020), dont 2 dans le Rhône (contre 3 en 2020).  

Les deux autrices du rapport, Emilie Chandler (députée Renaissance du Val-d'Oise) et Dominique Vérien (sénatrice de l'Yonne, UDI), notent un doublement des plaintes depuis 2016 "dans un contexte de libération de la parole et d'amélioration des conditions d'accueil des victimes par les services de police et gendarmerie". 

Une tendance confirmée par Catherine Herraney, directrice CIDFF (Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles) du Rhône-Arc Alpin. "Entre 2021 et 2022, nous avons observé une augmentation de 25 % des demandes d'information et d'accompagnement." Elle réclame donc une augmentation du budget pour la lutte contre la violence faite aux femmes. 

"Avec 25 % de sollicitations en plus en un an, ce n'est pas d'annonces dont nous avons besoin, mais de moyens pour toute la chaîne d'accompagnement : la police, la justice, les associations ... "

Catherine Heranney, Directrice CIDFF

Un pôle spécialisé dans chaque tribunal 

Le rapport parlementaire, souligne aussi que la réponse judiciaire est plus "rapide" (doublement des condamnations devant les tribunaux correctionnels, +218% de mesures d'éloignement entre 2017 et 2021), même si les progrès ne sont pas "au même niveau" sur l'ensemble du territoire. 

Suivant les recommandations du rapport, le garde des Sceaux a annoncé la mise en place de "pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales" dans les 164 tribunaux de France. "La création d'un pôle est une bonne chose s'il permet d'avoir des décisions cohérentes entre les juges, analyse Elisabeth Liotard, directrice de Viffil-SOS femmes à Villeurbanne. Ça ne peut qu'aller dans le bon sens, si les différentes juridictions et les juges échangent pour éviter des situations dangereuses."

"Aujourd'hui, on se retrouve dans des situations anormales où une femme sous ordonnance de protection, doit emmener ses enfants au père violent, parce qu'il a un droit de visite. Il faut donc plus de coordination dans la justice."

Elisabeth Liotard, directrice de Viffil-SOS femmes

Une ordonnance de protection prise en 24 heures

Eric Dupont-Moretti a aussi annoncé la mise en place d'ordonnance de protection en 24 heures, en cas "d'urgence extrême". Une accélération réclamée de longue date par les associations. Les délais de ces ordonnances, autorisant par exemple l'éviction du conjoint violent ou une interdiction d'entrée en contact, avaient déjà été réduits à six jours en 2019 (45 jours en moyenne auparavant). Cette nouvelle procédure de "l'immédiat" sera provisoire : elle devrait être ensuite réexaminée, de manière contradictoire, par un juge. 

En 2021, 42 ordonnances de protection ont été prononcées en matière civile par les juges des affaires familiales dans le Rhône, soit une hausse de 50% par rapport à l’année précédente. Des procédures qui pourraient être accélérées, pour mettre à l'abri les femmes violentées. 

"Quand un commissariat nous appelle en pleine nuit pour un risque de féminicide et que la femme est d'accord, on la met en sécurité dans l'heure.", détaille Elisabeth Liotard, dont l'association loge les femmes en situation d'urgence. Alors, que changerait cette ordonnance de protection délivrée en 24 heures ? "Ce serait une protection de plus, pour signifier à Monsieur qu'il y aura des conséquences juridiques s'il approche." 

Téléphones grave danger et bracelets anti-rapprochement

Pour protéger les victimes de leur agresseur, il existe des mesures judiciaires d'éviction, mais aussi des outils d’alerte ou de signalement. Les parquets de Lyon et de Villefranche-sur-Saône indiquent avoir attribué courant 2022 plus de 100 "téléphones grave danger" et 22 bracelets anti-rapprochement dans le cadre de mesures d'éloignement judiciaire.

Le rapport des Parlementaires propose d'assouplir encore les modalités de délivrance des "téléphones grave danger". Quant aux bracelets anti-rapprochement (1 000 actifs), ils connaissent encore de nombreux problèmes techniques, souligne le rapport. Un bracelet nouvelle génération avec une batterie plus fiable sera déployé dès le mois prochain, promet la Chancellerie. 

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