Douze parlementaires du Rhône, principalement issus de la République En Marche, ont décidé de saisir ensemble la Commission nationale du débat public (CNDP). Ils dénoncent un manque de clarté, selon eux, dans les projets futurs de déplacements urbains, par les écologistes. Le Sytral leur répond.
La Commission du débat public (CNDP) est un organisme indépendant, chargé d'organiser le débat public, et de veiller à sa transparence. "La saisine que nous lui avons envoyée est actuellement instruite" a annoncé d'emblée, lors d'une conférence de presse commune, le député Modem Cyrille Isaac-Sybille (12ème), qui est à l'origine de cette initiative.
Démarche très politique : il est entouré par onze autres parlementaires. Yves Blein, député du Rhône (14ème), Bruno Bonnell, Blandine Brocard, députée du Rhône (5ème), Anne Brugnera, députée du Rhône (4ème), Danièle Cazarian députée du Rhône (13ème), Jean-Luc Fugit député du Rhône (11ème), Thomas Gassilloud député du Rhône (10ème), Anissa Khedher Ddéputée du Rhône (7ème), Thomas Rudigoz, député du Rhône (1ère), Jean-Louis Touraine, député du Rhône (3ème) et Bernard Fialaire, Sénateur du Rhône ont co-signé cette saisine. En revanche, aucun maire ni représentant de l'opposition à la Métropole ne participe à cette action.
Des votes récents en opposition avec le Plan de déplacement urbain
Ces élus ont toute légitimité pour saisir cette instance, en tant que parlementaires, comme le prévoit la loi, dès lors qu'ils sont au moins 10 signataires. La CNDP pourra répondre en proposant soit un débat public (qu'elle organise elle-même), soit une concertation publique.
Saisine de 12 parlementaires du Rhône contre le Sytral
La lettre de saisine a été adressée à la présidente de cette commission, Chantal Jouanno. L'objectif de ces parlementaires est de réclamer des comptes au Sytral et, évidemment, à son président Bruno Bernard. "Suite au plan de mandat voté en décembre 2020, et au budget voté en février 2021, nous constatons que ces deux votes sont en opposition avec le Plan de Déplacement Urbain (PDU).", expliquent les signataires.
Ce PDU a été voté en 2017 et il est valable jusqu'en 2030. "A l'époque, l'ensemble des habitants de la Métropole a été concerté avant que le PDU ne soit voté. Le problème, c'est que le plan de mandat des Verts n'est pas en adéquation avec ce PDU qui, lui, permet d'avoir une vision à long terme" commente le député Isaac-Sibille.
Les douze élus rassemblés estiment globalement que les priorités retenues dans ce PDU ne sont en réalité pas respectées par les votes récents. "Dans ce PDU, la ligne de métro E avait été retenue à l'unanimité. C'était aussi le cas du corridor A8, qui relie Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron, Vénissieux et Gerland. Quand on regarde la carte du plan de mandat récent, on peut le trouver en contradiction avec le PDU " explique le député.
le Sytral avance de manière morcelée et cachée
C'est clairement des projets de déplacement urbains qu'il est question dans cette démarche, et, en particulier, ceux du Métro E vers l'Ouest lyonnais, et du téléphérique entre Francheville et Gerland, dont on sait qu'ils sont soutenus par les écologistes. "Pour le métro E, la majorité nous parle d'un moratoire et propose ce téléphérique sur le même trajet. Et donc, là-dessus, ils ne sont pas clairs. Il faut être courageux et dire les choses. Pour moi, le Sytral avance de manière morcelée et cachée" estime Cyrille Isaac Sybille.
Pour appuyer cette affirmation, il explique au passage qu'il a dû intervenir pour obtenir la republication des documents portant sur le projet de Métro E, qui auraient été récemment supprimés du site internet du Sytral.
Il faut appeler un chat... un chat. Surtout quand les chats sont verts
Au-delà de ce constat, les signataires sont unanimes pour évoquer un manque de transparence de la part de la majorité écologiste aux manettes du Grand Lyon. Parmi eux, le député et candidat aux régionales Bruno Bonnell ne retient pas longtemps son sens des formules : "Cette saisine, c'est évidemment un outil pour dénoncer une attitude politique. Il faut appeler un chat... un chat. Surtout quand les chats sont verts" martèle-t-il. " On n'est pas élu d'un territoire, sans tenir compte d'un héritage. Il est nécessaire de pouvoir garder une visibilité au fil des mandats" ajoute le député.
Ils réclament un "vrai débat public démocratique"
"Normalement la concertation doit se faire à priori, avec l'ensemble des parties prenantes, comme par exemple les habitants. On voit que cette concertation n'a pas eu lieu " enchaîne le député Isaac-Sybille. "On souhaite que la présentation soit globale ".
Argument que le député Thomas Rudigoz reprend à son compte " Il y a un déficit de démocratie participative assez incroyable, avec ce nouvel exécutif métropolitain (...) Depuis qu'ils sont aux affaires, ils la foulent du pied, pour pouvoir mener à bien leurs projets le plus vite possible, arguant du fait de l'urgence climatique. Leur façon de morceler les différents sujets permet de noyer la pertinence ou l'importance de certains de ces projets. On a besoin d'avoir un véritable débat public sur les grands enjeux des déplacements urbains dans les 30 prochaines années." détaille-t-il.
mille cerveaux apportent plus qu'un seul, même très grand
Un véritable discours sur la méthode, teinté d'un léger reproche de manque... d'élégance. S'appuyant sur sa longue expérience, le député Jean-Louis Touraine enfonce le clou en rappelant "que mille cerveaux apportent plus qu'un seul, même très grand. C'est naturel que, dans les débats, les idées émergent et que l'on puisse tenir compte de tous les impératifs qui ne convergent pas toujours entre les différents habitants de quartiers divers" explique-t-il. "J'ai suivi le dossier du téléphérique. Cela inquiète de nombreux habitants. La concertation doit associer l'ensemble de l'agglomération lyonnaise et de tous ses bassins de vie." rebondit la députée Daniele Cazarian. "Cette saisine évite aussi que l'on multiplie les démarches individuelles auprès du Sytral."
