Le ministre de l'Intérieur laisse fuiter de nouvelles critiques sur le président de la République. Gérard Collomb prend ses distances. En fin stratège, anticipe-t-il déjà une éviction qu'il sait inéluctable et qui précipitera son retour politique à Lyon ?
Gérard Collomb, toujours ministre de l'Intérieur mais d'ores et déjà candidat aux municipales à Lyon, multiplie les petites phrases critiques concernant le président de la République. Au point que l'on se demande s'il va pouvoir vraiment conserver son poste jusqu'en juin 2019, après les élections européennes, date annoncée de son retrait du gouvernement.
Il l'a d'ailleurs laissé entendre lui-même lors d'un entretien avec des journalistes au ministère, repris par la Dépêche du midi: "Il va finir par ne plus me supporter. Mais si tout le monde se prosterne devant lui, il finira par s'isoler, car par nature l'Élysée isole".
Une semaine avant l'annonce de sa candidature,Gérard Collomb s'était donc ouvert en petit comité du climat qui règne à l'Elysée : "Nous ne sommes pas nombreux à pouvoir encore lui parler (...) Ceux qui parlent franchement à Macron sont ceux qui étaient là dès le début: Ferrand, Castaner, Griveaux et moi...".
On retrouve ici le discours sur le manque d'humilité du président: "Les provinciaux, et j'en suis, ont déjà une tendance naturelle à considérer que
les Parisiens ont la grosse tête et les snobent, or des expressions comme la nouvelle grammaire de la politique ou la "start-up nation", ils ne s'y reconnaissent pas", déplore G.Collomb, reprenant des éléments de langage du "nouveau monde", un vocabulaire politique porté par Emmanuel Macron.
Des sujets de discorde
L'affaire Benalla est aussi passée par là. Gérard Collomb regrette que "le chef de l'Etat ne soit pas monté au créneau plus tôt". A l'Elysée, on n'aurait pas vraiment apprécié les piètres explications données par le ministre de l'Intérieur devant les membres de la commission parlementaire. Est ce le point de départ d'un désaccord majeur entre les deux hommes ou une contrariété de plus qui s'ajoute à d'autres et qui vient ébranler leur vieille complicité ?
Selon les propos rapportés par la Dépêche, confirmés à l'AFP, M. Collomb a évoqué encore quelques sujets de discorde .Il "regrette que nos relations avec les collectivités locales se soient dégradées alors que nous avons pris des mesures qui auraient dû les satisfaire (...) On a fait une campagne sur le pacte girondin, il serait urgent de renouer avec cette promesse (...) On n'a pas bien traité un certain nombre de problèmes comme l'accueil des mineurs isolés, les 80 km/h", dit encore celui dont le ministère inclut les collectivités locales.
Sollicité par l'AFP , l'Elysée n'a pas souhaité commenter des "propos rapportés".
Combien de temps le ministre de l'Intérieur pourra-t-il laisser ainsi filtrer dans la presse sa vision critique sans s'exposer à un désaveu présidentiel ? La rupture entre les deux hommes étant consommée, Gérard Collomb cherche-t-il là à se démarquer d'E. Macron pour mieux préparer son retour politique à Lyon ? Ou anticipe-t-il déjà, en fin stratège, une éviction prochaine qu'il sait désormais inéluctable ?