Christian Boiron, emblématique directeur général du géant lyonnais de l'homéopathie Boiron, va quitter ses fonctions à compter du 1er janvier 2019, sans donner plus de détails sur les raisons de ce départ.
Le départ de M. Boiron survient alors que le groupe traverse une période de turbulences, sur fond de résultats en baisse et de la relance du débat en France sur l'efficacité de l'homéopathie. Valérie Poinsot, directrice générale déléguée du groupe depuis sept ans, a été désignée pour lui succéder.
Cette polémique ancienne a ressurgi avec vigueur depuis la publication en mars dernier d'une tribune au vitriol d'une centaine de médecins opposés à cette pratique, et réclamant l'arrêt de sa prise en charge partielle par l'assurance maladie.
Le ministère de la Santé a saisi la Haute autorité de santé (HAS) pour évaluer l'efficacité de l'homéopathie et le "bien-fondé" de son remboursement. L'avis de la HAS, sur lequel se basera le gouvernement pour trancher, est attendu fin février.
C'est la première fois que le groupe lyonnais, fondé à la fin des années 1960 par le père et l'oncle de Christian Boiron, sera dirigé par un membre extérieur à la famille. Aujourd'hui âgé de 71 ans, Christian Boiron était directeur général du groupe depuis juillet 2011, son frère Thierry en étant le président.
Un patron à la fibre sociale
Christian Boiron était entré en 1970 dans la société lyonnaise fondée par son père et son oncle, alors qu'il venait à peine d'obtenir son diplôme de pharmacien.
A l'époque, il ne pensait "pas y faire long feu", a-t-il confié dans un ouvrage personnel publié en 2016, "Recherche en homéopathie".
Il en est toutefois devenu directeur général une première fois dès la fin des années 1970, avant de régulièrement permuter les rôles de direction avec son frère Thierry, actuellement président du conseil d'administration du groupe.
"Ma passion, c'était le social. Et puis peu à peu, j'ai découvert que le management et la médecine étaient des proches parents (...), dans les deux cas je ressentais un fort besoin de réflexion philosophique et éthique", a encore écrit ce précurseur français du "bien-être" en entreprise.
Sous son impulsion, le groupe s'est ainsi doté d'un "Chief happiness officer" dès 1984, une trentaine d'années avant que cette fonction devienne monnaie courante dans les grandes entreprises.
Boiron a aussi innové avec une trentaine d'accords d'entreprise signés dès les années 1980 et toujours en vigueur, offrant par exemple à ses salariés des aides financières pour mener des projets personnels, l'individualisation du temps de travail ou encore une préparation à la retraite. Une bienveillance toutefois intéressée: Christian Boiron voyait aussi dans ces mesures un moyen de faire accepter plus de flexibilité et un engagement sans faille de ses salariés.
Il avait été aussi adjoint au maire de Lyon de Michel Noir (RPR) de 1989 à 1991, tout en cultivant autant d'amitiés à droite qu'à gauche.
Le reportage de Sylvie Cozzolino et Isabelle Murrat
L'homéopathie, utile?
"Jamais, je n'ai eu autant de certitudes" sur l'utilité de l'homéopathie, avait-il alors confié, tout en reconnaissant le paradoxe d'une médecine "dont on ne peut pas comprendre le mécanisme d'action".
Désormais le gouvernement n'exclut plus de dérembourser ces produits si leur efficacité s'avérait non fondée scientifiquement. La polémique "ne change pas un gramme des granules que nous pouvons vendre ou ne pas vendre", avait tenté de minimiser Christian Boiron.
Un groupe mondial
Boiron est l'un des leaders mondiaux de l'homéopathie, avec un chiffre d'affaires annuel de plus de 600 millions d'euros et une présence internationale, en Europe, aux Etats-Unis et dans des marchés émergents, pour un total de plus de 3.700 salariés dans le monde (dont plus de 2.500 en France).Le groupe réalise encore plus de 60% de son chiffre d'affaires en France, où de nombreux produits homéopathiques sont partiellement remboursés par l'assurance-maladie, à l'inverse de la plupart des autres pays.