Une demande de clarté, mais pas de recours en justice
"Ce que nous demandons, c'est un débat. Pas une sanction", conclut Cyrille Isaac-Sybille. "La nouvelle majorité est légitime. Mais au niveau de la méthode, nous réclamons de la clarté, de la transparence et du courage. Si on avait voulu une sanction, on se serait tournés vers le tribunal administratif. On respecte la légitimité du vote, mais on demande que la nouvelle majorité n'avance pas de manière cachée et fragmentée, sans que la population ne soit au courant de ses véritables projets."
La décision de la Commission du débat public sera rendue publique courant mai.
La réponse de Jean-Charles Kohlhaas, vice-président du Sytral
"Tous les projets inclus dans le plan de mandat ont été mis à concertation et sont conformes au PDU de 2017" réplique sans inquiètude le numéro 2 du Sytral. "Certains sont même au PDU depuis trente ans sans avoir jamais été réalisés, comme les lignes T9 et T10."
Jean-Charles Kohlhaas précise d'ailleurs qu'un nouveau PDU sera bientôt réalisé, en raison de la naissance du nouvel établissement public Sytral. Il s'appellera désormais PDM (Plan déplacement mobilités) et sera adapté au nouveau périmètre du Sytral.
La concertation "dans l'ADN des écologistes"
Sur le reproche de manque de concertation, notre interlocuteur s'affiche serein. "J'étais aujourd'hui en visio-conférence avec la présidente de la fameuse CNDP, Chantal Jouanno, justement pour parler de ce sujet. En réalité, ils sont un peu saturés par les demandes de la Métropole de Lyon en matière de concertation. Il n'y a jamais eu autant de concertation avec saisine de la CNDP que depuis trois mois. On concerte sur tous les projets et utilise au maximum tous les délais réglementaires. Et on le fait également sur des projets où l'on est pas obligés de saisir cette commission" explique-t-il.
Concernant le projet T6, l'élu précise qu'une concertation vient justement s'achever et en profite pour interpeller les 12 parlementaires. "Trois d'entre eux étaient concernés par cette ligne et aucun n'est venu s'exprimer. " lance-t-il. Il y aura également une concertation menée par la CNDP sur T9 et T10, d'une durée de trois mois.
Concernant le projet de téléphérique, Jean-Charles Kohlhaas ajoute que le Sytral a saisi également la CNDP pour faire une concertation sur la transport par câble, "ce qui n'était pas obligatoire", précise-t-il.
Une grande concertation publique à l'automne autour des projets de métro
Le Sytral prévoit aussi un rendez-vous inédit dans son histoire. Un grand débat public est programmé à l'automne prochain sur les projets de métro à long terme. "Jusqu'à présent, les élus du Sytral lors du précédent mandat, dont certains font ajourd'hui partie de ces douze parlementaires, décidaient d'un projet de métro sans organiser de débat public. Et ensuite, ce projet était mis au PDU." explique le vice-président.
Ce dernier souhaite procéder de manière plus progressive. "On avait 7 projets de métro en chantier, lorsque l'on est arrivés aux manettes du Sytral. On sait très bien qu'on ne les réalisera pas tous avant 2050 au moins. Donc on en a supprimé trois, qui n'étaient vraiment pas prioritaires. Les quatre qui restent feront l'objet de ce grand débat public pendant trois mois, et ouvert à tous les citoyens. Il s'agira de déterminer dans quel ordre nous ferons chacun de ces quatre projets."
Parmi ces projets, le prolongement du métro A , du métro Bet du métro D, et surtout...la création du fameux Métro E. "J'ai bon espoir que nous ferons ce métro E en moins de trente ans. Ce sont quatre projets solides justifiés par des zones urbaines denses. Ils ne sont pas abandonnés" réaffirme l'élu.
Une démarche purement électoraliste ?
Etonné par cette initiative des douze parlementaires, Jean-Charles Kholhaas s'interroge sur leurs réelles motivations. "J'ai l'impression que cela ressemble plutôt à une commande, comme on en voit beaucoup en ce moment. Il faut attaquer les écologistes par tous les moyens, en période pre-électorale. Quitte à instrumentaliser un débat concret pour les citoyens. J'ai vraiment le sentiment d'insister à une instrumentalisation purmeent électoraliste."
En réponse à ces élus Lrem, l'élu écologiste estime que ni lui, ni même Bruno Bernard, président du Sytral, ne décideront personnellement de l'avenir -à très long terme- de ces projets. Il renvoie à d'autres problématiques : "Je suis un défenseur de longue date de l'extension des transports dans l'Ouest lyonnais. J'ai même milité pendant 20 ans dans ce sens. Mais j'ai rencontré aussi le maire de Rillieux-la-Pape, et le maire de Caluire, par exemple, qui m'ont convaincu qu'il y avait un enjeu sur le plateau Nord, avec des dizaines de milliers de gens qui vivent sans ligne forte de transports collectifs. Sans négliger l'enjeu évident de la Duchère. Donc il faudra tenir compte de cette grande concertation à l'automne prochain"